samedi 9 juillet 2016

Un précieux diadème pour l'éternité de la princesse Khnoumit

Diadème de la princesse Khnoumit - or, pierres dures, pâte de verre - Moyen Empire - XIIe dynastie - règne d'Amenemhat II
provenant de sa tombe, découverte le 16 février 1895 par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour - Musée égyptien du Caire - CG 52860 - photo du musée 

"Je ne crois pas que, même de nos jours, un joaillier puisse arriver à une perfection aussi grande, à une vérité de rendu et à des conceptions aussi belles que l'obscur ouvrier qui, voici bien des siècles, ciselait dans quelque rue de Memphis ces bijoux singuliers dont devait se parer la princesse Khnoumit."

Ces mots, ces qualificatifs témoignent, on ne peut mieux, de la profonde admiration que ressent Jacques de Morgan face au trésor qu'il vient de découvrir, en ce mois de février 1894, dans son tombeau à Dahchour.
Jacques de Morgan brandissant le diadème de la princesse Khnoumit
lors de sa découverte en février 1895 dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour
(dessin paru dans "L'Illustration" du 11 mai 1895)

Enterrée au nord-ouest de la pyramide blanche d'Amenemhat II, souverain de la XIIe dynastie, dont elle était l'une des nombreuses filles, elle  fut également, selon certaines sources, la femme de son fils et successeur le roi Sesostris.

La momie princière "recouverte d'un enduit de bitume, était autrefois peinte. Son masque, doré, était orné de dessins rouge, bleu et or, et de deux yeux montés en argent".
Diadème de la princesse Khnoumit - or, pierres dures, pâte de verre - Moyen Empire - XIIe dynastie - règne d'Amenemhat II
provenant de sa tombe, découverte le 16 février 1895 par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour - Musée égyptien du Caire - CG 52860 - photo du musée 

De somptueux bijoux l'accompagnaient pour son éternité : colliers, bracelets en or, incrustés de cornaline, d'émeraude et de lapis-lazuli… La chambre des offrandes recelait un véritable trésor comme le relate le découvreur : "Des vases de terre cuite remplis des débris des offrandes couvraient le dallage au milieu d'un lit de poussière blanche accumulée par les siècles. À droite, le long de la paroi située entre les deux portes se trouvait un amas d'ossements de bœufs et d'oies, restes des provisions déposées jadis près du mort. Au long de la paroi orientale et presqu'en son milieu était le coffret fermé des parfums, plus loin une planchette carrée, le brûle-parfums de bronze et enfin la caisse des canopes qui occupait presque en entier le fond de la chambre. Tous ces objets étaient couverts de poussière et, par suite, dans l'obscurité où je me trouvais il était difficile d'en distinguer le détail ; mais, après avoir enlevé les vases, je fus fort surpris de rencontrer quelques bijoux d'or près de la cassette aux parfums."

Parmi ces bijoux se trouvent deux magnifiques couronnes, l'une d'une légèreté aérienne, faite de fins fils d'or ornés d'entrelacs de fleurs bleues et de petites graines sombres et puis cette autre couronne - ou est-ce plutôt un diadème ? - en or cloisonné, avec incrustations de pierres précieuses et semi-précieuses et de pâte de verre d'une totale splendeur.
Les deux magnifiques couronnes de la princesse Khnoumit : 
CG 52860 à droite et CG 52859 à gauche
provenant de sa tombe, découverte en février 1895  par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour - Musée égyptien du Caire

Jacques de Morgan en fait la description suivante : "Le cercle est composé de la réunion de huit motifs décoratifs. Chacun d'eux est composé d'une fleur épanouie, au cœur de cornaline, aux quatorze pétales d'émeraude s'épanouissant sur un fond de lapis lazuli. À gauche et à droite sont deux ornements en forme de lyre qui figurent des rinceaux de feuilles de cornaline, d'émeraude et de lapis. De la courbe terminale surgissent deux fleurs bleues et rouges. Au-dessus est un décor semblable aux latéraux; cependant, les feuilles ne sont pas figurées : elles sont remplacées par des bandes obliques. Enfin, chacun des huit motifs est réuni au suivant par une fleur épanouie semblable à celles servant de centre de décoration, précédemment décrites. Le revers est délicatement ciselé. La couronne n'était pas complète ainsi. En avant, derrière une fleur de jonction, était soudé un petit tube où des plumets décoratifs pouvaient être insérés. Celui qui a été trouvé tout à côté de la couronne est composé d'un léger tube d'or, long de 15 centimètres et percé de quarante-huit trous où viennent s'insérer de légères feuilles semblables à celles du saule et des fleurs en chaton. Ces fleurs sont absolument semblables aux ornements supérieurs de la couronne; ils sont faits de perles de cornaline, d'émeraude, de lapis et d'or enroulées sur une tige d'argent. Cette pièce, malheureusement très fragile, n'a pu être conservée dans son intégrité : les tiges d'argent étaient oxydées et les fleurettes sont tombées pour la plupart."
Diadème de la princesse Khnoumit - or, pierres dures, pâte de verre - Moyen Empire - XIIe dynastie - règne d'Amenemhat II
provenant de sa tombe, découverte le 16 février 1895 par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour - Musée égyptien du Caire - CG 52860
publié ici dans le catalogue d'Emile Vernier

