dimanche 8 mai 2016

Toutankhamon : plus que jamais au cœur de l'actualité !

Masque de Toutankhamon - photographie de Harry Burton -
© Copyright Griffith Institute, 2005
Khaled el-Enany, ministre des Antiquités, Mamdouh Eldamaty, Zahi Hawas, Nicholas Reeves, “neb kheperou re” (l'un des noms de la titulature de Toutankhamon), Tarek Tawfik

Le second colloque international consacré à Toutankhamon s'est tenu les 6, 7 et 8 mai 2016 au Caire, tout d'abord au Grand Musée Égyptien (GEM), puis au Musée National de la Civilisation Égyptienne (NMEC).

De nombreux égyptologues venant du monde entier y ont participé - et ou - sont intervenus sur la préservation de l'important et précieux héritage trouvé dans la tombe découverte par Lord Carnarvon et Howard Carter en novembre 1922.

Le 6 mai, le ministre des Antiquités, Khaled el-Enany, a inauguré les conférences, se félicitant de cette excellente occasion d'approfondir les connaissances sur le jeune pharaon.

Le premier thème abordé l'a été par le Dr Christian Eckmann, de l'université de Mainz (Allemagne), expert en restauration des métaux. Il est revenu sur la restauration de la barbe postiche du masque du pharaon, sujet qui, il y a quelques mois, a fait la une de l'actualité et engendré bien des polémiques !

Les autres interventions de cette première journée ont concerné les textiles qui faisaient partie du trésor de la KV 62. On se souvient que la garde-robe du jeune pharaon était bien fournie. 

Comme la détaille Nicholas Reeves dans son livre "Toutankhamon" : "Elle se compose de tuniques, de chemises, de ceintures larges, de kilts, de pagnes, d'écharpes, de calottes, de coiffures et de gants… Ce qui frappe le plus dans ces costumes, c'est l'aspect et la variété de la décoration, des liserés, des simples chemises en lin aux vêtements de dessus entièrement ornés d'une luxuriance de paillettes d'or."
Préservation de tissus au GEM - photo Marc Chartier

Parmi les principales communications, nous pouvons citer : le Dr Gillian Vogelsans-Eastwood, du Danish National Research Foundation's Centre for textile, spécialiste des textiles et vêtements du Proche-Orient, le Dr Olaf Kaper, professeur d'égyptologie à l'Université de Leyden, Islam Ezzat, expert en sciences des matériaux au service des Antiquités, Nagm Eldeen Morshed Hanza, du GEM, le Dr Jan Picton, du Petrie Museum, et le Dr Mie Ishii, conservateur à l'Institut de recherches sur les textiles de Tokyo. Qu'emportait-on pour se vêtir dans l'au-delà ? Quelles informations nous livrent vêtements, tissus et broderies ? Que laissent-ils supposer ? Des pièces manquaient-elles dans le trousseau du jeune pharaon ? Et surtout, la grande interrogation : comment les préserver au mieux aujourd'hui ?

La seconde journée a été consacrée aux bijoux trouvés dans la KV 62. Après une communication du Dr Régine Schulz, directrice du musée Roemer et Pelizaeus d'Hildesheim (Allemagne) sur les nombreuses bagues du pharaon, Tarek Tawfik, directeur général du GEM a présenté les différentes formes d'inscription de “nb khepru-ra" référencées sur les bijoux. En fin de matinée, le Dr Ahmed Mekawy, de la Faculté d'archéologie à l'Université du Caire, a présenté le pendentif JE 61952. Ce collier a été trouvé par Howard Carter dans le trésor. Il est composé de perles et est orné d'une amulette de Weret-Hakau sous la forme d'un serpent à tête humaine. Weret-Hakau est l'une des déesses habilitées à assumer le rôle de nourrice du roi, pouvant ainsi lui donner la légitimité de régner.
Tombe de  Toutankhamon

Le dimanche 8 mai, au Musée National de la Civilisation Égyptienne, a été consacré à l'histoire plus récente de la tombe et les communications ont été riches, non seulement par leur contenu, mais aussi par la renommée des intervenants. En effet, aux côtés de Khaled el-Enany, deux anciens ministres des Antiquités se sont exprimés : les Dr Mamdouh Eldamaty et Zahi Hawass. La communication du Dr Nicholas Reeves était également très attendue… On se souvient que cet égyptologue anglais, grand spécialiste de Toutankhamon, avait dans son article "The Burial of Nefertiti ?" paru durant l'été 2015, émis l'hypothèse que la KV 62 n'avait pas livré tous ses secrets et que des chambres resteraient à découvrir. Poursuivant son raisonnement et ses réflexions, et se basant sur son excellente connaissance de cette période, l'égyptologue avait également déduit que ces pièces pourraient être la sépulture de la grande reine Néfertiti… C'est à la suite de cette théorie que des prospections ont été menées dans la KV 62. 
Le Dr Hirokatsu Watanabe 

