Le Zeppelin, aérostat de type dirigeable rigide, a été construit en 133 exemplaires. Son premier vol a lieu le 2 juillet 1900. Construit par le général allemand à la retraite Ferdinand Graf (comte) Von Zeppelin, il survole le lac de Constance à 400 mètres d’altitude et parcourt 6 kilomètres en 18 minutes. Long de 128 mètres de long, ce prototype du Luftschiff Zeppelin (LZ1) est l'aboutissement de près de 25 ans de travail.
En 1917, à la mort de Ferdinand Von Zeppelin, Hugo Eckener prend la relève pour donner à l’invention son véritable “envol” et lui faire connaître un succès mondial.
Après avoir été utilisé, sans montrer toutefois une grande efficacité, comme bombardier durant la Première Guerre mondiale, l’aérostat va connaître une utilisation commerciale, transportant des passagers - sans doute quelque peu fortunés - vers diverses destinations touristiques. C’est tout particulièrement le cas du LZ127, le plus célèbre de la dynastie Zeppelin, baptisé le 8 juillet 1928 par la fille du génial inventeur.
Avec une longueur totale de 236,6 mètres et un volume de 105.000 m3, c’est alors le plus grand dirigeable jamais construit.
Les exploits succèdent aux exploits : traversée de l’Atlantique en octobre 1928 (11 heures et 44 minutes de vol) ; tour du monde en 1929 (49.618 km en 21 jours, 5 heures et 31 minutes, avec à bord, en plus de l’équipage, 60 passagers hommes et une femme, la journaliste Grace Hay-Drummond-Hay) ; ouverture de la première ligne transatlantique en mai 1930 ; expédition scientifique en Arctique en juillet 1931 ; etc. En tout : 590 vols, pour un million et demi de kilomètres parcourus et 13.110 passagers transportés !
L’Égypte aura, au moins en trois occasions, l’opportunité de voir de plus ou moins près ce géant des airs. La première fois en novembre 1917, avec l’un des ancêtres du LZ127, le LZ104 (L59), qui survole le désert occidental égyptien dans le cadre d’une mission militaire pour aller réapprovisionner les troupes allemandes en Afrique orientale. En mars 1918, le LZ104 aura pour objectif d’aller bombarder Port-Saïd et le canal de Suez, mais des vents défavorables le contraignent à renoncer à rejoindre sa cible.
En 1929, dans un contexte plus pacifique, le tout nouveau LZ127 a pour plan de vol la Palestine, où il doit transporter du courrier pour la colonie allemande de Jaffa, puis l’Égypte. Mais pour cette seconde destination, la Grande-Bretagne oppose son veto, mettant son point d’honneur à ce que le premier dirigeable à survoler son ex-protectorat soit “made in England”. Au large de Rosette, Hugo Eckener doit se contenter d’envoyer ses voeux d’anniversaire au roi Fouad Ier, regrettant que des “vents contraires” l’empêchent de pénétrer dans l’espace aérien égyptien ! "Tout avait été préparé pour donner à ce voyage un cadre égyptien, écrit dans “al-Ahram” Mahmoud Abou l-Fath, plusieurs fois passager à bord du Zeppelin, même un timbre-poste représentant le dirigeable sur le Sphinx et les pyramides. À l'exception de l'Égypte, tous les pays contactés ont autorisé à traverser leur territoire", y compris la Palestine, alors sous mandat britannique.
La troisième occasion sera réellement la bonne. Toujours dans un contexte “civil”, le LZ127 prend son envol de Friedrichshafen (Allemagne) le 9 avril 1931, à 6h10, à destination du Caire et de la Palestine. Après la vallée du Rhône, la Corse, la Sardaigne, la Sicile, Malte et Tripoli (Libye), il se dirige vers Alexandrie qu’il survolera pendant 40 minutes. Mahmoud Abou l-Fath, qui est à bord, écrira : "Je suis convaincu qu'il n'y a pas une seule personne à Alexandrie qui n'ait vu le Zeppelin. Des groupes de personnes étaient à chaque point d’observation. Des milliers d'entre elles étaient sur les toits, riant et applaudissant, en agitant leur mouchoir pour se faire apercevoir des passagers."
Le Zeppelin suit alors la vallée du Nil jusqu’au Caire qu’il atteint le 10 avril, à 15h20. Il survole tout d’abord le palais de Qubba, pour saluer le roi Fouad Ier et la reine Nazli au balcon de leur luxueuse résidence. Les bus, et même les trains, s’arrêtent pour observer cette scène insolite. Puis l’aérostat prend la direction des pyramides de Guizeh, survolées à 70 pieds (20 mètres) au-dessus de leur sommet, avant de s’orienter vers Tanta, El-Mahalla el-Kubra, Mansoura, et revenir finalement au Caire où il se pose, sur l’aérodrome d’Almaza, à 17h30.
Une foule énorme est sur place. 350 soldats britanniques d’un régiment stationné à Abbassiya, dûment entraînés, agrippent les cordages pour arrimer le dirigeable et le protéger des effets d’éventuels vents forts. La police, à l’aide de tuyaux d’incendie, tient à distance la foule des curieux, pour permettre aux passagers de débarquer et de recevoir un accueil officiel, en présence du Premier ministre Ismail Sidki Pasha, accompagné pour la circonstance par le ministre de la Communication, Tewfik Doss Pasha, et le diplomate allemand Eberhard von Stohrer.
C’est peu dire que cette incursion pacifique du Zeppelin dans le ciel d’Égypte aura suscité l’émerveillement de la population. Elle donne à l’événement une dimension quasi symbolique : "de bon augure pour ses aspirations nationalistes en hausse après des siècles de tutelle".
Alors qu’Eckener doit répondre aux sollicitations officielles (dîner au Shepheard's Hotel avec Tawfiq Doss Pasha, rencontre du roi Fouad) et que les passagers restent également au Caire pour une visite de la ville et un lunch officiel au Mohammed Ali Club, le LZ127, avec à son bord un nouvel équipage et quelques officiels égyptiens, repart pour la Palestine où il survole Jérusalem et Jaffa avant de revenir à l’aérodrome d’Almasa.
Une demi-heure de repos, puis c’est le vol retour vers Friedrichshafen pour Eckener et les passagers de l’aller. Le fantastique périple aura duré en tout 97 heures.
Marc Chartier
sources :
"Zeppelins Over the Middle East" (aramcoworld)
mideasti.blogspot.nl/
“Graf Zeppelin Mystifies Cairo”, by Samir Raafat
"Al-Ahram Weekly" - January 14-20, 1993
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