photo de Bonfils |
“Lorsqu’on aborde l’étude des monuments du passé, il faut tout d’abord constater le fait ; ensuite, de ce fait, dégager les idées et, finalement, par les faits et les idées, atteindre les sentiments. Les faits sont relativement faciles à saisir. Il est certain que celui qui pénètre pour la première fois dans le temple de Karnak se trouve devant un “fait de pierre” qui dépasse en grandeur tout ce qu’on peut imaginer. Lorsqu’on traduit les inscriptions qui couvrent le temple, on y trouve exprimées les idées, dont beaucoup paraissent étranges, obscures, difficiles à comprendre. Surpris de constater l’importance du fait et intrigué par l’expression des idées, l’esprit se reporte aisément vers les sentiments profonds de ces hommes qui ont bâti, à leurs dieux, des monuments si extraordinaires, qu’ils marquent encore à travers les siècles, comme les plus fabuleux.
Il nous faut donc partir de la perception la plus simple, la plus spontanée, laisser agir ce qu’on pourrait appeler le “charme de Karnak”, en rendant à ce mot charme le sens d’incantation qui attire, saisit et entraîne à la volonté du magicien.”
(extrait de Le message de la vieille Égypte, 1941)
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deux piliers en granit sur lesquels sont gravés en relief le lotus pour l'un et le papyrus pour l'autre (les deux symboles héraldiques de la Haute et de la Basse Égypte), édifiés sous Thoutmosis III |
Une journée en Égypte avec…Gabriel Charmes (1850-1886)
“Sans doute l’histoire de l’Égypte ne nous apparaît plus, comme autrefois, avec une uniformité désespérante ; sans doute, l’art égyptien n’est plus à nos yeux cet art immuable dont avait parlé Platon ; sans doute, la vie, le mouvement, les révolutions, le progrès se sont introduits dans ces mystérieuses légendes auxquelles les Grecs avaient donné une fixité qu’elles n’ont jamais eue. Mais tout cela n’empêche pas que l’Égypte ne soit bien réellement une par sa géographie, par son développement historique et religieux, par sa civilisation, dont les caractères essentiels existaient déjà du temps de Ménès et se retrouvent encore sous les Ptolémées. Ce n’est pas que je prétende qu’il n’y ait aucune différence entre la Haute et la Basse-Égypte, entre la Nubie et le Soudan ou le Delta, entre l’ancien empire, le moyen empire et le nouvel empire, entre les diverses contrées et les diverses races de l’Égypte. Ces différences sont, au contraire, très profondes, et l’on avait tort de les ignorer autrefois. Les Égyptiens eux-mêmes parlaient sans cesse des deux terres, et leurs souverains portaient la double couronne pour indiquer qu’ils dominaient à la fois sur les deux moitiés de l’empire. Mais, à partir de Ménès, c’est-à-dire à partir du début de l’histoire, l’unité nationale est formée, les deux couronnes sont sur la même tête, l’Égypte existe, et, si les révolutions politiques la morcellent bien souvent durant les milliers d’années de son existence, elle se reconstitue toujours, en somme, sous le sceptre de ses dynasties. (...)
Ce qui fonde l’unité d’un peuple, ce qui fait que son nom doit être mis au singulier, non au pluriel, c’est sa civilisation encore plus que son histoire. Or, si l’on doit reconnaître que la civilisation égyptienne n’a pas eu l’immobilité qu’on lui attribuait jadis, peut-on nier que, dans son immense développement, elle ne soit restée cependant toujours la même ? Dès l’aurore de l’histoire, elle est constituée dans ses éléments principaux : l’écriture, la morale, la religion, la philosophie, la science, la politique, l’art égyptien sont arrêtés ; ils grandiront, ils se transformeront suivant la loi éternelle de l’évolution des choses humaines, mais ils resteront marqués des caractères qui leur appartiennent en propre et qui les distinguent de tous les autres.”
(extrait de L'Égypte : archéologie, histoire, littérature, 3e édition, 1891)
Sur cet auteur : egyptophile
“Sans doute l’histoire de l’Égypte ne nous apparaît plus, comme autrefois, avec une uniformité désespérante ; sans doute, l’art égyptien n’est plus à nos yeux cet art immuable dont avait parlé Platon ; sans doute, la vie, le mouvement, les révolutions, le progrès se sont introduits dans ces mystérieuses légendes auxquelles les Grecs avaient donné une fixité qu’elles n’ont jamais eue. Mais tout cela n’empêche pas que l’Égypte ne soit bien réellement une par sa géographie, par son développement historique et religieux, par sa civilisation, dont les caractères essentiels existaient déjà du temps de Ménès et se retrouvent encore sous les Ptolémées. Ce n’est pas que je prétende qu’il n’y ait aucune différence entre la Haute et la Basse-Égypte, entre la Nubie et le Soudan ou le Delta, entre l’ancien empire, le moyen empire et le nouvel empire, entre les diverses contrées et les diverses races de l’Égypte. Ces différences sont, au contraire, très profondes, et l’on avait tort de les ignorer autrefois. Les Égyptiens eux-mêmes parlaient sans cesse des deux terres, et leurs souverains portaient la double couronne pour indiquer qu’ils dominaient à la fois sur les deux moitiés de l’empire. Mais, à partir de Ménès, c’est-à-dire à partir du début de l’histoire, l’unité nationale est formée, les deux couronnes sont sur la même tête, l’Égypte existe, et, si les révolutions politiques la morcellent bien souvent durant les milliers d’années de son existence, elle se reconstitue toujours, en somme, sous le sceptre de ses dynasties. (...)
