mercredi 31 août 2016

Assiout : une nouvelle page d'histoire pour le palais Alexan

Palais Alexan - photo de Haytham Al-Hefnawy, reproduite avec l’aimable autorisation de l’auteur

Assiout, sur la rive occidentale du Nil. À proximité immédiate du fleuve, observant discrètement le mouvement des felouques, un palais d’un autre temps semble méditer sur son passé. Impassible, recroquevillé sur lui-même, volets fermés, sans la moindre trace de vie apparente. La façade principale, pourtant, même partiellement occultée par quelques arbres, est empreinte d’une majesté et d’une élégance qui n’ont pas pris une ride.

Ce palais porte le nom de celui qui, il y a un peu plus d’un siècle, le fit construire : Alexan pacha. Né en 1865, avocat de formation, responsable de la communauté protestante d’Assiout jusqu’à sa mort en 1949, Alexan Abiscaroun est l’une des plus grosses fortunes de Haute-Égypte. Il fait appel à des architectes italiens, mais aussi, semble-t-il, français et britanniques, pour mener à bien son projet d’une luxueuse demeure d’un style européen classique, très “tendance” en Égypte à la fin du XIXe siècle et au début du XXe.
Palais Alexan - photo extraite de la Newsletter du ministère des Antiquités

Construit en 1910 sur une superficie d’un feddan et demi, soit 7 000 m², “le palais devient alors un vrai chef-d’oeuvre architectural, écrit Doaa Elhami, dans ‘Al-Ahram Hebdo’ du 16-01-2013. (...) Alors que la façade nord se caractérise par les décors rayonnants, sur la façade sud on trouve le fameux style décoratif rococo composé de reliefs végétaux. Quant à la façade gauche, elle est dominée par des ornements végétaux. Mais la façade (principale) du palais représente le chef-d’oeuvre par excellence. Outre les reliefs végétaux, elle se distingue par les ornements en spirale ainsi que les feuilles végétales. Autre particularité : la façade donne sur le Nil”, le pacha ayant ordonné de construire un port privé, afin de pouvoir accéder directement à son palais à partir du fleuve.

Une telle demeure de prestige ne peut qu’attirer l’attention du roi Farouq, lui-même très enclin à apprécier le luxe des palais (il en possède des dizaines). C’est ainsi que le souverain, accompagné de sa mère la reine Nazli, répond à deux reprises, rappelle l’archéologue Ahmad ‘Awad, à l’hospitalité d’Alexan Abiscaroun. La première fois, en janvier 1937, lorsque, peu de temps après son intronisation, il se rend à Assiout pour y inaugurer un Institut scientifique et religieux et suivre la mise en place de certains projets dans la ville. 

La seconde fois, une année plus tard, lorsque le roi vient inspecter les travaux de surélévation du barrage local sur le Nil.

Après la disparition du maître de céans, les informations manquent concernant ce qu’il advient de son palais, si ce n’est qu’il est évidemment transmis à ses héritiers. Une autre page d’histoire commence cependant en 1995-1996, lorsque le ministre de la Culture égyptien de l’époque, Farouq Hosni, décide l’expropriation du palais pour l’intégrer dans le patrimoine bâti national et, conformément à une volonté du gouvernement, le transformer en musée régional consacré à “l’histoire de la ville et de ses environs depuis la préhistoire jusqu’à l’époque moderne, en passant par les âges pharaonique, gréco-romain, copte et islamique”. 
Palais Alexan - photo de Doaa Elhami

Bien qu’étant dans le domaine patrimonial du Conseil suprême des Antiquités(CSA), le palais Alexan ne connaît pas immédiatement d’évolution dans sa configuration et son aménagement en lieu culturel. Les décisions tardent à voir le jour. En 2003, le CSA “approuve la transformation (du palais) en musée archéologique régional après avoir entrepris les restaurations architecturales nécessaires”. Soit! Mais il faut à nouveau attendre fin 2010, note Doaa Elhami, pour voir apparaître la création de plusieurs commissions composées de membres du secteur des musées, de la police du tourisme et des antiquités, du gouvernorat d’Assiout et du bureau local des antiquités, ces commissions étant chargées d’ouvrir le palais et d’enregistrer les objets et oeuvres d’art qu’il contient pour choisir ceux qui sont susceptibles d’être exposés. 

Depuis lors, pour des raisons évidentes - les responsables égyptiens étant accaparés par d’autres priorités -, les résolutions des commissions à finalité muséologique sont restées dans les cartons… jusqu’à une visite récente de Khaled El-Enany, ministre des Antiquités, qui aboutit à la décision suivante : “Une documentation complète du palais et un inventaire de son contenu vont bientôt commencer, et le bâtiment est désormais affecté à la restauration.” (newsletter du ministère des Antiquités, juillet 2016).
Palais Alexan - photo de Eslam Khaled

Il est donc permis d’espérer que la transformation du palais Alexan soit désormais sur les bons rails. Pour une nouvelle tranche de vie digne du glorieux passé de la somptueuse demeure, quand elle redeviendra accessible, cette fois-ci aux bateaux de croisière, et qu’elle contribuera à l’essor du tourisme dont l’Égypte a tant besoin.

Marc Chartier

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