samedi 29 octobre 2016

Une journée en Égypte avec... Henry Bordeaux, Jean-Jacques Ampère, Florence Maruejol

Une journée en Égypte avec… Henry Bordeaux (écrivain, essayiste, avocat, membre de l’Académie française - 1870-1963)

"L’entrée dans la Vallée des Rois est inoubliable. Le pharaon qui la découvrit et qui, le premier, s’y fit ensevelir, donnant ainsi l’exemple à ses successeurs, eut un sentiment royal de la solitude et de la mort. Bien avant Aménophis IV, il dut être hanté par l’amertume et le mystère de la destinée humaine. Mais, contrairement à ce contemplateur des dieux en faveur du Dieu unique, il dut dissimuler son scepticisme, ou plutôt sa foi dans le néant. Car le seuil de ce vallon ressemble à la porte de l’Enfer qui portait l’inscription : “Lasciate ogni speranza, o voi ch’entrate” (“Laissez toute espérance, vous qui entrez”). On croirait entrer dans l’Enfer de Dante, et il faudrait le grand Florentin pour en décrire l’aspect désolé et sinistre. C’est un vaste cirque dont les parois sont formées par des rochers roses que domine une sorte de pyramide naturelle. La couleur, rendue plus violente par l’éclat de la lumière, devrait corriger cette désolation. Elle y ajoute au contraire par son inutilité et son ironie. Pas un atome de végétation, rien que du sable et de la pierre, mais revêtus d’une majesté inattendue. Le Nil et l’oasis qu’il crée autour de lui sont comme une vision perdue. Le monde des vivants a disparu, s’est évanoui. Cette région appartient à la mort.

(extrait de "Le Sphinx sans visage, notes d’un voyage en Égypte", 1939)

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Une journée en Égypte avec… Jean-Jacques Ampère (1800-1864)

Sur le Nil, 30 janvier
"La splendeur et la richesse de la lumière sont ici incomparables, c'est quelque chose de plus que la Grèce et l’Ionie elle-même. Les teintes roses de l'aube, la pourpre ardente, l'or embrasé des soleils couchants au bord du Nil surpassent encore les plus gracieuses et les plus éblouissantes scènes de lumière d'Athènes et de Smyrne. Ce n'est plus l'Europe ni l'Asie Mineure, c'est l'Afrique. Le soleil n'est pas radieux, il est rutilant ; la terre n'est pas seulement inondée des feux du jour, elle en est dévorée. Aussi dans ce pays le soleil, sous les noms d'Ammon-ra, d'Osiris, d'Horus, était le dieu suprême. Il suffit de venir en Égypte, même au mois de janvier, pour ne pouvoir douter que la religion égyptienne était une religion solaire. 
'L’éclat de la nuit' est encore plus extraordinaire que celui du jour. Si Racine le fils, qui n'était jamais sorti de France, a pu dire, il est vrai d'après Homère, 'nuit brillante', j'ai peut-être ici le droit de parler de la splendeur des nuits d'Égypte. Nous employons les longues soirées que nous fait le voisinage des tropiques à contempler les astres. Nous regardons la constellation que la flatterie d'un poète alexandrin, Callimaque, nomma “chevelure de Bérénice”. Ce nom de Bérénice que nous avons déjà lu tant de fois sur les monuments, les étoiles qui composent cette constellation semblent le tracer dans le ciel en hiéroglyphes lumineux et impérissables. 
Nous aimons à voir toujours devant nous Canopus, celte belle étoile, invisible en France, et presque aussi brillante que Sirius. L'étoile polaire s'est abaissée vers l'horizon. Des astres nouveaux, une nouvelle physionomie du ciel, donnent encore mieux qu'une terre nouvelle la sensation du lointain, du dépaysé. Nous verrons bientôt la Croix du sud, ce flambeau d'un autre hémisphère qui éclaire chez Dante les abords mystérieux du paradis. 
Si Osiris, qui a pour hiéroglyphe un œil sur un trône, est un dieu soleil, Isis, qui porte sur la tête le disque surmonté de deux cornes formant le croissant, Isis est la lune, on n'en saurait douter. Le disque horizontal de l'astre nous semble figurer la barque de la déesse."
 
(extrait de "Voyage en Égypte et en Nubie", par Jean Jacques Ampère, Louis Félicien Joseph Caignart de Saulcy, 1868)

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Une journée en Égypte avec… Florence Maruejol
Grottes de Beni Hassan - photo de Bonfils, 1875

Béni Hassan...
À 23 km au sud de Miniah, sur la rive orientale du Nil, le gébel abrite la nécropole des chefs du nome de l’Oryx, le 16e de Haute-Égypte.
Des dix tombes peintes s’échelonnant de la fin de la XIe dynastie à la moitié de la XIIe dynastie, la sépulture de Khnoumhotep II est sans doute la plus remarquable. Par son architecture et son décor, elle reflète le pouvoir et la richesse de ce dignitaire de province.
En 1828, Jean-François Champollion est l’un des premiers visiteurs après Frédéric Cailliaud à reconnaître tout l’intérêt des tombes des nomarques de Béni Hassan et en particulier de celle de Khnoumhotep qu’il appelle Nêbôthph : “Je comptais être à Thèbes le 1ernovembre : voici déjà le 5, et je me trouve encore à Béni-Hassan. Tout ceci est la faute de  l’admirable Jomard, qui, décrivant les hypogées de cette localité, en donne une si mince idée par ses petits dessins inexacts et ses phrases encore plus douteuses, que je comptais expédier ces grottes en une journée ; mais elles en ont dévoré quinze, sans que j’aie la moindre envie de les leur reprocher.” 
Dans la même lettre adressée à Champollion-Figeac, il poursuit : “Les peintures du tombeau de Nébôthph sont de véritables gouaches, d’une finesse et d’une beauté de dessin fort remarquables : c’est ce que j’ai vu de plus beau jusqu’ici en Égypte.” 
À l’expédition franco-toscane succèdent, au cours du XIXe siècle, d’autres savants et copistes dont les membres de l’expédition prussienne conduite par Carl Richard Lepsius.
De 1890 à 1893, Percy E. Newberry entreprend de fouiller et de publier les tombes des nomarques dont il ne vide cependant pas tous les puits. Comme Howard Carter qui a participé à la réalisation des dessins de la publication, on ne peut que déplorer leur dimension très réduite et leur encrage en noir qui sont loin de rendre justice à la qualité des peintures et qui omettent nombre de détails.
Plus qu’aux Coptes qui ont occupé les tombes au début de l’ère chrétienne et laissé des graffiti sur les parois, ce sont aux copistes du XIXe siècle que les peintures doivent leur état actuel. Pour aviver les couleurs et faciliter ainsi la reproduction des scènes, ils ont badigeonné les parois d’huile. La poussière s’est ensuite amalgamée à l’huile et a formé une couche opaque difficile à retirer. Les tentatives de restauration faites à partir des années 1960 n’ont pas toujours produit les résultats escomptés."

(extrait de "La tombe de Khnoumhotep à Beni Hassan" - academia.edu)

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