Ce qui fonde l’unité d’un peuple, ce qui fait que son nom doit être mis au singulier, non au pluriel, c’est sa civilisation encore plus que son histoire. Or, si l’on doit reconnaître que la civilisation égyptienne n’a pas eu l’immobilité qu’on lui attribuait jadis, peut-on nier que, dans son immense développement, elle ne soit restée cependant toujours la même ? Dès l’aurore de l’histoire, elle est constituée dans ses éléments principaux : l’écriture, la morale, la religion, la philosophie, la science, la politique, l’art égyptien sont arrêtés ; ils grandiront, ils se transformeront suivant la loi éternelle de l’évolution des choses humaines, mais ils resteront marqués des caractères qui leur appartiennent en propre et qui les distinguent de tous les autres.”
(extrait de L'Égypte : archéologie, histoire, littérature, 3e édition, 1891)
Sur cet auteur : egyptophile
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Une journée en Égypte avec... Édouard Naville (égyptologue genevois : 1844-1926)
“Je parcourus encore le peu de tombes qui sont ouvertes à Sakkarah, en particulier celle d'un nommé Ti qui est remarquable par les belles représentations agricoles dont elle est ornée ; c'est comme un traité d'agriculture égyptienne. Vers onze heures, nous reprîmes nos ânes, nous suivîmes pendant environ 4 heures les collines de sables qui forment la lisière entre le désert et la vallée du Nil ; nous avions donc toujours les deux vues, d'un côté le sable, les pyramides de Sakkarah qui s'éloignaient, devant nous, celles de Gizeh qui grandissaient à vue d'œil ; à notre droite, la vallée du Nil avec ses palmiers, ses villages de briques crues, et dans le lointain les montagnes parfaitement blanches qui bordent le fleuve sur la rive orientale…
Bientôt, nous vîmes paraître la tête ronde du sphinx qui sort du sable, au pied de la grande pyramide, ces énormes édifices paraissant toujours plus grands, et enfin, après avoir fait l'ascension du plateau sablonneux sur lequel ils sont bâtis, nous nous nous établîmes dans une tombe creusée dans le roc qui devait nous servir d'abri pour cette nuit-là.
Ici encore, je fis comme à Sakkarah. À peine arrivé, accompagné de l'un de ces Bédouins civilisés qui abondent aux pyramides, je me mis à parcourir toutes les tombes, pour voir ce que je pourrais y trouver. Mais hélas, ici comme à Sakkarah le sable à tout recouvert.”
(Lettre du 11 novembre 1868 à ses parents)
“Je parcourus encore le peu de tombes qui sont ouvertes à Sakkarah, en particulier celle d'un nommé Ti qui est remarquable par les belles représentations agricoles dont elle est ornée ; c'est comme un traité d'agriculture égyptienne. Vers onze heures, nous reprîmes nos ânes, nous suivîmes pendant environ 4 heures les collines de sables qui forment la lisière entre le désert et la vallée du Nil ; nous avions donc toujours les deux vues, d'un côté le sable, les pyramides de Sakkarah qui s'éloignaient, devant nous, celles de Gizeh qui grandissaient à vue d'œil ; à notre droite, la vallée du Nil avec ses palmiers, ses villages de briques crues, et dans le lointain les montagnes parfaitement blanches qui bordent le fleuve sur la rive orientale…
Bientôt, nous vîmes paraître la tête ronde du sphinx qui sort du sable, au pied de la grande pyramide, ces énormes édifices paraissant toujours plus grands, et enfin, après avoir fait l'ascension du plateau sablonneux sur lequel ils sont bâtis, nous nous nous établîmes dans une tombe creusée dans le roc qui devait nous servir d'abri pour cette nuit-là.
Ici encore, je fis comme à Sakkarah. À peine arrivé, accompagné de l'un de ces Bédouins civilisés qui abondent aux pyramides, je me mis à parcourir toutes les tombes, pour voir ce que je pourrais y trouver. Mais hélas, ici comme à Sakkarah le sable à tout recouvert.”
(Lettre du 11 novembre 1868 à ses parents)
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