Exposition universelle de 1878 à Paris :
"La maison égyptienne", en bois, est installée au Trocadéro
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Pour l'exposition universelle de 1867, à Paris, le khédive Ismaïl avait dépensé sans compter afin que l'Égypte fasse rayonner sa grandeur. Le pavillon égyptien - sous l'aspect d'un temple pharaonique de plus 6.000 m² - avait accueilli des milliers de visiteurs, dont la famille impériale, Napoléon III, Eugénie et leur fils, auxquels le khédive avait offert une luxueuse dahabieh.
Mais, en 1878, le contexte n'est plus le même. Napoléon III est mort en exil en Angleterre, la République s'est installée en France, et, en Égypte, les temps sont si difficiles qu'Ismaïl Pacha hésite à engager de grandes dépenses pour participer à cette manifestation. Mais finalement, il accepte : "On a trouvé un arrangement avantageux : la maison égyptienne au Trocadéro sera en bois. F. de Lesseps et la Compagnie du Canal de Suez participent aux frais. Inspiré des habitations égyptiennes de l'Ancien Empire, le pavillon est réalisé en trois mois sous la direction de Mariette et de Maspero, avec la collaboration des dessinateurs Weidenbach et Geslin."
L'exposition a lieu du 1er mai au 31 octobre 1878 : elle s'étend sur 75 hectares, au Champ-de-Mars, au Trocadéro, à la Butte Chaillot.
Comme en 1867, Auguste Mariette est sur tous les fronts ! Il doit relever un nouveau défi : présenter non seulement l'Égypte pharaonique, mais aussi l'Égypte : "sous les Arabes et les Ottomans, et sous la dynastie régnante".
Cela mènera à "décentraliser" l'exposition égyptienne sur deux lieux distincts qui abriteront des thématiques différentes.
Exposition universelle de 1878 à Paris :
"La maison égyptienne", en bois, est installée au Trocadéro
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Le pavillon égyptien se dresse sur la colline de Chaillot, près de la Cascade. Il est l'œuvre d'Henry Picq, de la Compagnie du Canal de Suez, et reprend l'architecture : "d’une maison de la XIIe dynastie trouvée à Abydos". Il abrite cinq salles. Trois sont consacrées à l'exposition de produits "modernes", issus des industries et des manufactures (armes, meubles, étoffes…). Une pièce est entièrement dédiée au Canal de Suez, œuvre du Français Ferdinand de Lesseps, qui a été inauguré, en grande pompe, le 17 novembre 1869. "On y voit, figuré par un plan en relief et une vue panoramique, le désert mi-partie asiatique et mi-partie africain, dont le génie de M. de Lesseps a fait une des grandes routes du monde." Quant à l'Égypte 'équatoriale', elle occupe la cinquième salle. À ce bâtiment, un souk, un bazar, a été annexé. On y trouve tout ce que la décoration "orientale" peut offrir : babouches, tapis, narguilés, chiboucks, et autres bibelots…
Exposition universelle de 1878 à Paris : le bazar égyptien
"La maison égyptienne", en bois, est installée au Trocadéro
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Dans le Palais du Trocadéro, la "Galerie" est consacrée à la 'seconde' partie de l'Égypte moderne, à l'Égypte arabe et ottomane aussi, et enfin à l'Égypte pharaonique.
Pour illustrer cette période si riche, si longue, si intéressante, douze "tableaux" sont présentés. Ils reproduisent des scènes de tombes et abordent différentes thématiques, telles que la danse, le chant, les jeux, la pêche, la chasse, l'agriculture… "Nous sommes en plein dans l’antiquité. Sur les murailles, des peintures reproduisent diverses scènes de la vie antique en Égypte. Cela remonte à près de six mille ans et permet de juger approximativement du degré de civilisation auquel ce pays était déjà arrivé à cette époque. Au centre de la salle se trouvent des statues, des bustes, des bijoux, de magnifiques scarabées, des ornements divers, idoles, papyrus, etc., extraits du musée de Boulaq dont Mariette-Bey, l’organisateur de cette salle, est le directeur."
Auguste Mariette a été cependant extrêmement prudent. Il n'a pas oublié les mauvaises surprises de l'exposition précédente : la statue de la reine Aménéritis avait été brisée et le "Cheikh el-Beled" avait été victime d'un moulage clandestin.
À part les trois panneaux décoratifs en bois provenant de la tombe de Hésiré, qu'il avait lui-même découverte en 1860 à Saqqarah, il n'a apporté que des plâtres ou des moulages des pièces "majeures" ou "emblématiques".
Afin que l'antiquité soit abordée de la meilleure façon qui soit, il a été très attentif au choix des artefacts exposés. Il a ainsi présenté un éventail large et riche qui, non seulement couvre scrupuleusement les différentes périodes artistiques, mais témoigne aussi des sites majeurs de l'époque pharaonique.
Des vases sacrés en argent de l'époque ptolémaïque trouvés à Tel Timaï
étaient présentés à l'Exposition universelle de 1878 à Paris
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Il a pris la précaution de protéger statues et objets qui sont exposés sous verre, dans quatorze vitrines, identifiées de A à N. Ainsi, peut-on admirer une statue en bois d'un prêtre, provenant des "Grandes Pyramides", cinq très beaux vases sacrés en argent de l'époque ptolémaïque trouvés à Tel Timaï, un bas-relief du temple de Deir el-Bahari, un crocodile à tête d'épervier de Bubastis, une stèle de bois de Thèbes, un bronze d'Apis de Saqqarah... On y trouve aussi des bijoux de Saïs, un hippopotame en faïence émaillée de Dra Abou'l-Neggah, des papyrus, des colliers, des bagues, des émaux cloisonnés, des miroirs, des scarabées, mais aussi des silex, des armes, des sabres, des outils, des couteaux…
Cette exposition très "didactique" de ce que l'art égyptien a produit dans sa diversité - même si elle était beaucoup moins riche qu'en 1867 -, a charmé les visiteurs, dont le nombre a dépassé 16.100.000.
L'exposition fermera ses portes le 31 octobre 1878.
Mais, en clôture de cet événement, une magnifique "récompense" consacrera nos deux pays : le grand photographe français Émile Béchard recevra la "médaille d'or de première classe" pour ses clichés photographiques portant sur une série de monuments remarquables pris en Égypte. Ses photos seront reprises plus tard dans son album "L'Égypte et la Nubie : Grand album monumental, historique, architectural - Reproduction par les procédés inaltérables de la phototypie de cent cinquante vues photographiques par M. Béchard, artiste photographe, comprises depuis Le Caire (Égypte) jusqu'à la deuxième cataracte (Nubie)".
marie grillot - Marc Chartier
sources :
Mariette Pacha 1821-1881, Elisabeth David, Pygmalion, 1994
L'art ancien à l'Exposition de 1878, Louis Gonse, Louis, 1879
Exposition universelle de Paris, 1878. La Galerie de l'Égypte ancienne à l'exposition rétrospective du Trocadéro, description sommaire , par Mariette, Auguste, 1878
Du Temple d'Hathor à la rue du Caire. L'Égypte au prisme des expositions universelles parisiennes (1867-1900) : un malentendu ? , Christiane Demeulenaere-Douyere
Exposition Universelle Paris 1878, 1 mai 1878 - 31 octobre 1878
Les merveilles de l'Exposition de 1878
L’Égypte, la modernité et les expositions universelles , par Christiane Demeulenaere-Douyère
L’Exposition Universelle de Paris 1878
" Émile Béchard, photographe de l’Egypte au XIXe siècle ", par Dominique Langard
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