dimanche 15 mai 2016

15 mai 1826 : création de la division égyptienne du musée du Louvre avec Champollion à sa tête

Portrait de JF Champollion, par Mme de Rumilly (musée Champollion, Vif)
Ostracon au profil royal (N 496 par acquisition de la Collection Drovetti)
Statuette en bois peint et doré de Dame Nay (N 871- par acquisition de la Collection Salt)
Salle funéraire du musée Charles X (gravure parue dans le guide d’A.Joanne, 1863)

Au printemps 1826, Jean-François Champollion séjourne à Livourne, en Italie. En effet, après beaucoup d'hésitations et tergiversations, le roi Charles X a enfin ratifié, en février 1826, l'achat de la collection d'antiquités égyptiennes constituée par le consul Henry Salt au prix demandé de 250.000 francs et il a mandaté Jean-François Champollion pour dresser un inventaire descriptif des 4014 objets.

Alors qu'il est en plein travail, son frère Jacques-Joseph l'informe le 17 mai, qu'une ordonnance du roi a été promulguée le 15 mai, instituant la création de la division égyptienne du Musée royal du Louvre et qu'il en est nommé conservateur.

On imagine sa joie, car il l'avoue : "il a fallu combattre l'enfer, le purgatoire, l'amenti, les limbes et le tartare tout entier pour en venir là" ! En effet, Champollion n'a pas que des amis et Jomard qui bénéficiait de nombreux appuis, convoitait la place !

De retour à Paris, il prend possession des lieux : "J'ai une magnifique salle au rez-de-chaussée pour mes grosses pièces et quatre salles au premier étage du Palais. Me voilà donc bientôt au milieu des peintres, architectes, maçons…"

Pour la conception de ce nouvel espace d'exposition, Champollion déborde d'idées… S'il ne parvient guère à imposer ses vues sur la question de l'aménagement, pour lequel il ne veut : "ni marbres ni décoration à la romaine ou à la grecque", mais une imitation de l'art égyptien, il met à profit l'expérience acquise à Turin pour organiser l'exposition des œuvres selon des conceptions muséologiques rigoureuses. 

Louvre - Ancienne façade du côté de la rivière exécutée sur le dessein de Le Veau (dessin daté de 1160) 

"Architecture françoise" - Tome 4 - Livre 6 - publié en 1756


En rupture avec les pratiques antérieures, il opte pour un parcours thématique, identifie chaque objet par une étiquette et rédige, pour éclairer les visiteurs, une "Notice descriptive des monuments égyptiens du musée Charles X". Ce guide sommaire doit permettre au visiteur de trouver la description du monument qu’il a sous les yeux, avec des explications précieuses, car ces objets sont alors totalement inconnus du public parisien de l’époque. Il a pour but d’aider à aborder la civilisation égyptienne, à identifier les rois et les dieux, à établir la chronologie des pharaons, à comprendre les principes de l’écriture hiéroglyphique que Champollion vient de découvrir, en un mot à lever le voile sur trois mille ans d’histoire. 

"Le premier fonds égyptologique du Louvre est modeste : il ne comprend que quelques statues des collections royales, entrées sous la Convention en 1793 ; seize objets ont été acquis par Louis XVIII. A l'avènement de Charles X, peu de sculptures sont exposées… Avant même la création de la section égyptienne, Champollion œuvre pour que l'art égyptien, jusque là relégué au rang de curiosité, soit reconnu à part entière" (Christiane Ziegler, "L'Égypte ancienne au Louvre").

Cintre de la stèle d'Ousirour, prêtre d'Amon à Thèbes - Époque ptolémaïque

N 297 par acquisition de la Collection Durand 


Ainsi, dès 1824, avait-il été consulté pour ce qui sera la "première grande acquisition" du département : la Collection Edme Durand, forte de 2500 pièces.

En novembre - décembre 1826, il réceptionne, à Paris, la Collection Salt (4014 pièces). Puis, l'année suivante est acquise la seconde Collection Drovetti (1970 pièces). 

Ces trois collections constitueront le véritable "fonds" de la division de ce nouveau musée qui sera inauguré le 15 décembre 1827.

"L'inauguration du musée Charles X par le roi et sa cour, prévue à l'origine le 4 novembre 1827, jour de la Saint-Charles, fut reportée au 15 décembre car les plafonds peints par Ingres et Gros n'étaient pas terminés" (Introduction à la nouvelle édition de 2013 de la "Notice descriptive des monuments égyptiens du musée Charles X, Jean-François Champollion"). Le musée connaîtra, très rapidement, un immense succès…

Statue de Karomama, "divine adoratrice d'Amon" - Bronze incrusté d'or rose, d'argent, d'électrum - XXIIe dynastie

Provenant vraisemblablement de Thèbes - Acquise par Jean-François Champollion, en Égypte, en 1829

 

D'autre part, en juillet 1827, les grandes lignes de l'expédition franco-toscane en Égypte ont été mises sur papier. Jean-François Champollion et Ippolito Rosellini et leurs équipes auront pour missions, non seulement de visiter les monuments de l'Égypte antique, mais aussi d'acheter des objets pour les collections royales. Champollion aura à cœur de rapporter de nombreux objets pour enrichir "son" musée. Ainsi, le 26 décembre 1829 écrit-il au Baron de la Bouillerie : "J'ai réuni aussi une collection d'objets choisis d'un grand intérêt, parmi lesquels se trouve une statuette de bronze, d'un travail exquis, entièrement incrustée en or, et représentant une reine égyptienne de la dynastie des Bubastides. C'est le plus bel objet de ce genre." Il s'agit de l'une des pièces les plus emblématiques du département égyptien : la "grande statuette en bronze de la divine adoratrice Karomama" qui : "faisait partie de la collection rassemblée à Alexandrie par Yanni Athanasi", l'ancien collaborateur de Salt.

Paris. Musée du Louvre. Aile Sully. Salle du département des Antiquités égyptiennes - 1850-1900

source de numérisation  : Ville de Paris / BHVP


Que ce soit par acquisitions, par dons, et bien plus généralement par le partage des fouilles, le département égyptien du Louvre n'a cessé depuis de s'enrichir. Avec plus de 55.000 pièces, il est très certainement, après le Musée du Caire, et avec Londres et Turin parmi les plus riches en antiquités pharaoniques.

marie grillot

sources :
La moisson des Dieux, Jean-Jacques Fiechter, Julliard, 1994
Champollion, une vie de lumières, Jean Lacouture, Grasset, 1988
Notice descriptive des monuments égyptiens du musée Charles X, Jean-François Champollion - édition établie par Sylvie Guichard, éditions Khéops, Louvre éditions, 2013
L'Egypte ancienne au Louvre, Guillemette Andreux, Marie-Hélène Rutschowscaya, Christiane Ziegler, Hachette, 1997

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