mardi 31 mai 2016

Dans le trésor d'Ahhotep, un riche collier d'or à multiples rangs

Collier ousek en or de la reine Ahhotep I découvert par le service des antiquités sous la direction d'Auguste Mariette 
en février 1859 à Dra Abou el-Naga (rive ouest de Louqsor) 
Nouvel Empire (début XVIIIème dynastie) - Musée Egyptien du Caire - JE 4725 - CG 52072 

Des faucons, des lions ou tigres, des bouquetins ou antilopes, des chats ou chacals, des uraeus ailés, des vautours, des fleurs, des croix, des clochettes, … Cela ressemble  presque à un "inventaire à la Prévert"… Mais tous ces éléments, en or repoussé, se retrouvent dans ce merveilleux collier "ousekh" de la Reine Ahhotep I. Il a une grâce, une élégance, une finesse, qui devaient magnifier  la majesté de la reine.

Il est, précisément et méthodiquement décrit par Emile Vernier dans son catalogue "Bijoux et orfèvreries", sous la référence CG 52072 :

"Un collier ouaskhit composé de quatorze rangs de petites pièces. Ces rangs ont pour point de fixation deux têtes de faucons et un rang horizontal de vingt petites pièces qui sont des demi-perles entourées d'un listel plat ; elles sont seules dans leur genre et elles seront nommées perle dans la suite de la description. 
Les quatorze rangs sont composés ainsi qu'il suit, en commençant par les rangs intérieurs : 
1 - Huit pièces de métal uni et plat; elles ont la forme de fers de lance, et la partie opposée à la pointe est pourvue d'un maillon de charnière. 
2 -  Vingt perles. 
3 - Des lions poursuivant des bouquetins, onze pièces, cinq lions, six bouquetins. 
4 - Vingt-huit perles. 
5 - Dix-huit chats (?). 
6 - Trente-six perles. 
7 - Dix-neuf uraeus ailés. 
8 - Sorte de lacis de corde, dix-huit pièces. 
9 - Quinze vautours. 
10 - Vingt-sept pièces semblables au n° 8. 
11 - Seize antilopes, quatre bouquetins. 
12 - Dix lions et quatre bouquetins. 
13 - Trente-quatre petites croix 
14 - Quarante et une clochettes ou schémas de lotus. Ces pièces sont, avec les têtes de faucons, les seules qui ont deux faces; elles sont munies d'un anneau qui indique des pendeloques. Toutes les autres possèdent un ou plusieurs anneaux placés dans les cavités données par les reliefs quand on regarde les objets au revers. 
En tout 336 pièces". 

Collier ousek en or de la reine Ahhotep I découvert par le service des antiquités sous la direction d'Auguste Mariette
en février 1859 à Dra Abou el-Naga (rive ouest de Louqsor)
Nouvel Empire (début XVIIIème dynastie) - Musée Egyptien du Caire - JE 4725 - CG 52072
Essai de reconstitution dans le "Catalogue du musée du Caire - Bijoux et orfèvreries" d'Émile Vernier 

Il apporte, en outre, une importante précision : "Ce collier a été constitué par tâtonnements successifs. Il n'y a pas de certitude quant à la place exacte des éléments; il est même assez difficile de comprendre le rôle joué par les têtes de faucons." 

Quant à Gaston Maspero, il le présente ainsi, sous le n° 3564, dans le "Guide du visiteur au musée de Boulaq", 1883 : "Un des chapitres du Livre des Morts ordonnait de déposer sur la poitrine de la momie un large collier d'une forme particulière (ouoskh). Toutes les pièces réunies sous le numéro 3564 faisaient partie d'un collier de ce genre que portait la reine Ahhotpou. Les deux agrafes sont formées chacune d'une tête d'épervier; les rangs sont composés de cordes enroulées, de fleurs à quatre pétales en croix, d'antilopes poursuivies par des lions, de chacals accroupis, d'éperviers, de vautours et d'uraeus ailées. Toutes les pièces sont en or repoussé. Elles étaient cousues sur le maillot de la momie au moyen d'un petit anneau soudé par derrière".
Collier ousek en or de la reine Ahhotep I découvert par le service des antiquités sous la direction d'Auguste Mariette
en février 1859 à Dra Abou el-Naga (rive ouest de Louqsor)
Nouvel Empire (début XVIIIème dynastie) - Musée Egyptien du Caire - JE 4725 - CG 52072

Ce collier a effectivement été reconstitué, "ré-enfilé", ceci, sans certitude aucune que le résultat soit conforme à son aspect initial… Nous remarquons par ailleurs, sur les différents dessins ou photos, qu'au fil des années, le positionnement des pièces et pendeloques a été modifié.

L'imposant cercueil de bois doré de la reine Ahhotep I a été découvert, le 5 février 1859, couché à même le sable, dans un trou de 5 à 6 mètres de profondeur à Dra Abou el-Naga, sur la rive ouest de Louqsor.

