vendredi 13 mai 2016

Les artisans de Pharaon et leurs "propres" demeures d'éternité : le ministre Khaled El-Enany inaugure trois nouvelles tombes à Deir el-Medineh

Tombe TT 218 - Amennakht - photo Ayman Amer

Le 30 mars 2016, lors de sa première visite sur la rive ouest de Louqsor en tant que ministre des Antiquités, Khaled el-Enany était venu à Deir el-Medineh, afin de voir l'état d'avancement de la restauration et de l'aménagement de trois tombes devant être ouvertes au public. 
Le ministre est resté plus d'une heure sur le site - Photo Ayman Amer

Le service des Antiquités ayant effectué les derniers équipements et agencements nécessaires à l'accueil des visiteurs, le ministre a pu procéder, le 13 mai, à leur inauguration officielle. Il était accompagné de nombreuses personnalités, parmi lesquelles le Dr. Mahmoud Afify, chef du secteur des Antiquités égyptiennes, Mostafa al Saghir, inspecteur chef des Antiquités sur la rive ouest de Louqsor, … mais aussi de deux responsables du musée du Louvre, Jean-Luc Martinez, président-directeur, et Vincent Rondot, du département des antiquités égyptiennes.

Dans son discours,  il a précisé que la restauration des tombes de Deir El-Medina a été mise en oeuvre avec la collaboration de l'Institut français d'études orientales (IFAO ). Il a également souligné que  : "l'ouverture de ces tombes s'inscrit dans le cadre des efforts du ministère des Antiquités pour protéger le patrimoine de l'Égypte et ouvrir de nouveaux sites archéologiques afin de promouvoir le tourisme".

Et, c'est sous un soleil écrasant, qu'il a, d'une certaine façon redonné vie aux demeures d'éternité de trois serviteurs de la "Place de Vérité".

Dans l'antiquité, Deir el-Medineh était appelé Set Maât (la "Place de Vérité") : là vivaient les artisans qui travaillaient au creusement et à la décoration des demeures d'éternité de la Vallée des Rois et de la Vallée des Reines. Dans sa nécropole, jusqu'à présent, seules quatre tombes étaient ouvertes : Sennedjem (TT 1), Inerkhaou (TT 359), Pached (TT 3) et Irinefer (TT 290).
2 photos du haut : TT218 - Amennakht
en bas à g. : TT 219 - Nebenmaat
en bas à dr. : TT 220 - Khaemter photos © Ayman Amer (IFAO)

Il est désormais possible de visiter la TT 218 - tombe d'Amennakh, la TT 219 - tombe de Nebenmaat et TT 220 - tombe de Khaemter. Situées dans la nécropole de l'ouest et trouvées par Bernard Bruyère en 1928, elles datent de la XIXe dynastie, règne de Ramsès II). Contiguës, elles appartiennent à des membres d'une même famille : "Amennakht, son fils Nebenmaât et son petit-fils Khaemter disposent ainsi de trois caveaux bénéficiant de parties communes et de trois chapelles de surface contiguës (TT 218-219-220)." (osirisnet.net)
TT 218 - photo du ministère des Antiquités

La tombe d'Amennakht - TT 218 - "serviteur de la Place de Vérité" possède 2 caveaux. Elle est de type "polychrome" et sa riche iconographie a conservé ses belles couleurs. On trouve de très belles scènes principalement d'adoration, d'offrandes ou de rites funéraires. Sur l'un des tympans, la vache céleste ‘meh-urit’, appelée aussi 'l'œil de Ré', apparaît sous la forme de la déesse Hathor, la maîtresse de l'Amanti, avec devant elle, un faucon. En dessous, de chaque côté, des scènes déclinées sous un palmier doum. D'un côté, le défunt, vêtu d'un pagne blanc plissé est agenouillé sous un palmier bien plantureux, boit l'eau bleue d'un bassin. Derrière lui, lui tournant le dos, une femme, joliment vêtue de lin blanc plissé, parée de collier et de bracelets, se tient debout, les bras levés en signe d'adoration. De l'autre côté, sous un palmier, beaucoup plus fin, presque "féminin", se trouvent deux femmes, aux longues chevelures brunes frisées. Il s'agit de la femme du défunt qui est agenouillée, alors que sa fille est debout, en adoration. Les bandes de textes verticales sont écrites en noir et se détachent sur un fond ocre. 

