"Tandis que les autres nations du vieux monde en sont aux essais des âges préhistoriques, l'Égypte se montre en possession d'un art savant, expressif : c'est en Égypte que s'ouvre l'histoire de l'architecture. Fixer des dates serait illusoire : dans l'état actuel de nos connaissances, on est réduit à classer les monuments d'après les numéros d'ordre des dynasties contemporaines, à peu près comme on classe les faits du domaine de la géologie ; le rang de succession est connu, le chiffre des années nous échappe. On peut toutefois poser quelques repères : les premières dynasties sont vieilles d'environ six mille ans ; la 19e, où l'art égyptien a le plus de puissance et d'éclat, celle des grands monuments de Thèbes, est contemporaine de Moïse et remonte à quinze siècles avant notre ère ; la 26e se termine à la conquête de l'Égypte par les Perses, soit au 6° siècle : c'est l'instant où l'art grec commence. (...)
L'architecture de l'Égypte participe de l'architecture à matériaux d'argile et de l'art mégalithique : à l'architecture d'argile appartiennent toutes les constructions d'habitation et de défense ; à l'art mégalithique les monuments du culte et les tombeaux.
Envisagé dans ses procédés, l'art de l'Égypte est la simplicité même : l'argile permet d'élever, sans recourir aux installations complexes de cintres ou d'échafaudages, des voûtes économiques et durables. Quant à la pierre, elle est employée sous forme de supports verticaux (murs ou piliers) surmontés de plafonds en grandes dalles : le temple est constitué comme un dolmen. Rien de cherché dans la structure, rien de tourmenté dans les formes : la ligne horizontale domine les ordonnances comme elle règne dans le paysage qui les encadre ; de rares et sobres divisions, une prédominance marquée des pleins sur les vides : tout ce qui éveille le sentiment de la stabilité et de la durée. Nulle architecture ne sut à l'égal de celle de l'Égypte réaliser à l'aide des éléments les plus simples l'irrésistible impression de la grandeur."
(extrait de "Histoire de l'architecture", Tome 1, 1899)
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Une journée en Égypte avec… Olympe Audouard (1832-1890)
(extrait de "Les mystères de l'Égypte dévoilés", 1866)
Une journée en Égypte avec… Olympe Audouard (1832-1890)
"L'Égypte ne ressemble à aucune autre contrée : elle surprend, étonne et charme le voyageur. Immense oasis au milieu du désert, grande plaine dont le Nil est le centre, contrée dont l'antiquité se perd dans la nuit des temps, où tout est merveilleux et miraculeux, qui ne ressemble à aucune autre, qui a son cachet personnel, qui est elle enfin, qui a été créée par le Nil, qui est la fille de ce fleuve fait dieu par les Égyptiens, fleuve qui la féconde en déposant sur ses terres son limon gras et bienfaisant, l'Égypte commence où les eaux du Nil arrivent, et finit là où elles s'arrêtent.
Son sol sablonneux ne peut recevoir la fertilité que des eaux du Nil seulement. Ainsi, si vous arrosez une étendue de terrain avec de l'eau transportée d'Europe, ou de l'eau de pluie, elle restera infertile ; ce qu'il lui faut, ce sont ces eaux, mélangées de ce gras limon.
C'est ce qui avait donné naissance à cette ancienne fable des Égyptiens : Isis (la terre) est, disent-ils, l'épouse féconde d'Osiris (nom sacré du Nil) ; Nepthys (la terre du désert) est l'épouse stérile de Typhon (la pluie), qui ne pourrait enfanter que par un adultère avec Osiris.
C'est-à-dire que la terre d'Égypte ne peut être fécondée que par les eaux du Nil, ce qui est parfaitement exact.
On comprend sans peine que les anciens Égyptiens aient vénéré ce fleuve, lui aient rendu des honneurs divins ; en effet, comme le remarquait judicieusement Hérodote, le Nil est le créateur de l'Egypte ; c'est ce limon qu'il dépose sur son sable qui d'abord le rend fécond, puis exhausse le terrain de telle façon qu'il gagne sur la mer. Il est facile de voir de combien il a empiété, car, à de très longues distances de la mer, le sable est mélangé de coquillages, et il a une forte dose de saumure. On trouve des coquillages sur les hauteurs ; les pierres du désert sont polies et façonnées par le roulement des flots. (...)
Donc, je le répète, le Nil est le créateur de ce pays, et c'est avec raison que les anciens Égyptiens en avaient fait un dieu. Le dieu Nil était représenté, nous dit Champollion, par un personnage de forme humaine qui semblait participer de la femme et de l'homme ; sa tête était surmontée d'un bouquet d'iris ou glaïeuls, symbole du fleuve à l'époque de l'inondation ; il faisait au nom des rois, qu'il avait pris sous sa protection, des offrandes aux grands dieux de l'Égypte. On l'a, en effet, représenté portant sur une tablette quatre vases contenant l'eau sacrée et séparée par un sceptre qui est l'emblème de la pureté ; il était ainsi représenté sur deux bas-reliefs qui ornaient deux côtés du dé sur lequel s'élevait l'obélisque que l'on a transporté à Paris."
(extrait de "Les mystères de l'Égypte dévoilés", 1866)
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(lettre à ses parents)
Une journée en Égypte avec… Édouard Naville (égyptologue genevois : 1844-1926)
"Le chemin me parut interminable ; je ressentais une telle joie de voir pour la première fois l'un des monuments auquel j'ai tant pensé, que je n'osais regarder devant moi les collines de décombres qui cachent le temple, et qui semblaient s'éloigner toujours. Enfin, nous passons le pylône sur lequel on voit des scènes d'offrandes faites à Hathor par un empereur romain, et nous sommes en face de l'édifice. Quoique fort bien conservé, il n'est pas entièrement dégarni de la terre qui l'entoure ; il faut descendre environ douze marches pour arriver dans le vestibule ; d'immenses colonnes à chapiteaux en forme de tête humaine en supportent le plafond où est peint le fameux zodiaque ; les colonnes et les parois, tout est recouvert de tableaux carrés représentant différentes offrandes et les diverses cérémonies du culte d'Hathor. Les couleurs ont toutes disparu, beaucoup ont été noircies par la fumée des torches qui ont laissé dans tout le temple une odeur fort désagréable. Au-delà du péristyle est encore une salle à colonnes, puis deux sortes de prosanctuaires, avant le sanctuaire même qui est parfaitement obscur et qui occupe le fond du temple. Autour du sanctuaire est un couloir sur lequel s'ouvrent un grand nombre de chambres qui toutes avaient leur destination dans le culte d'Hathor ; l'une est la chambre des huiles, l'autre celles des habillements de la déesse, etc. Toutes les parois sont couvertes d'innombrables hiéroglyphes et surtout de ces tableaux carrés dont je parlais plus haut ; beaucoup sont à peine visibles, soit à cause de la hauteur, soit à cause de l'obscurité, il faut même tout un travail pour y trouver ce que l'on connaît.”
(lettre à ses parents)
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