Cette barque en or, qui mesure trente-huit centimètres de long, est de forme très élégante avec ses extrémités qui se terminent par des ombelles de papyrus se recourbant vers son intérieur. Son équipage est composé de quinze personnages : douze rameurs en "argent", qui semblent en pleine action, en plein effort, et trois hommes en "or". Deux sont debout, l'un à la proue, l'autre à la poupe, et le troisième, qui semble être important est assis au milieu de l'embarcation.
Ils sont très méthodiquement décrits par Emile Vernier dans son catalogue "Bijoux et orfèvreries" : "A l'avant et à l'arrière sont deux personnages : celui de l'avant porte sa main à sa bouche ; il regarde à l'arrière. Il est sur une partie pleine formant pont à l'extrémité de la barque et il est placé entre deux cloisons qui lui viennent à mi-jambe et qui assurent sans doute sa stabilité. Ces deux cloisons sont reliées derrière le personnage par une petite barre d'or. Sur les cloisons qui protègent le personnage de l'avant on voit des motifs décoratifs en forme de boucle de ceinture. Sur les parois de la stalle qui est derrière le timonier sont, de chaque côté, un lion passant et les cartouches avec les nom et prénom de Kamès. Le pilote qui se tient à l'arrière est debout ; ses pieds reposent sur le fond de la barque. Derrière lui, une espèce de grand fauteuil dont il est séparé par une petite banquette. Il tient une grande rame, qui lui sert à gouverner. Au milieu du bateau, un personnage assis tient de la main droite un bâton de commandement et de la main gauche une hache dont la lame, tournée vers le fond du bateau, se voit difficilement. La barque tout entière ainsi que les trois personnages qui précèdent et les accessoires, rame du timonier, banquettes, etc., sont en or."
Elle a été découverte dans un imposant cercueil de bois doré, le 5 février 1859, à Dra Abou el-Naga, sur la rive ouest de Louqsor, par les reis d'Auguste Mariette, directeur des travaux d'antiquités d'Egypte. Victor Gustave Maunier, agent consulaire de France, prêteur sur gage, photographe et antiquaire à Louxor, qui selon certaines sources "dirigeait les fouilles d’Auguste Mariette pendant son absence", l'en informa. Il lui transmit également : "une copie assez lisible de l'inscription gravée" … qui permettra d'identifier le cercueil comme étant celui de "la grande épouse royale, celle qui ceint la couronne blanche, Ahhotep, vivante à jamais" .
Sarcophage de la reine Ahhotep. - Musée Égyptien du Caire - CG 28501
Photo de Théodule Devéria
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Selon Christian Leblanc (dans "Reines du Nil") : "Les origines d'Ahhotep I restent encore obscures, mais il n'est pas impossible que Sobekemsaf II et Nebkhas aient été ses parents. En épousant Sekhemrê Oupmaât Antef VI, c'est peut-être avec son propre frère qu'elle s'unissait. Ce dernier, ainsi que le rappelle le pyramidion de son monument funéraire, était issu d'une grande épouse royale. Par son mariage, quoi qu'il en soit, Ahhotep I prenait elle même cette qualité que lui reconnaît la documentation". Il précise en outre que : "Les funérailles de la reine Ahhotep I se déroulèrent à Thèbes mais que "l'emplacement de sa sépulture n'as pas été jusqu'à présent localisé".
Dans le "Guide du visiteur au Musée du Caire, 1902", Gaston Maspero, relate ainsi l'incroyable histoire : "le cercueil fut découvert, couché à même dans le sable … Il avait dû être retiré de son tombeau dès l'antiquité, probablement au temps des derniers Ramessides, et caché là en attendant qu'une occasion favorable s'offrit de le reprendre, et de le dépouiller en sûreté : les voleurs furent sans doute arrêtés et mis à-mort, avant d'avoir eu le temps d'exécuter leur dessein, et sans avoir révélé remplacement de leur cachette. Le bruit de la trouvaille s'étant répandu promptement, le moudir de Kéneh saisit le cercueil et prévint le vice-roi Saïd Pacha. Mariette, averti à son tour par M. Gabet, Inspecteur des fouilles, et par M. Maunier, agent consulaire de France à Louxor, fit expédier aussitôt l'ordre de conserver le cercueil tel qu'il était, mais l'ordre ne fut pas exécuté : la momie fut déshabillée dans le harem du moudir et une partie des objets qu'elle portait disparut dans l'opération. Mariette eut grand peine à obtenu la restitution des autres".
