mercredi 16 novembre 2016

Exposition universelle de 1878 à Paris : l'Égypte y était !

Exposition universelle de 1878 à Paris :
"Le Pavillon Égyptien", en bois, érigé au Trocadéro


Pour l'exposition universelle de 1867, à Paris, le khédive Ismaïl avait dépensé sans compter afin que l'Egypte fasse rayonner sa grandeur. Le pavillon égyptien - sous l'aspect d'un temple pharaonique de plus 6.000 m2 ! - avait accueilli des milliers de visiteurs, dont la famille impériale, Napoléon III, Eugénie et leur fils, auxquels le khédive avait offert une luxueuse dahabieh… 

Mais, en 1878, le contexte n'est plus le même … Napoléon III est mort en exil en Angleterre, la République s'est installée en France et, en Egypte, les temps sont si difficiles qu'Ismaël Pacha hésite à engager de grandes dépenses pour participer à cette manifestation. Mais finalement, il accepte : "On a trouvé un arrangement avantageux : la maison égyptienne au Trocadéro sera en bois. F. de Lesseps et la Compagnie du Canal de Suez participent aux frais. Inspiré des habitations égyptiennes de l'Ancien Empire, le pavillon est réalisé en trois mois sous la direction de Mariette et de Maspero, avec la collaboration des dessinateurs Weidenbach et Geslin" ("Mariette Pacha", Elisabeth David).
Plan de l' Exposition universelle de 1878 à Paris

L'exposition a lieu du 1er mai au 31 octobre 1878 : elle s'étend sur 75 hectares, au Champ de Mars, au Trocadéro, à la Butte Chaillot. 

Auguste Mariette, nommé "Commissaire Général", est, comme en 1867, sur tous les fronts. Malgré un état de santé défaillant, il doit relever d'importants défis… En effet les ambitions du khédive sont grandes : "Montrer par les monuments contemporains l'état de la civilisation égyptienne aux trois étapes principales de sa longue durée, c'est-à-dire sous les pharaons, sous les Arabes et les Ottomans, et sous la dynastie régnante".
Auguste Mariette, égyptologue français
(Boulogne-sur Mer, 11 février 1821 - Le Caire, 18 janvier 1881)

Cela conduira à "dissocier" l'exposition égyptienne sur deux lieux distincts qui abriteront des thématiques différentes : "La Galerie", sur l'aile droite du Palais du Trocadéro et "Le Pavillon", construction séparée, située dans le Parc et à droite de la Cascade. 

Dans "Exposition universelle de Paris, 1878. La Galerie de l'Égypte ancienne à l'exposition rétrospective du Trocadéro", Auguste Mariette précise : "La Galerie contient l'Egypte des Pharaons, l'Egypte arabe et ottomane, et une partie de l'Egypte moderne. La partie de l'Egypte moderne exposée dans la Galerie est elle-même subdivisée 1° En Egypte équatoriale, représentée au point de vue ethnographique par les armes, les ustensiles, les meubles, les vêtements des peuples de l'Afrique centrale que l'Egypte s'est récemment annexés ; 2° en Egypte proprement dite, comprenant des objets choisis de l'industrie de ses habitants, exposés comme terme de comparaison et pour aider à l'étude de l'histoire du travail". 
Exposition universelle de 1878 à Paris : l'Égypte était présente !

Quant au "Pavillon égyptien", Louis Gonse nous en explique ainsi la "genèse" dans "L'art ancien à l'Exposition de 1878 : "Les vestiges les plus complets d'une maison antique ont été trouvés il y a peu de temps à Abydos, dans la Haute-Egypte, par M. Mariette, de qui nous tenons les détails, et c'est grâce à cette découverte que la bonne idée lui est venue d'en faire pour nous un essai de restitution qu'il a mis entre les mains de M. Picq, architecte de la Compagnie de Suez".
Exposition universelle de 1878 à Paris :
"Le Pavillon Égyptien", en bois, érigé au Trocadéro

Il abrite cinq salles, dont quatre consacrées à l'Égypte. Trois sont destinées à l'exposition de produits "modernes", issus des industries et des manufactures (armes, meubles, étoffes, …). Une pièce est entièrement dédiée au Canal de Suez, œuvre du Français Ferdinand de Lesseps, qui a été inauguré, en grande pompe, le 17 novembre 1869. "On y voit, figuré par un plan en relief et une vue panoramique, le désert mi-partie asiatique et mi-partie africain, dont le génie de M. de Lesseps a fait une des grandes routes du monde". Un souk a été annexé, proposant tout ce que la décoration "orientale" peut offrir : babouches, tapis, narguilés, bibelots,…
Exposition universelle de 1878 à Paris : le bazar égyptien

Dans la Galerie, l' "Egypte des pharaons" est ainsi présentée : "La décoration des scènes de tombeaux de Saqqara et Béni Hassan illustre la vie égyptienne : travaux des champs, pêche et chasse, jeux, danse et musique, travail du bois, sculpture, navigation, préparation des offrandes… Elle est accompagnée d'un livret explicatif à l'usage des visiteurs" (Elisabeth David).

Afin que l'antiquité soit abordée de la meilleure façon qui soit, Auguste Mariette a été très attentif au choix des artefacts exposés : il a sélectionné un éventail large et riche qui, non seulement couvre scrupuleusement les différents périodes artistiques mais témoigne aussi des sites majeurs de l'époque pharaonique. Il a pris la précaution de protéger statues et objets qui sont exposés sous verre, dans quatorze vitrines, identifiées de A à N. Ainsi, peut-on admirer, une statue en bois d'un prêtre, provenant des "Grandes Pyramides", cinq très beaux vases sacrés en argent de l'époque ptolémaïque trouvés à Tel Timaï, un bas-relief du temple de Deir el Bahari, un crocodile à tête d'épervier de Bubastis, une stèle de bois de Thèbes, un bronze d'Apis de Saqqarah,... On y trouve aussi des bijoux de Saïs, un hippopotame en faïence émaillée de Dra Abou'l Neggah, des papyrus, des colliers, des bagues, des émaux cloisonnés, des miroirs, des scarabées, mais aussi des silex, des armes, des sabres, des outils, des couteaux, …

En ce qui concerne l'exposition d'artefacts "emblématiques", il a été, cette fois-ci, extrêmement prudent … Il n'a pas oublié les vilains déboires de l'exposition de 1867 au cours de laquelle la statue de la reine Aménirdis avait été détériorée, et le "Cheikh el-Beled" victime d'un moulage clandestin...  A part trois panneaux  décoratifs en bois provenant de la Tombe de Hésiré, qu'il avait lui même découverte en 1860 à Saqqarah, il n'a apporté que des plâtres ou des moulages des pièces "majeures"…
Les trois panneaux en bois provenant du mastaba d'Hésiré découverts par Auguste Mariette en 1860 à Saqqarah
étaient exposés à l'Exposition universelle de 1878 à Paris
(présentés ici au musée de Boulaq - Musée égyptien du Caire - références CG 1426 - CG 1427 - 1428)


Cette exposition très "didactique" de ce que l'art égyptien a produit dans sa diversité - même si elle était beaucoup moins riche qu'en 1867 a accueilli plus de 16.100.000 visiteurs !

En clôture de ce bel événement, une magnifique "récompense" consacrera nos deux pays : le photographe français Emile Béchard recevra la "médaille d'or de première classe" pour ses clichés photographiques portant sur une série de monuments remarquables pris en Egypte. Il publiera ensuite : "L'Égypte et la Nubie : Grand album monumental, historique, architectural : Reproduction par les procédés inaltérables de la phototypie de cent cinquante vues photographiques par M. Béchard, artiste photographe, comprises depuis Le Caire (Égypte) jusqu'à la deuxième cataracte (Nubie)".

marie grillot

sources : 
Auguste Mariette, Exposition universelle de Paris, 1878. La Galerie de l'Égypte ancienne à l'exposition rétrospective du Trocadéro, description sommaire, par Auguste Mariette-Bey, Paris, 1878 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57727368.r= 
Les merveilles de l'exposition de 1878, ouvrage rédigé par des écrivains spéciaux et des ingénieurs, Publication de la Librairie Contemporaine, Paris, 1879
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9600626k/f13.item.r=égyptienne#
Louis Gonse, L'art ancien à l'Exposition de 1878, A. Quantin, Paris, 1879
https://archive.org/stream/lartancienlexp00gons/lartancienlexp00gons_djvu.txt
Emile Béchard, André Palmiéri, L'Égypte et la Nubie : Grand album monumental, historique, architectural : Reproduction par les procédés inaltérables de la phototypie de cent cinquante vues photographiques par M. Béchard, artiste photographe, comprises depuis Le Caire, Imprimerie Chaix, Paris, 1887
https://digitalcollections.nypl.org/collections/lgypte-et-la-nubie-grand-album-monumental-historique-architectural#/?tab=about
https://ccbmn.culture.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/781476/l-egypte-et-la-nubie-grand-album-monumental-historique-architectural-reproduction-par-les-procedes-i
Expositions des Arts Rétrospectifs - Expo Paris 1878
 
https://www.worldfairs.info/expopavillondetails.php?expo_id=25&pavillon_id=1676
Liste des pavillons - Exposition Universelle Paris 1878
https://www.worldfairs.info/expolistepavillons.php?expo_id=25
Elisabeth David, Mariette Pacha, 1821-1881, Pygmalion, 1994
Claudine Le Tourneur d’Ison, Mariette Pacha ou le rêve égyptien, Plon, 1999
Christiane Demeulenaere-Douyère, L’Égypte, la modernité et les expositions universelles, Bulletin de la Sabix, 54, 2014, p. 37-41
https://doi.org/10.4000/sabix.1108
https://sabix.revues.org/1108 
Jean-Louis Podvin, Auguste Mariette (1821-1881), Des berges de la Liane aux rives du Nil, L'Harmattan, 2020






Couverture de l'ouvrage : "Exposition universelle de Paris, 1878
 La Galerie de l'Égypte ancienne à l'exposition rétrospective du Trocadéro, 
description sommaire, par Auguste Mariette-Bey, 1878, impr. de F. Pichon (Paris)






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