Bien que de nombreux visiteurs, aventuriers et chercheurs, se soient rendus sur les vestiges de l'ancienne Mendès - capitale du pays sous la XXIXe dynastie (399-380) - et de Thmuis, distante d'à peine cent mètres - capitale qui lui succéda à l'époque romaine -, les premières fouilles du site ne furent réellement menées que dans les années 1870.
Auguste Mariette, qui est alors à la tête du Service des Antiquités, les confie à Émile Brugsch. Le "Petit" Brugsch vient d'arriver au Caire afin de travailler, avec son frère aîné Heinrich, égyptologue renommé, à la rédaction d'un périodique en langue allemande consacré à l'égyptologie. Il devient rapidement l'assistant de Mariette, puis sera nommé conservateur-adjoint du musée de Boulaq, demeurera auprès de Gaston Maspero, et sera présent aux heures des grandes découvertes du début de l'égyptologie… Il sera ainsi élevé au titre de bey, puis de pacha par le gouvernement égyptien.
C'est en 1871 qu'il débute les excavations sur le vaste champ de ruines, vestige des cités de Mendès, encore appelée Per-Banebdjedet ("Le domaine du Bâ du seigneur de Djedet", dieu tutélaire de la capitale du 16e nome de Basse-Égypte, le "nome du dauphin") et de Anpet-Thmuis. Ces sites se trouvent dans l'actuelle province de Daqaliyah (au nord-est du delta du Nil) à environ 20 kilomètres au sud-ouest de Mansurah, et concernent précisément Tell el-Rub'a (Mendes) et Tell Timai (Thmuis).
C'est à la faveur d'un coup de pioche que Brugsch y fait une formidable découverte. Dans "une petite cellule, formée de dalles de calcaire assez soigneusement ajustées, qui avait été aménagée dans le sol", se trouvaient cinq très beaux vases en argent.
Dans le "Guide du Visiteur du Musée de Boulaq", Gaston Maspero raconte : "Ils avaient été déposés dans une cachette où ils sont restés oubliés jusqu'à nos jours. Ils sont ornés de lotus épanouis et de boutons au repoussé. L'un d'eux est un couvercle, dont la poignée est formée de deux fleurs réunies par la tige. Rien n'indique l'âge de ces objets de manière certaine, mais je suis tenté de croire qu'ils appartiennent à l'époque saïte. En tout cas, le travail est purement égyptien et ils sont identiques aux vases d'or et d'argent qu'on voit si souvent représentés entre les mains des prêtres et des rois, sur les murs des temples, à la XVIIIe et à la XXe dynastie."
Quant à Émile Vernier, grand spécialiste de l'orfèvrerie égyptienne, dans son catalogue du musée du Caire "Bijoux et orfèvreries", il nous livre cette expertise : "Nul doute que nos cinq vases n'aient fait partie du trésor de l'un des temples de la ville (Thmuis) dans les ruines de laquelle ils ont été découverts. L'époque à laquelle ils appartiennent est difficile à déterminer. Ils sont trop beaux pour être du temps des Ptolémées, trop chargés d'ornements pour être de la grande époque des Thoutmès (XVIIIe dynastie). Peut- être, sont-ils le produit de cet art élégant et toujours distingué qu'on appelle art saïte."
Parmi eux se trouve ce vase décoré de lotus, d'une hauteur de 9 cm. Il est composé "d'une panse et d'un collet".
Le collet se résume à une bande d'argent, épaisse, unie, sans ornement. Quant à la panse, elle est ornée de boutons de lotus. Émile Vernier nous décrit ainsi le décor : "Nous voyons huit boutons de lotus importants ; ces boutons s'étendent du cercle central à quelques millimètres de l'accord de la panse au collet. Entre ces boutons prennent place des groupes de trois petits boutons, celui du milieu un peu plus fort que les deux autres… L'exécution de ce décor appelle l'attention… Ensuite les boutons ont été décorés, les grands de trois points creux près de la tige et de quatre canaux qui les garnissent dans le sens de la hauteur ; les petits gardent leur calice uni mais ont, eux aussi, quatre cannelures."
Ce vase est souvent représenté à côté d'une coupe, dénommée parfois patère, mais qui ne constitue pas son couvercle comme on pourrait le croire. D’une hauteur de 3,2 cm, elle est composée d'un fond, travaillé, et d'un bord, uni, qui est un large bandeau d'argent.
L'extérieur de la coupe est joliment ouvragé. "Au centre, une rosace composée d'une perle plate et de douze pétales, puis une surface plate et enfin les feuilles lancéolées allant aboutir au bas du bandeau faisant bordure. Nous retrouvons aussi les 'olives' au nombre de trente, ainsi que les feuilles."
En 1878, pour l'Exposition universelle de Paris, Auguste Mariette souhaitera que l'antiquité égyptienne soit représentée de la meilleure façon qui soit. S'il n'a pas souhaité prendre de risques en transportant de grosses pièces emblématiques du musée de Boulaq, il a été très attentif au choix des artefacts exposés. C'est ainsi que, dans l'éventail large et riche qu'il a offert aux Parisiens émerveillés, trônaient les vases d'argent.
marie grillot
sources :
Bijoux et orfèvreries, Émile Vernier, Impr. de l'Institut français d'archéologie orientale (Le Caire), 1907-1927
Catalogue Mariette, 1876
Guide du Visiteur, Gaston Maspero,1915
Album du Musée de Boulaq, 1871
Exposition universelle de Paris, 1878. La Galerie de l'Égypte ancienne à l'exposition rétrospective du Trocadéro, description sommaire, par Auguste Mariette-Bey, par Mariette, Auguste, 1878
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57727368.r=
Bibliothèque des Merveilles, Édouard Charton, https://archive.org/stream/histoiredelorfvr00last#page/n5/mode/2u
Triangular Landscapes : Environment, Society, and the State in the Nile Delta, Katherine Blouin
https://books.google.fr/books?id=6o0dBAAAQBAJ&pg=PA40&lpg=PA40&dq=brugsch+mendes&source=bl&ots=f_lVUHYt7i&sig=MPq8Dk4tDpSaK6HGSD_S6noZgnU&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjVitvzjPvOAhUF1xoKHY7UAX0Q6AEIHDAA#v=onepage&q=brugsch%20mendes&f=false
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