La momie royale est malheureusement perdue à jamais, mais les pièces "récupérées" représentent plus de deux kilos d'or : "A côté de ces bijoux, des armes et des amulettes étaient entassés pêle-mêle : trois grosses mouches d'or massif suspendues à une chaînette mince, neuf petites haches, trois en or, six en argent, une tête de lion en or d'un travail minutieux, un sceptre en bois noir enroulé d'or, des anneaux de jambes, des poignards,…" relatera-t-il dans "L'archéologie égyptienne".
Cette barque en or n'était pas seule : elle était accompagnée d'une autre, quasi identique, mais en argent, matériau, qui dans l'antiquité était plus rare que l'or donc plus précieux. Cette dernière reposait sur un chariot de bois dont la conception peut sembler rudimentaire. Doté de deux paires de roues à quatre rayons, reliées chacune par un essieu, une planche de bois de cèdre, placée sur les essieux, accueille la partie centrale de la barque.
En 1863, lorsqu'est ouvert le premier musée d'antiquités égyptiennes à Boulaq, les pièces du trésor peuvent enfin être exposées pour le plus grand plaisir des visiteurs.
La barque en or y est présentée dans la vitrine "H" et, dans son "Guide du visiteur au Musée de Boulaq" (édition 1883), Gaston Maspero la décrit sous le n° 3582. Il apporte la précision suivante sur son rôle : "le mort devait se rendre à Abydos, par eau afin de passer dans l'autre monde. La barque servait à l'accomplissement de la traversée".
Les barques et le chariot sont exposés au musée égyptien de la place Tahrir, au Caire, sous les numéros CG 52666 (barque en or), CG 52667 (barque en argent) et CG 52668 (chariot).
marie grillot
sources :
Guide du visiteur au musée de Boulaq, Gaston Maspero, 1883
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6305105w.texteImage
Guide du visiteur au Musée du Caire, Gaston Maspero, 1902, Institut français (Le Caire)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57248808.r=gaston+maspero.langFR
L'archéologie égyptienne Gaston Maspero, 1887
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k331686.texteImage
Bijoux et orfèvreries. Fascicule 3,Numéro 52640-53171 / par M. Émile Vernier, 1907-1927
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f18.item.r=52658.texteImage
Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1981 Volume 125 Numéro 3 pp. 487-496, Leclant, Jean
http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1981_num_125_3_13870
Album du musée de Boulaq : comprenant quarante planches, photographiées par MM. Delié et Béchard ; avec un texte explicatif par Auguste Mariette-Bey, éditeur : Mourès (Le Caire)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626090c/f15.image.r=auguste+mariette.langFR
Catalogue du musée du Caire - Bijoux et orfèvreries - Fascicule 2, Émile Vernier, Ifao le Caire, édition 1907-1927
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f18.item.r=52658.texteImage
Les reines du Nil, Christian Leblanc, bibliothèque des introuvables, 2009
Mariette Pacha, 1821-1881, Elisabeth David, Pygmalion, 1994
Égypte, Gaston Maspero, collection Ars Una, 1912
Mariette Pacha, 1821-1881, Elisabeth David, Pygmalion, 1994
Mariette Pacha, Claudine Le Tourneur d’Ison, Plon, 1999
Des dieux, des tombeaux, un savant : en Egypte sur les pas de Mariette pacha, somogy, éditions d'art, 2004
L'Egypte des pharaons au musée du Caire, Jean-Pierre Corteggiani
Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Francesco Tiradritti
Entre réforme sociale et mouvement national: Identité et modernisation en Egypte (1882-1962), Alain Roussillon
https://books.google.fr/books?id=BvkZCwAAQBAJ&pg=PA278&lpg=PA278&dq=plus+puissant+que+moi+à+Boulaq&source=bl&ots=wLIU4o5Fxm&sig=ACfU3U1KMocxqgFBut-JuEGyeKzXub8ANA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiOmc-
Mémoires et fragments de Théodule Devéria, Gaston Maspero, Gabriel Devéria, 1896
Editions Leroux, Paris
https://archive.org/details/mmoiresetfragme00maspgoog/page/n14/mode/2up
Égypte, Gaston Maspero, collection Ars Una, 1912
Ahhotep’s Silver Ship Model: The Minoan Context, Shelley Wachsmann
https://www.academia.edu/4635066/Ahhotep_s_Silver_Ship_Model_The_Minoan_Context
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