"Pensez-vous qu’une jeune fille égyptienne, il y a environ 52 ans de cela, lit-on dans un article d'Al-Ahram daté du 16 avril 2006, pouvait remporter le titre de Miss Monde ? C’est peut-être difficile à croire. Mais cela a bien eu lieu en 1954. Cette beauté, qui a aujourd’hui 70 ans, s’appelle Antigone Costanda. De nationalité égyptienne et d’origine grecque, elle a vécu son enfance et sa jeunesse en Égypte et a émigré vers l’Italie quelques années après son couronnement. Elle vit actuellement à Rome avec sa famille."
Ces lignes, extraites de l’édition arabe d’Al-Ahram, ont été écrites à l’occasion de l’élection, la même année 2006, de Miss Égypte, pour laquelle l’heureuse ex-lauréate du titre de Miss Monde était invitée d’honneur.
Avant de connaître cette célébrité internationale soudaine, relayée par les médias, Antigone Costanda exerce le métier de mannequin. Sa photo apparaît ainsi dans de nombreuses publications. Réunissant dans sa personne à la fois : "la beauté grecque héritée de sa mère et la légèreté de l'esprit égyptien héritée de son père, fils d’Alexandrie", elle a tous les atouts pour réussir dans la voie qu’elle a choisie, où elle peut exprimer son amour de la vie et sa passion pour la mode. Elle y joint sa connaissance de plusieurs langues - en plus de l’arabe : le grec, l’anglais, l’italien, le français - qu’elle parle couramment.
Puis arrive le jour J. Le 18 octobre 1954, pour la 4e édition du concours de Miss Monde qui se tient au Lyceum Theatre de Londres, elle remporte la couronne tant espérée, devant l’Américaine Karin Hultman, la Grecque Efi Mela, la Française Claudine Bleuse, l’Allemande Frauke Walther et la Danoise Grete Hoffenblad, qui seront ses dauphines, ainsi que dix autres concurrentes à ce grand rendez-vous de la beauté. Elle n’a alors que 19 ans.
Elle est couronnée par la Française Denise Perrier, Miss Monde de l’année précédente, et reçoit une prime de 500 "pounds". Elle est la première - et jusqu’à ce jour la seule - Égyptienne à remporter le titre de Miss Monde.
L’année suivante, elle ne participe pas à l’événement pour remettre, comme cela est la coutume, la couronne à la nouvelle Miss Monde, à cause des hostilités politiques entre l’Égypte et la Grande-Bretagne, liées au Canal de Suez.
Quelque 60 ans plus tard
Eric Morley, organisateur de la compétition Miss Monde, a écrit qu’Antigone Costanda : "avait un charisme qui séduisait tout le monde, et qu’admirer son sourire faisait connaître une sorte d’extase".
Aussi admiratif et conquis par la grâce de cette Égyptienne propulsée sous les feux de l’actualité, le commentaire d’un documentaire de l’époque est empreint du même lyrisme émerveillé : "Miss Égypte, sans en avoir le nez, avait cependant dans son jeu la réputation de Cléopâtre. (...) Le jury n’avait pas la tâche facile. C’est cependant à l’unanimité qu’il se prononça pour la ligne égyptienne en consacrant Antigone Costanda Miss Monde 1954."
De tels éloges pourront contraster avec une actualité toute récente où l’on apprend, par exemple, qu’un concours de beauté a été annulé en Haute-Égypte, les "conservateurs" locaux craignant qu’une telle manifestation puisse encourager à la "débauche" et déclarant qu’elle était en tout cas : "inadaptée aux traditions de la région".
Et pourtant, Fatma Bakr, organisatrice du concours, avait tenu à préciser ses objectifs : mettre en évidence la beauté des femmes et jeunes filles de Haute-Égypte, certes, mais aussi leurs ambitions, leur culture, leur "personnalité attrayante". Toutes les candidates, âgées de 10-38 ans, devaient en effet être détentrices d’un diplôme d’enseignement supérieur et avoir été à l’origine d’“initiatives sociales”.
Autres temps, autres moeurs ?
Marc Chartier
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