lundi 20 juin 2016

La couronne de la princesse de Khnoumit : quand la beauté s'épanouit en toute légèreté

Couronne de la princesse Khnoumit - or, pierres, pâte de verre - Moyen Empire - XIIe dynastie - règne d'Amenemhat II
provenant de sa tombe, découverte le 16 février 1895 par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour - Musée égyptien du Caire - JE 31104 - CG 52859 

Des fils d'or ornés d'une myriade de fleurs à cinq pétales qui ressemblent à des étoiles, et de petites "graines" rondes, qui se précèdent, se suivent, semblent danser dans un entrelacs d'une légèreté et d'une finesse absolues. Comment ne pas tomber sous le charme d'une telle couronne à l'élégance si féminine ?

Elle appartenait à la princesse Khnoumit, l'une des nombreuses filles d'Amenemhat II, souverain de la XIIe dynastie, et qui fut, selon certaines sources, la femme de son fils et successeur le roi Senusret II. Sa tombe a été découverte par Jacques de Morgan lors des fouilles qu'il a menées en 1894-1895, au nord-ouest de la pyramide blanche (celle d'Amenemhat II), à Dahshour.

La momie princière : "recouverte d'un enduit de bitume, était autrefois peinte. Son masque, doré, était orné de dessins rouge, bleu et or, et de deux yeux montés en argent." De somptueux bijoux l'accompagnaient pour son éternité : colliers, bracelets, en or, incrustés de cornaline, d'émeraude et de lapis lazuli…
Couronne de la princesse Khnoumit - or, pierres, pâte de verre - Moyen Empire - XIIe dynastie - règne d'Amenemhat II
provenant de sa tombe, découverte le 16 février 1895 par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour - Musée égyptien du Caire - JE 31104 - CG 52859 

Mais une autre découverte attendait Jacques de Morgan et son équipe : "Rien ne faisait prévoir que la chambre des offrandes contiendrait de véritables trésors. C'est par la porte du nord que j'ai pénétré dans cette seconde chambre. Des vases de terre cuite remplis des débris des offrandes couvraient le dallage au milieu d'un lit de poussière blanche accumulée par les siècles. À droite, le long de la paroi située entre les deux portes, se trouvait un amas d'ossements de bœufs et d'oies, restes des provisions déposées jadis près du mort. Au long de la paroi orientale et presqu'en son milieu était le coffret fermé des parfums, plus loin une planchette carrée, le brûle-parfums de bronze et enfin la caisse des canopes qui occupait presque en entier le fond de la chambre. Tous ces objets étaient couverts de poussière et, par suite, dans l'obscurité où je me trouvais, il était difficile d'en distinguer le détail ; mais, après avoir enlevé les vases, je fus fort surpris de rencontrer quelques bijoux d'or près de la cassette aux parfums.
Jacques de Morgan lors de la découverte du trésor de la princesse Khnoumit
en février 1895 dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dashour
(dessin paru dans "L'Illustration" du 11 mai 1895)

Ce coffret avait été placé sur un amoncellement de bijoux, colliers, agrafes, couronnes, cercles d'or qui gisaient là sans ordre au milieu des débris. Jadis, probablement, on avait également entassé là des étoffes précieuses, mais le temps les avait détruites et c'est au milieu de leurs débris que j'ai trouvé toutes les pièces du trésor."

Ces pièces magnifiques - des chefs-d'œuvre de la joaillerie ! - furent nettoyées, restaurées, puis exposées, quelques mois plus tard, au musée de Guizeh.

"La pièce principale (ndrl : du trésor de Khnoumit) est une couronne légère composée d'ornements en forme de croix de Malte et d'un entrelacement de fils d'or où sont attachées de mignonnes fleurs et de petites boules bleues figurant des graines. La combinaison qui a régi l'arrangement de ce chef-d'œuvre de grâce est fort simple. Six ornements crucifères, formés d'un cercle (enchâssé de cornaline et centré d'un clou d'or) autour duquel sont disposées quatre fleurs de lotus rehaussées d'émeraude d'Égypte et de cornaline, six ornements, dis-je, furent d'abord composés, fabriqués et percés de trois trous également espacés sur l'axe vertical. Ces trous passant dans l'épaisseur du bijou demeuraient invisibles."
Les deux magnifiques couronnes de la princesse Khnoumit : Musée égyptien du Caire CG 52860 à droite et CG 52859 à gauche
or, pierres, pâte de verre - Moyen Empire - XIIe dynastie - règne d'Amenemhat II
provenant de sa tombe, découverte le 16 février 1895 par Jacques de Morgan
dans le complexe funéraire d'Amenemhat II à Dahchour 