V. Galli Maunier, prêteur sur gage et antiquaire dans cette ville à ainsi informé le directeur des travaux d'antiquités d'Egypte : "Mon cher Monsieur Mariette, j'ai le plaisir de vous donner avis que vos reys de Gourneh ont trouvé à Dra Abou-Naggi, une magnifique boîte de momie … au couvercle entièrement doré … les yeux sont en émail enchâssés dans un cercle d'or ; sur la tête est un serpent uréus en relief, malheureusement le tête du serpent manque, elle devait être en or à en juger à la richesse de la boîte…". La momie de la reine y reposait, accompagnée d'un magnifique trousseau funéraire.
Cercueil de la reine Ahhotep découvert par le service des antiquités sous la direction d'Auguste Mariette 
en février 1859 à Dra Abou el-Naga (rive ouest de Louqsor) 
Nouvel Empire (début XVIIIème dynastie) - Musée Egyptien du Caire - CG 28501 
Photo de Théodule Devéria 

Auguste Mariette ordonne alors que l'ensemble lui soit renvoyé  : "tout de suite à Boulaq par un vapeur spécial ; malheureusement, avant réception de cette lettre, le gouverneur de la province avait fait ouvrir le cercueil, par curiosité ou par zèle malentendu, on ne sait trop... On avait jeté comme de coutume la toile et les ossements pour ne conserver que les objets ensevelis avec la momie" relate Théodule Devéria, proche collaborateur de Mariette, qui était près de lui lors de ces incroyables évènements. Il poursuit ainsi son récit : "Munis d'un ordre ministériel conférant le droit d'arrêter tous les bateaux chargés de curiosités, et de les transborder sur notre vapeur, nous partîmes hier matin pour croiser sur le Nil, aussi haut que le manque d'eau nous permettrait d'aller. A peine arrivés au terme de ce que le Samanoud pouvait faire de route, nous aperçûmes venant à nous le bateau qui portait le trésor enlevé à la momie pharaonique. Au bout d'une demi-heure les deux vapeurs s'abordaient. Après force pourparlers accompagnés de gestes un peu vifs, M. Mariette propose à l'un de le jeter à l'eau, à un autre de lui brûler la cervelle, à un troisième de l'envoyer aux galères et à un quatrième de le faire pendre, etc. On se décida enfin à mettre à notre bord, contre reçu, la boîte contenant lesdites antiquités".

Si comme le relatera plus tard Gaston Maspero : "la momie fut déshabillée dans le harem du moudir" et sera perdue à jamais, ce qui reste du trésor représente - quand même - plus de deux kilos d'or…  
Auguste Mariette, égyptologue
(12 février 1821, Boulogne-sur-Mer - 18 janvier 1881, Le Caire)

C'est, on imagine, avec une immense fierté que, quelques semaines plus tard, Auguste Mariette pourra présenter le trésor aux  : "membres du tout jeune Institut égyptien (ndlr nom "transitoire" de l'Institut d'Egypte) lors de sa première véritable première séance. Il les présentera également, à Paris, le 26 août 1859, lors d'une séance à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres. "Ils provoquèrent suffisamment de curiosité chez l'empereur Napoléon III pour que ce dernier décide de les faire photographier" !

Quelques années plus tard, en 1862, le trésor d'Ahhotep sera exposé à l'Exposition universelle de Londres. Puis, en 1863, lorsqu'est ouvert le premier musée d'antiquités égyptiennes à Boulaq, bracelets, colliers, armes, barques, ... peuvent enfin être exposés dans les vitrines pour le plus grand plaisir des visiteurs. 
En 1867, certaines pièces du trésor retourneront à Paris afin d'être présentées dans le Pavillon égyptien de l'Exposition universelle … 

marie grillot

sources :
Guide du visiteur au musée de Boulaq, Gaston Maspero, 1883
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6305105w.texteImage
Guide du visiteur au Musée du Caire, Gaston Maspero, 1902, Institut français (Le Caire) 
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57248808.r=gaston+maspero.langFR
L'archéologie égyptienne  Gaston Maspero, 1887 
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k331686.texteImage
Bijoux et orfèvreries. Fascicule 3,Numéro 52640-53171 / par M. Émile Vernier, 1907-1927 
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f18.item.r=52658.texteImage
Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1981 Volume 125 Numéro 3 pp. 487-496, Leclant, Jean
http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1981_num_125_3_13870
Album du musée de Boulaq : comprenant quarante planches, photographiées par MM. Delié et Béchard ; avec un texte explicatif par Auguste Mariette-Bey, éditeur : Mourès (Le Caire)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626090c/f15.image.r=auguste+mariette.langFR
Catalogue du musée du Caire - Bijoux et orfèvreries - Fascicule 2, Émile Vernier, Ifao le Caire, édition 1907-1927
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f18.item.r=52658.texteImage
Les reines du Nil, Christian Leblanc, bibliothèque des introuvables, 2009
Mariette Pacha, 1821-1881, Elisabeth David, Pygmalion, 1994
Égypte, Gaston Maspero, collection Ars Una, 1912
Mariette Pacha, 1821-1881, Elisabeth David, Pygmalion, 1994
Mariette Pacha, Claudine Le Tourneur d’Ison, Plon, 1999
Des dieux, des tombeaux, un savant : en Egypte sur les pas de Mariette pacha, somogy, éditions d'art, 2004
Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Francesco Tiradritti 
Entre réforme sociale et mouvement national: Identité et modernisation en Egypte (1882-1962), Alain Roussillon
https://books.google.fr/books?id=BvkZCwAAQBAJ&pg=PA278&lpg=PA278&dq=plus+puissant+que+moi+à+Boulaq&source=bl&ots=wLIU4o5Fxm&sig=ACfU3U1KMocxqgFBut-JuEGyeKzXub8ANA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiOmc-
Mémoires et fragments de Théodule Devéria, Gaston Maspero, Gabriel Devéria, 1896
Editions Leroux, Paris
https://archive.org/details/mmoiresetfragme00maspgoog/page/n14/mode/2up


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