Mamdouh Eldamaty, précédent ministre sous le mandat duquel se sont déroulés la majeure partie des travaux de prospection dans la KV 62, en a rappelé l'historique. Il avait autorisé l'utilisation de nouvelles technologies – non invasives et non destructives –, notamment les prospections radar par une équipe japonaise. Il estime que les investigations doivent se poursuivre, qu'il faut mener d'autres recherches, pourquoi pas par l'extérieur de la tombe ? Il pense qu'il peut y avoir une cavité cachée, mais il doute que ce soit la tombe de Nefertiti.

Le Dr Nicholas Reeves a alors pris la parole. Au cours de son intervention, il a maintenu sa théorie, bien connue désormais. Il a précisé entre autres que Néfertiti avait survécu à Akhénaton qui, lui, avait été enterré à Amarna. Il reconnaît que la seconde enquête radar est décevante mais que d'autres prospections doivent être menées. 

Puis, le Dr Hirokatsu Watanebe a présenté la technique utilisée pour scanner la tombe. 

Des précisions sur la mission #ScanTutProject ont été également apportées par le Dr Yasser El-Shayb. Il a fait part d'une proposition de la Faculté d'Ingénierie de l’Université du Caire, qu'il représente à la Conférence : l’utilisation d’autres technologies, telles que la technique Impact-Echo, le 3D Mapping-Scanning, le GPR (Ground Penetrating Radar, radar à pénétration de sol).

Zahi Hawas a ensuite fait son retour "officieux" sinon "officiel" : "Je ne suis pas venu pour attaquer qui que ce soit" a-t-il affirmé d'entrée. Ce qui ne l'a pas empêché de fustiger le rôle des médias, leur reprochant de détourner une théorie incertaine en une réalité ne reposant sur : "aucun fondement scientifique". Il a d'ailleurs souhaité que cesse ce cirque médiatique. 

Revenant sur sa longue carrière, il a affirmé ne jamais avoir, pour sa part, basé ses conclusions sur les résultats de radars. Il a également regretté que les résultats du radar japonais de Watanabe ne soient lisibles que par des systèmes japonais, soulignant qu'il aurait aimé qu'ils puissent l'être par l'ensemble de la communauté scientifique. Il a d'autre part proposé de tester préalablement les nouveaux radars, dans d'autres tombes, avant de débuter les analyses dans la KV62.

Il a enfin émis la proposition que soit formé un comité d'experts indépendants du ministre, et qu'aucune information sur les investigations ne soit diffusée avant que son exactitude ne soit avérée…
Photo : ministère des Antiquités

Tout comme le premier colloque (10 au 14 mai 2015) qui avait abordé le transfert et la présentation du trésor de Toutankhamon dans l'enceinte du GEM, cette seconde édition a été dense et fructueuse. Elle a visé, dans un premier temps, à mieux connaître et mieux préserver l'immense trésor du jeune pharaon qui sera exposé au GEM, dans une galerie de plus de 7000 m² qui devrait ouvrir en 2018. 

Puis, dans un deuxième temps, elle a fait un point nécessaire sur l'actualité touchant la KV 62. Les interventions de cette dernière journée étaient très attendues, d'une part par les révélations escomptées – voire espérées – et d'autre part par la personnalité des "acteurs" en présence qui ne pouvait qu'en assurer le retentissement.

En conclusion, le Dr. Khaled Al-Anani s'est prononcé sur la nécessité de poursuivre les travaux de sondage dans la tombe de Toutankhamon, avec l'apport des différentes techniques scientifiques modernes, dont les radars. L'objet de ces investigations est de déterminer dans quelle mesure il y a ou non des espaces autour de la chambre funéraire du roi. Il a par ailleurs fermement insisté sur le fait qu'aucun forage ne sera effectué : "si l’on n’est pas certain à 100% de l’existence d’un 'vide' à côté de la tombe”.

Si ce colloque n'a pas apporté les révélations tant attendues, il a toutefois prouvé plusieurs choses : l'extrême professionnalisme des intervenants et leur attention affirmée de sauvegarder, par tous les moyens techniques, la richesse du patrimoine trouvé dans la tombe et la tombe en tant que telle. Il a également apporté la preuve que le ministre actuel travaille avec une grande ouverture d'esprit et qu'il a bien l'intention de conjuguer avec intelligence l'ensemble des compétences.

Marie Grillot, Marc Chartier et Hicham Essam el-Din correspondant ÉA au Caire

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