Et l'égyptologue se glisse doucement dans le rôle de l'artisan orfèvre qui a réalisé cette merveille. Il énonce alors les différentes phases du travail : "L'ouvrier introduit ensuite trois fils d'or dans le trou supérieur, quatre dans le médian et trois dans l'inférieur. Ces fils s'entrelacent deux à deux sans avoir de points de contact avec leurs voisins. Puis il prend tout d'abord une fleur à cinq pétales d'émeraude et à corolle de cornaline et dans l'anneau qu'elle porte au dos, fait se croiser les deux fils, l'inférieur devant le supérieur et vice versa. Notre homme prend alors un objet menu composé de deux petites perles de lapis lazuli, pendantes à un anneau, et dans cet anneau croise encore ses deux fils ; puis nouvelle fleurette, nouvelles graines et, après avoir répété la même manœuvre, les deux fils sont rentrés dans un second ornement crucifère qui leur sert de support, pour ressortir ensuite et attacher d'autres fleurs d'émeraude et d'autres graines de lapis lazuli. La couronne est composée de cinq rangs semblables. Les deux attaches initiale et terminale sont placées au dos d'une croix où les dix fils sont passés et arrêtés dans deux anneaux séparés." 

Une technique, alliée à un art abouti et à une maîtrise parfaite que ne peut qu'admirer et louer le découvreur. Il en fait ainsi le constat émerveillé : "Cette description ne peut rendre toute la grâce et la légèreté quasi aérienne de cette parure d'allure virginale. La perfection du travail (qui est cependant fort remarquable) n'est que pour peu de chose dans l'admiration qu'on a témoignée de ce bijou. C'est l'impromptu de cette couronne de fleurs des champs négligemment tressée, c'est cette flexibilité qui fait croire que le moindre souffle briserait cet agencement délicat, c'est enfin cette conception si simple et si juvénile qui placent à part ce petit chef-d'œuvre dans l'histoire de l'art égyptien dont les représentations nous avaient, jusqu'alors, laissé ignorer l'existence de semblables merveilles." 

Dans son catalogue "Bijoux et orfèvreries, Fascicule 3", Émile Vernier notera d'ailleurs que : "la construction si délicate de la couronne ne permet pas de mesurer en diamètre". 

Cette parure, somptueuse de légèreté, a, dans le silence et l'obscurité d'une tombe, patienté près de celle à qui elle appartenait pendant près de 3800 ans … Depuis 1902, elle s'offre aux yeux émerveillés des visiteurs du musée égyptien de la place Tahrir au Caire.

marie grillot

sources :
Jacques de Morgan, Fouilles à Dahchour, Adolphe Holzhausen, Vienne, 1894
http://dlib.nyu.edu/awdl/sites/dl-pa.home.nyu.edu.awdl/files/fouillesdahcho01morg/fouillesdahcho01morg.pdf
Jacques de Morgan, Lettre sur les dernières découvertes en Égypte, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1894, 38-3  pp. 169-177
http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1894_num_38_3_70401?_Prescripts_Search_tabs1=standard&
Jacques de Morgan, Lettre sur sa seconde campagne de fouilles en Égypte, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1895, 39-2  pp. 169-179
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1895_num_39_2_70560?_Prescripts_Search_tabs1=standard&
Jacques de Morgan, Fouilles à Dahchour : 1894-1895, Adolphe Holzhausen, Vienne, 1903
http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/morgan1903/0049
Émile Vernier, Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire, Bijoux et orfèvreries, Fascicule 3, Numéro 52640-53171, IFAO, Le Caire, 1925
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f96.item.r=52859
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004

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