jeudi 2 juin 2016

La belle dame d'Antinoupolis

Portrait de femme - Milieu du IIe siècle après J.-C. peinture sur bois 
Découvert par Albert Gayet lors de fouilles menées en 1904-1905 à Antinipoolis
Musée du Louvre - E 12569

Albert Gayet, archéologue français, est arrivé en Égypte en 1881 avec la Mission archéologique française permanente au Caire. Après avoir travaillé en Haute-Égypte, Gaston Maspero le pousse "dans une direction encore mal connue : l'archéologie de l'Égypte de l'antiquité tardive". C'est ainsi qu'en 1896, avec l'appui de son mécène Émile Guimet, il débute les fouilles dans la cité d'Antinoupolis (Antinoé). Cette ville, située à 300 km du Caire, - elle existait déjà au Nouvel Empire et fut rebaptisée par Hadrien au Ier siècle du nom de son bel amant Antinoüs -, devient, pendant quinze fructueuses années, ‘le' secteur de Gayet. Il y fait de magnifiques découvertes… et parmi elles, ce magnifique portrait qui se trouve aujourd'hui au Louvre.

Cette jeune femme a été peinte au IIe siècle après J.-C. Son attitude générale dégage une impression de sérieux et de gravité, adoucie par les bijoux qui la parent sans ostentation.

Son visage, ovale et symétrique, est légèrement tourné vers la droite. Son regard est triste, les yeux en amande sont grands, leur pupille brune est animée d'un point de peinture blanche. Les sourcils, très épais, sont traités dans des tons plus clairs que la chevelure. Leur implantation débute bas au niveau de l'arête du nez, laissant peu d'espace entre chacun des deux. Les cils sont bien marqués, bien dessinés. Le nez est long et fin. L'usure du temps a estompé la peinture sur la majeure partie des ailes. La tache sombre qui marque le nez est due à l'usure de la couche picturale, qui, moins épaisse, laisse transparaître la préparation brune.

La bouche est fermée, nulle esquisse de sourire ne se dessine. Les lèvres sont ourlées et la partie supérieure est finement surlignée d'un contour tracé à la peinture blanche. Le petit sillon entre le nez et les lèvres est affirmé par une touche plus sombre. Au milieu du menton se trouve un point de couleur rosée : notre dame avait-elle une charmante fossette ?
Portrait de femme - Milieu du IIe siècle après J.-C. peinture sur bois 
Découvert par Albert Gayet lors de fouilles menées en 1904-1905 à Antinipoolis
Musée du Louvre - E 12569

La chevelure est impeccablement mise. Séparés par une raie centrale, les cheveux semblent tressés - ou ondulés - finement alors que de petites boucles courtes, plus claires, encadrent le front et le visage allant jusqu'à couvrir la majeure partie des oreilles.

Les oreilles sont ornées de boucles qui devaient être très à la mode à cette époque-là car on les retrouve sur plusieurs autres portraits. Elles sont composées d'une perle - dont l'éclat lumineux est rendu par un rond de peinture blanche - fixée au lobe de l'oreille. De sa partie inférieure part une fine barrette horizontale en or d'où descendent deux tiges du même métal, qui en leur extrémité ont chacune une perle, identique à celle du lobe.

Autour de son cou se trouve un collier qui apporte une belle touche d'harmonie. Il s'agit d'un ras-de-cou composé de perles, de forme plutôt allongée, d'un vert sombre mais chaud, entre lesquelles s'intercalent des rosettes d'or.

Elle est vêtue d'une tunique d'un violet sombre, presque prune, qui "est ornée d'un clavus vert foncé qui descend de l'épaule droite" et d'un manteau dans les mêmes tons.
Portrait de femme - Milieu du IIe siècle après J.-C. peinture sur bois 
Découvert par Albert Gayet lors de fouilles menées en 1904-1905 à Antinipoolis
Musée du Louvre - E 12569 - photo © 2007 Musée du Louvre / Georges Poncet

Cette personne, nous n'avons aucun doute sur cela, appartenait à une classe aisée car seuls les plus fortunés pouvaient s'offrir des rituels funéraires de qualité.

À cette époque, après avoir été grecque, l'Égypte est devenue romaine… et cosmopolite : Égyptiens, Grecs et Romains, se mêlent. Les nouveaux "maîtres du pays" ont adopté les coutumes funéraires de l'Égypte pharaonique et les Romains ont introduit l'art du portrait.

Peint du vivant du modèle, le portrait était, lors de la momification, placé sur le visage du défunt (ou parfois déposé tout à côté). Il arrive qu'il soit peint sur une toile de lin, mais le support est, le plus souvent, une planche de bois (tilleul, figuier, cèdre ou sycomore) qui a été préalablement lissée et enduite. L'esquisse est ensuite exécutée en rouge ou en noir. "Puis le portrait était réalisé au moyen de pigments minéraux et végétaux liés avec de la cire chauffée (encaustique), ce qui permet un travail lent et minutieux se traduisant par de petites touches rapprochées pour le visage, le cou et la coiffure, le vêtement étant en revanche traité à larges coups de brosse." La "détrempe" qui utilise un liant à base de gomme végétale est également utilisée : "Elle donne un caractère plat et graphique au portrait et traduit le modelé par un réseau de fines hachures entrecroisées." Parfois, les deux techniques sont conjuguées à bon escient par le peintre. Les couleurs généralement utilisées sont le blanc, le noir, le rouge, deux ocres. La feuille d'or est souvent appliquée, parfois dans les cheveux, parfois en couleur de fond et toujours pour rendre l'éclat des parures et bijoux.

Bien qu'ayant été trouvé à Antinoupolis, ce portrait est classé dans la catégorie "portraits du Fayoum" car la majeure partie d'entre eux ont été trouvés par Flinders Petrie, dès 1888, à Hawara, dans l'immense nécropole de l'élite d'Arsinoé dans le Fayoum.

marie grillot

sources :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire