mercredi 17 août 2016

Une journée en Égypte avec... Antonin Thivel, Olympe Audouard, Louis Malosse




Une journée en Égypte avec… Antonin Thivel (1840?-1884)
photo Zangaki

"Tous les passagers sont sur le pont. Assouan est près de nous, la nature redevient prodigue pour cette fille du soleil. À nos côtés nous avons des sables d'or qui étincellent au soleil et des rochers noirs changés en monstres gardant cette poudre précieuse ; sur les rives élevées croissent une multitude d'arbres de différentes espèces qui charment les yeux. Après un détour le fleuve devient un lac, et tout au fond apparaît Assouan couchée paresseusement aux pieds de la première cataracte, dans la plus pittoresque, la plus ravissante situation que l'on puisse rêver. La ville est bâtie au-dessus de la rive basse et une pente douce conduit au Nil où sont ancrés des vapeurs de l'État, des dabhies qui se reposent comme pour prendre haleine avant de franchir le redoutable passage.
Assouan avec ses maisons blanches, ses petits dômes, ses minarets élancés, ses moulins à vent qui dominent la ville, son magnifique bois de palmiers, ses jardins ; l'île d'Éléphantine, ses rochers noirs sortant du fleuve changés en dieux, en sphinx, en monstres qui opposent sans cesse un barrage à l'impétuosité du courant ; le calme des eaux près la fureur des flots rapides font d'Assouan, vue du vapeur, une féerie de théâtre. 
Cette ville, importante par sa position géographique, marquait l'extrême limite de la Haute-Égypte ; elle était l'entrepôt de la Nubie, de l'Abyssinie et de toute cette partie de l'Afrique."

(extrait de L'Orient : tableau historique et poétique de l'Égypte, 1880)
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Une journée en Égypte avec… Olympe Audouard (1832-1890)
photo Zangaki

"L'Égypte ne ressemble à aucune autre contrée : elle surprend, étonne et charme le voyageur. Immense oasis au milieu du désert, grande plaine dont le Nil est le centre, contrée dont l'antiquité se perd dans la nuit des temps, où tout est merveilleux et miraculeux, qui ne ressemble à aucune autre, qui a son cachet personnel, qui est elle enfin, qui a été créée par le Nil, qui est la fille de ce fleuve fait dieu par les Égyptiens, fleuve qui la féconde en déposant sur ses terres son limon gras et bienfaisant, l'Égypte commence où les eaux du Nil arrivent, et finit là où elles s'arrêtent. 
Son sol sablonneux ne peut recevoir la fertilité que des eaux du Nil seulement. Ainsi, si vous arrosez une étendue de terrain avec de l'eau transportée d'Europe, ou de l'eau de pluie, elle restera infertile ; ce qu'il lui faut, ce sont ces eaux, mélangées de ce gras limon. 
C'est ce qui avait donné naissance à cette ancienne fable des Égyptiens : Isis (la terre) est, disent-ils, l'épouse féconde d'Osiris (nom sacré du Nil) ; Nepthys (la terre du désert) est l'épouse stérile de Typhon (la pluie), qui ne pourrait enfanter que par un adultère avec Osiris. 
C'est-à-dire que la terre d'Égypte ne peut être fécondée que par les eaux du Nil, ce qui est parfaitement exact. 
On comprend sans peine que les anciens Égyptiens aient vénéré ce fleuve, lui aient rendu des honneurs divins ; en effet, comme le remarquait judicieusement Hérodote, le Nil est le créateur de l'Égypte ; c'est ce limon qu'il dépose sur son sable qui d'abord le rend fécond, puis exhausse le terrain de telle façon qu'il gagne sur la mer. Il est facile de voir de combien il a empiété, car, à de très longues distances de la mer, le sable est mélangé de coquillages, et il a une forte dose de saumure. On trouve des coquillages sur les hauteurs; les pierres du désert sont polies et façonnées par le roulement des flots."

(extrait de Les mystères de l'Égypte dévoilés, 1866)

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Une journée en Égypte avec… Louis Malosse
photo Zangaki

"Assiout est la première ville où le bateau s’arrête plus que les minutes indispensables aux opérations d’embarquement. Elle ne possède ni temples, ni monuments géants, mais elle fut une cité importante autrefois et ses bazars eurent leur heure de célébrité. Ses minarets sont aussi nombreux que ses bosquets de palmiers. Ses environs ont une verdure luxuriante. L’aspect de la ville, vue du Nil, est charmant. Elle impressionne favorablement le voyageur qui désire aller à elle, parcourir ses ruelles, visiter les échoppes qui ont survécu aux riches bazars de jadis où se trafiquent encore des objets de poterie. (...)
Le touriste, fatigué par trois jours de navigation continue, est heureux d’enfourcher un âne, de s’en aller à travers champs vers la cité riante. Dans sa joie, il dévalise les magasins de poteries, emporte des vases, des chandeliers, des brûle-parfums en terre cuite que leur fragilité empêchera plus tard d’arriver à destination. (...)
Assiout est l’ancienne Lycopolis, la ville des loups, la cité dédiée à Anubis, le dieu à tête de chacal. Elle a quelques tombes, quelques chambres sépulcrales où furent entassées des momies de loups. Ces hypogées servirent de refuge aux premiers chrétiens à l’époque des persécutions. Une jolie légende plane sur ces grottes funéraires : on dit qu’un cénobite des premiers siècles rendit un jour la vie à toutes les momies d’hommes et d’animaux qu’il trouva dans l’une d’elles et l’on ajoute qu’il se fit raconter successivement par ces momies ressuscitées l’histoire de leur vie. Quel dommage que ce bienheureux ermite n’ait pas laissé ses mémoires, ne nous ait pas transmis le récit des choses qu’il entendit. Je donnerais toutes les nécropoles de l’antiquité pour la reproduction de ce miracle, pour la narration de ces vies antiques tombée de la bouche de ces morts enfouis si longtemps sous le sable de la vieille Lycopolis, la cité des loups sacrés."

(extrait de Impressions d'Égypte, 1896)

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