lundi 2 novembre 2020

La stèle de Nit-Ptah : une famille en marche pour l'éternité

Stèle de Nit-ptah - calcaire peint - fin du Moyen Empire - découverte dans l'Assassif (tombe R6, près de la tombe MMA 37), 
en 1915-1916, par l'expédition du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Ambrose Lansing
Musée égyptien du Caire - JE 45625 - photo du musée

Quatre personnages, un homme, une femme, puis à nouveau un homme, une femme marchent dans la même direction, en parfaite osmose, en totale harmonie. Le mouvement est si bien rendu que l'on s'imagine suivre ce petit cortège. Même si l'on note quelques différences entre les "deux couples", l'impression de symétrie est saisissante.

Le rythme de cette "procession" est également entretenu par le contraste engendré par le traitement de la couleur des chairs : celle des femmes est traitée en jaune clair, presque blanc, alors que celle des hommes l'est en ocre-rouge.

Cette scène dégage une grande élégance ainsi que le sentiment d'être dans un 'monde' empreint de noblesse et de dignité.
Stèle de Nit-ptah - calcaire peint - fin du Moyen Empire - découverte dans l'Assassif (tombe R6, près de la tombe MMA 37),
en 1915-1916, par l'expédition du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Ambrose Lansing
Musée égyptien du Caire - JE 45625

Le premier personnage (à partir de la droite) est Nit-Ptah (fils d'Ay) ; il est suivi par son épouse Seni ; puis viennent leur fils Antef et leur fille Djedou.

Le chef de famille, à la chevelure et petite barbe noires, est vêtu d'un simple pagne blanc qui lui arrive au-dessus du genou. Il est paré d'un collier à plusieurs rangs, de couleur bleu-turquoise, et d'un bracelet, de la même couleur, à chaque poignet. Sa main gauche agrippe un bâton qui fait presque sa taille, alors que dans sa main droite enserre ce qui pourrait être une canne (ou une cravache), légèrement recourbée à une extrémité.
Stèle de Nit-ptah - calcaire peint - fin du Moyen Empire - découverte dans l'Assassif (tombe R6, près de la tombe MMA 37),
en 1915-1916, par l'expédition du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Ambrose Lansing
Musée égyptien du Caire - JE 45625

Son épouse Seni, "fille de Tai", le suit. Fine et élancée, coiffée d'une longue perruque tripartite, elle porte une magnifique robe longue moulante, tenue par deux larges bretelles, laissant la poitrine découverte. Cette élégante tenue (en résille ?) reprend un motif à losanges, décliné sur trois niveaux respectivement turquoise, rouge puis noir. Un "fond de robe" est décliné dans des impressions aux nuances rouges. Les bretelles sont de couleur turquoise, tout comme le collier et les larges bracelets qui ornent ses poignets et ses chevilles.

Elle s'est peut-être arrêtée quelques instants pour respirer la fleur de lotus qu'elle tient dans sa main gauche. Le lotus qu'elle enserre de l'autre main est, lui, encore en bouton. Dans l'Égypte ancienne, le lotus est hautement symbolique ; assimilé à la renaissance, il est considéré comme "la fleur initiale", "le symbole de la naissance de l’astre divin". Lorsque le soleil a terminé sa course, il se réfugie dans le lotus pour replonger dans l’onde dont il ne ressortira que le lendemain matin… Ainsi, le cycle recommence chaque jour, depuis la nuit des temps… Ce geste, empreint de solennité, est donc hautement important pour le devenir du défunt.
Détail de la stèle de Nit-ptah - calcaire peint - fin du Moyen Empire - découverte dans l'Assassif (tombe R6, près de la tombe MMA 37),
en 1915-1916, par l'expédition du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Ambrose Lansing
Musée égyptien du Caire - JE 45625


Antef, le fils, est le troisième personnage : si ce n'est la coiffure, il ressemble en tout point à son père. Djedou, leur fille, ferme la marche. Elle est, pour ainsi dire, "le portrait de sa mère". La seule différence réside dans sa robe, qui est, elle, unie, d'un bleu turquoise très lumineux.

