La "première collection Salt", constituée entre 1819 et 1824, arrive à Livourne, en Italie, fin 1825 - début 1826. Ce consul britannique en Egypte, passionné d'antiquités, employait plusieurs collaborateurs, dont les plus connus sont Giovanni Battista Belzoni et Giovanni d'Athanasi, afin de chercher, et trouver, les pièces les plus belles de l'art égyptien, et les acquérir…
Jean-François Champollion souhaite ardemment que cette collection soit acquise par la France, mais il a beaucoup de mal à convaincre Charles X. Au printemps 1826, les choses cependant semblent se dessiner : il est mandaté par le souverain pour aller à Livourne afin de dresser l'inventaire descriptif des 4014 pièces.
Il y découvre une variété incroyable d'artefacts allant des monuments les plus imposants aux pièces les plus petites ! Sarcophages, cartonnages, statues, stèles, coffres, mobilier, vases, oushebtis, papyrus, cônes funéraires, sandales, vanneries, portraits de momies, scarabées, bagues, bracelets, colliers, objets de toilette, … en bois, grès, bronze, terre émaillée, calcaire, faïence, albâtre, serpentine, or, ivoire … On imagine la joie, l'étonnement, l'admiration qui doivent l'envahir face à de telles merveilles!
Grâce au Duc de Blacas qui confirma au roi que l'enthousiasme manifesté par le déchiffreur des hiéroglyphes était amplement justifié, la France donna finalement son accord pour l'acquisition de cet ensemble… "Malgré toutes les intrigues des ennemis des frères Champollion, Charles X ratifia l'achat de la collection en février 1826 au prix demandé de 250.000 francs" précise Jean-Jacques Fiechter dans "La moisson des Dieux".
Parmi les objets les plus adorables, les plus touchants se trouvait ce peigne en bois. Champollion le décrira ainsi, succinctement, dans sa "Notice descriptive des Monuments égyptiens du Musée Charles X, 1827", sous le n° 1359 : "Bois, peigne orné d'une gazelle agenouillée - Peigne surmonté d'un bouquetin - XVIIIe dynastie, collection Salt n° 581.”
Dans "Les objets de toilettes égyptiens au Musée du Louvre", l'égyptologue Jeanne Vandier d'Abbadie le présente plus précisément : "Peigne simple, surmonté d'une figurine de bouquetin aux longues cornes recourbées ; l'animal est agenouillé sur l'une de ses pattes antérieures, tandis que l'autre patte est à moitié repliée dans une attitude qui semble indiquer qu'il se relève. Deux filets sont gravés sous le chanfrein, et deux autres à la naissance des dents. Celles-ci, à leur partie inférieure, dessinent une courbe."
Sculpté dans du bois d'acacia, haut de 6,3 cm et large de 5,6 cm, il est pourvu de 16 fines dents, dont l'une est cassée. Le bouquetin est traité de façon très réaliste, mais on ne peut s'empêcher de lui trouver un petit air capricieux et mutin… "Le capriné représenté ici est un ibex, plus généralement connu sous le nom de bouquetin de Nubie. Hôte des milieux désertiques, il a prospéré en Égypte pendant toute l’époque pharaonique. Aussi en rencontre-t-on de nombreuses représentations dans l’art égyptien. Bien reconnaissable grâce à ses imposantes cornes annelées et recourbées et à sa barbiche, son élégante silhouette se décline en courbes gracieuses" précise Patricia Rigault dans "Des Animaux et des Pharaons".
Sur quelle table de toilette était-il posé ? Quelles mains l'ont utilisé ? Quels cheveux a-t-il coiffés : a-t-il glissé aisément sur une longue et soyeuse chevelure brune de jeune fille, ou démêlé les cheveux plus lourds d'une perruque ? Appartenait-il à une noble dame de la XVIIIe dynastie ayant à son service une ou plusieurs jeunes servantes pour l'aider dans sa toilette ?
La chevelure est, de tout temps, un atout très important de la beauté. "La perruque de la femme, objet de caprices infinis de la mode au cours des millénaires, était contrairement à la perruque de l'homme un élément essentiel de sa toilette. Une quantité d'oeuvres littéraires vantent les charmes de la femme par le biais de la description de la coiffure ; dans les beaux-arts, les nombreuses scènes de coiffure ont peut-être aussi pour but de stimuler discrètement les penchants amoureux" ("La femme au temps des pharaons").
Ainsi, d'un objet usuel et quotidien, les Égyptiens d'alors ont fait une œuvre d'art, empreinte de charme, de symbolique et dont la vue ne peut que nous emporter à rêver…
marie grillot
sources :
Peigne simple
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010007045
Jean-François Champollion, Notice descriptive des Monuments égyptiens du Musée Charles X, 1827
http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=4845&langue=fr
Jeanne Vandier d'Abbadie, Les objets de toilettes égyptiens au Musée du Louvre, Editions des Musées Nationaux, Paris, 1972
Catalogue d'exposition Des Animaux et des Pharaons, Le règne animal dans l'Égypte ancienne, présentée au musée Louvre-Lens (4 décembre 2014 au 9 mars 2015), Editions Somogy / Louvre Lens -
http://www.louvrelens.fr/documents/10181/755298/Dossier+de+presse+Des+animaux+et+des+pharaons/e4732470-9ae5-4063-b56b-55a467e9dd0b?version=1.1&type=pdf
Rites et beauté, objets de toilettes égyptiens, Musée du Louvre, 1993
Parfums et cosmétiques dans l'Egypte ancienne, Le Caire Paris Marseille, ESIG , 2002
La femme au temps des pharaons, Musées Royaux d'Art et d'Histoire Bruxelles, 1985-1986, Editions Philipp Von Zabern, Mayence, 1985
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