Quant à Emile Vernier, dans son catalogue "Bijoux et orfèvreries", sous le n° CG 52860, il nous donne de touchantes précisions sur un élément qui n'attire pas, de prime abord, le regard : "Entre les deux motifs verticaux et au-dessus du motif horizontal qui est au milieu de la couronne, on voit un petit vautour les ailes déployées et tenant dans chacune de ses serres un signe de la vie. Le dos et les ailes du vautour sont faits d'une seule plaque d'or légèrement courbée et décorée en gravure au trait habilement faite, à l'extérieur et à l'intérieur. La tête, le corps et les pattes sont faits à part en plusieurs morceaux ; ces pièces sont creuses. Les yeux sont en obsidienne; un seul est en place. Les signes de vie ont leur anneau garni d'une perle de cornaline".

On y voit certainement une représentation de la déesse vautour Nekhbet : elle tient, entre ses serres, le signe "shen", le symbole de l'éternité qui "devait garantir la protection de la divinité à la princesse qui portait le diadème" (Silvia Einaudi, "Les merveilles du musée égyptien du Caire").

Diadème de la princesse Khnoumit - or, pierres dures, pâte de verre - Moyen Empire - XIIe dynastie - règne d'Amenemhat II
provenant de sa tombe, découverte le 16 février 1895 par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour - Musée égyptien du Caire - CG 52860 - photo du musée 

Quant aux mots d'Adela Oppenheim, ils traduisent parfaitement l'admiration que nous portons à ce diadème et, plus généralement aux "bijoux de Dashour" : "Rien n'illustre mieux la maîtrise technique des artisans du Moyen Empire que les bijoux des reines et princesses de la XIIe dynastie. Les couronnes, les colliers, les bracelets et les bagues, qui révèlent un goût particulier pour les couleurs vives, sont parmi les plus beaux exemples de l'orfèvrerie égyptienne"… En outre, elle énonce une hypothèse qui ne peut que nous séduire : "Puisque les peintures, les bas-reliefs et les statues représentent souvent des femmes portant des fleurs dans les cheveux, on peut supposer que les diadèmes royaux sont la transposition en matériaux résistants de ces couronnes de fleurs coupées"…

La tombe de Khnoumit a été ouverte le 16 février, et dès le 21, son trésor, "débarrassé des poussières et du bitume, était exposé au musée de Gizeh". Ce diadème a été enregistré au Journal des Entrées du musée JE 31105 (JE 31112 pour le vautour) et CG 52860 au Catalogue Général.

marie grillot

sources :
Jacques de Morgan, Fouilles à Dahchour, Adolphe Holzhausen, Vienne, 1894
http://dlib.nyu.edu/awdl/sites/dl-pa.home.nyu.edu.awdl/files/fouillesdahcho01morg/fouillesdahcho01morg.pdf
Jacques de Morgan, Lettre sur les dernières découvertes en Égypte, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1894, 38-3  pp. 169-177
http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1894_num_38_3_70401?_Prescripts_Search_tabs1=standard&
Jacques de Morgan, Lettre sur sa seconde campagne de fouilles en Égypte, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1895, 39-2  pp. 169-179
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1895_num_39_2_70560?_Prescripts_Search_tabs1=standard&
Jacques de Morgan, Fouilles à Dahchour : 1894-1895, Adolphe Holzhausen, Vienne, 1903
http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/morgan1903/0049
Émile Vernier, Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire, Bijoux et orfèvreries, Fascicule 3, Numéro 52640-53171, IFAO, Le Caire, 1925
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f96.item.r=52859.texteImage
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004

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