Détail des inscriptions de la stèle de Nit-ptah - calcaire peint - fin du Moyen Empire - découverte dans l'Assassif (tombe R6, près de la tombe MMA 37)
en 1915-1916, par l'expédition du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Ambrose Lansing
Musée égyptien du Caire - JE 45625

Quelques lignes de hiéroglyphes, sont inscrites en noir au-dessus de cette touchante scène de famille. Elles indiquent notamment : "que le défunt et les membres de sa famille bénéficient de l'état d' 'imakhou' (terme généralement traduit par 'vénéré, révéré') auprès du dieu Ptah-Sokaris, à qui ils demandent d'intercéder afin que leur ka puisse se nourrir de 'bière, de (viande de) bovin et de volaille'". (Rosanna Pirelli, "Les merveilles du musée égyptien du Caire").

Cette stèle de calcaire, haute de 23 cm et large de 30 cm, est datée de la fin du Moyen Empire. Elle a été découverte, sur la rive ouest de Louqsor, dans l'Assassif, au cours de la Première Guerre mondiale, lors de fouilles menées en 1915-1916 par l'expédition du Metropolitan Museum of Art de New York qui détenait la concession depuis la saison 1912-1913). La mission était alors dirigée par Ambrose Lansing auquel étaient associés Harry Burton et Howard Carter.
Vue de la plaine de l'Assassif au pied du temple d'Hatchepsout à Deir el-Bahari

C'est précisément au pied du temple d'Hatchepsout : "à gauche de la cour de la tombe MMA 37, que plusieurs petites tombes ont été trouvées, elles ont reçu les numéros R1 à R12". Datées du Moyen Empire, elles en respectent l'architecture funéraire.

La stèle était dans la tombe R6. Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian ("Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire") qui la qualifient de  "naïve, conventionnelle mais attrayante  par ses couleurs vives" apportent ces  intéressantes précisions : "Elle se trouvait dans l'une des tombes de l'ancienne nécropole d'Assassif, qui se trouvèrent plus tard recouvertes ou détruites par les chaussées des temples de la XVIIIe dynastie à Deir el-Bahari, et sous le temple bas d'Hatshepsout".

Elle a été enregistrée au Journal des Entrées du Musée égyptien du Caire sous le numéro JE 45625. En décembre 2015, lorsqu'a ouvert un petit musée dans le hall de transit du terminal 3 de l'aéroport du Caire, elle a fait partie de la première collection qui y était exposée, mais elle est, désormais, de retour au Musée de Tahrir.

marie grillot

sources :
Albert M. Lythgoe, Ambrose Lansing, N. de Garis Davies, The Egyptian Expedition 1915-16, The Metropolitan Museum of Art Bulletin, Vol. 12, No. 5, Supplement : The Egyptian Expedition 1915-16 (May, 1917), pp. 1+3-31 (30 pages)
https://www.jstor.org/stable/3253911?seq=12#page_scan_tab_contents
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte, Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004
Steven Snape, Ancient Egyptian Tombs : The Culture of Life and Death, Editeur Wiley-Blackwell, 2011
https://books.google.fr/books?id=re6izO_zAd4C&pg=PT54&lpg=PT54&dq=imakhu+ancient+egypt&source=bl&ots=cuVPrGtlor&sig=knc9YWJvnW6BRZrYOL6vCnj5LSQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjjitnboNDOAhUD2BoKHVBFBGEQ6AEIMzAD#v=onepage&q=imakhu%20ancient%20egypt&f=false
Adela Oppenheim, Dorothea Arnold, Dieter Arnold, Kei Yamamoto,
Ancient Egypt Transformed : The Middle Kingdom, Metropolitan Museum of Art, 2015

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