Une autre scène, très intéressante, représente Osiris assis avec derrière lui, un faucon et l'œil ‘oudjat’ qui émerge de la montage thébaine en portant un brasero. En dessous, une scène, très bien composée, réunit trois membres de la famille du défunt en adoration. Et enfin, une scène très touchante où Anubis a ses deux mains posées sur la momie qui repose sur un lit de momification. Elle est protégée aux pieds par Isis et au niveau de la tête par Nephtys qui sont représentées sous la forme de deux milans. "Pourquoi avoir choisi ces rapaces comme icône des déesses ? Peut-être parce que leurs stridulations rappellent les lamentos orientaux qui, coupés de cris aigus, ne devaient pas manquer d'accompagner les veillées funèbres. Conformément au mythe osirien bien connu, les sœurs veillent sur le défunt, nouvel Osiris, comme elles ont veillé sur leur frère (et mari pour l'une, amant pour l'autre) Osiris mort." (Thierry Benderitter - osirisnet.net).
TT 219 - photo Ayman Amer

La tombe de Nebenmaât - TT 219 - associe une chapelle polychrome à un caveau monochrome et elle est ainsi la première de ce type à être ouverte. Bernard Bruyère, le 'grand découvreur" de Deir el-Medineh, définit ainsi ce type de tombe : "On appelle 'tombes à décoration monochrome' les vingt-deux monuments funéraires qu'on ne retrouve nulle part ailleurs qu'à Deir el-Medineh, dans lesquels les silhouettes qui ornent les parois sont réalisées en ocre jaune sur fond blanc, tandis que l'emploi du noir et du rouge se restreint au cerne des représentations, au détail interne des figures et des objets et au tracé des inscriptions hiéroglyphiques." Ses murs offrent de très belles scènes. Parmi elles, celle du rituel d'ouverture de la bouche, qui est différente de celles qui se trouvent dans d'autres tombes du village. Anubis est penché sur la momie qui repose sur un lit de momification. Sous la couche, une série de vases très élégants, ainsi qu'un : "miroir à manche, symbole de la beauté hathorique, destiné à stimuler les ardeurs génésiques du défunt". Les bandes de textes sont noires sur fond blanc. La scène est surmontée par une belle déesse Isis agenouillée, qui étend ses ailes protectrices et dont la taille est délicieusement et doublement ceinte d'un ruban rouge dont les pans tombent à terre.
TT 220 - photo Ayman Amer

Quant à la tombe de Khaemter - TT 220 -, elle est monochrome et en moins bon état, avec notamment de grands manques sur les parois et au plafond. Sur l'un des tympans, une scène très intéressante et parfaitement symétrique : deux Anubis dont la tête manque en partie, le cou ceint d'une étoffe, se font face. Au centre, un pot surmonté des 3 lignes ondulées valant pour "Noun" (l'océan primordial d'où le monde est sorti), lui-même surmonté du signe 'shen', symbole d'éternité. En dessous, occupant environ un quart de la paroi, se trouve un curieux pilier Djed. Il est muni de deux bras portant des vases qui déversent de l'eau alors qu'à l'intérieur de son (ses) coude(s), une belle croix de vie 'ankh' est accrochée. Sur l'autre partie de la paroi, le défunt (en Osiris) est assis, avec derrière lui, debout, la déesse Isis. Ils sont face à une table portant de la nourriture.
Le village de Deir el-Medinah - photos Marie  Grillot et Ayman Amer

Ces trois tombes nous offrent un nouvel aperçu de l'expression et de la sensibilité des artisans - artistes - de la Place de Vérité.Nul doute qu'elles raviront les yeux des visiteurs… tout comme ne manquera pas de le faire la tombe de Djehouty (TT 110), ouverte ce même jour dans la nécropole de Cheikh Abd El-Gournah.

marie grillot & Ayman Amer (IFAO)




Reportage de Luxor Times

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