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| Amphores de g. à dr. : 206 (vin de grenade (?) - domaine d’Aton du fleuve de l’Ouest), 413 (vin doux - domaine d’Aton vie !), 560 (vin - domaine de Toutankhamon vie!) photos Harry Burton |
Outre le fait qu’elle comporte un ensemble de 12 chambres et qu’elle était destinée à un roi-scorpion, la tombe U-j à Abydos, fouillée par l'archéologue allemand Gunter Dreyer, a une autre particularité : deux de ses pièces annexes étaient une cave, où ont été découvertes 700 jarres à vin (4 500 litres!).
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| Amphores dans la tombe de Toutankhamon Photo Harry Burton |
Pour son royal breuvage comme “provision de route” vers l’au-delà, Toutankamon est resté plus modeste. Certes, dans son matériel funéraire, on a découvert un somptueux bric-à-brac de 5398 objets. Mais le nombre de récipients vinaires y était de loin inférieur à celui mentionné pour la tombe U-j : "trois douzaines” selon Howard Carter, "25 amphores soigneusement bouchées" selon Pierre Tallet, "24 munies de deux anses et pouvant mesurer jusqu’à 80 cm de haut ; les autres, au moins 5, n’ayant qu’une seule anse et plus petites (environ 50 cm)" selon Nicholas Reeves.
Destinées à accompagner quarante-huit boîtes contenant de la viande dûment préparée, ces jarres comportent pour la plupart de précieuses inscriptions écrites à l’encre en hiératique, mentionnant la nature du contenu, son origine (vignoble, maître de chai) et son “millésime”.
Nature du contenu : nous y reviendrons ci-après.
Origine et date de production : par exemple, "An V, vin du domaine d’Aton, du ‘fleuve de l’ouest’, le supérieur du vignoble, Any” ; “An V vin doux du domaine d’Aton, de Qarban(a), le supérieur des vignerons” ; “An IV, vin doux du Domaine d'Aton, vie, prospérité, santé, du fleuve de l'Ouest - Vigneron : Kha"...
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| 508 : vin domaine de Toutankamon - 509 : vin domaine d'Aton du fleuve de l'Ouest 516 et 541 : vin domaine de Toutankhamon photos : Harry Burton |
"Certaines (amphores), précise Pierre Tallet, dataient de l'année de la mort du pharaon (an 9), tandis que d'autres portaient mention des années 4 et 5 du règne, ce qui indique qu'elles renfermaient du vin déjà vieux de 4 ou 5 ans. Enfin, dans ce lot, il est intéressant de relever la présence de deux amphores sans doute fermées sous des prédécesseurs de ce roi. La plus ancienne, portant la date de l'an 31 du pharaon Amenhotep III - grand-père du jeune roi -, devait avoir, lorsqu'elle fut placée dans la tombe de Toutânkhamon, au moins 37 ans. Ceci indique sans ambiguïté que l'on attendait du vin un certain vieillissement - on note d'ailleurs que les vins 'spéciaux' nedjem, nefer, ou shedeh) semblent mieux représentés au sein des amphores que l'on avait fait vieillir."
Quant à l’origine, rappelle Nicholas Reeves, "Carter déduisit (des) suscriptions que soixante-huit pour cent des vins du roi provenaient du 'domaine de l’Aton', à peine cinq pour cent des temples d’Amon, et près de vingt-sept pour cent des vignobles royaux."
"Ce cellier, écrit pour sa part Marc Gabolde, devait refléter assez fidèlement le contenu de la cave royale. Plusieurs sortes de vins y étaient conservées, dont certains étaient assez anciens. On comptait ainsi une jarre remontant à l’an XXXI d’Amenhotep III, qui avait donc à la mort de Toutankhamon environ trente-cinq ans d’âge et une autre de l’an X d’Akhenaton provenant d’un cru des oasis qui avait alors dix-neuf ans."
Les inscriptions portées sur la panse des jarres apportent également d’autres indications sur la durée du règne du défunt souverain, ainsi que sur les procédés de fermentation et de conservation du vin dont la longévité était garantie par l’utilisation d’un produit résineux à l’intérieur des poteries pour en assurer l’étanchéité.
Reste une question dont on comprendra l’importance "primordiale" : Toutankhamon préférait-il le vin rouge ou le vin blanc ? Il semble en tout cas qu’il avait un penchant pour les vins liquoreux, dont l’un portait l’appellation de "chedeh", mais : "dont le procédé de fabrication, écrit Marc Gabolde, est encore l’objet de débats". Sans doute était-il fabriqué à partir de plusieurs produits fortement alcoolisés et très sucrés (du miel ?) : cet "oenomel", ajoute Marc Gabolde : "boisson la plus prestigieuse, était le nectar festif par excellence de Toutankhamon".
Oui, mais… blanc ou rouge ? Deux scientifiques espagnoles entrent ici en scène : Rosa Lamuela-Raventós, de l'université de Barcelone, et Maria Rosa Guasch-Jané. Elles ont tout d’abord recherché, avec succès, dans les résidus extraits de jarres mis à leur disposition par le British Museum et le Musée égyptien du Caire des traces d'acide tartrique, un composé utilisé comme marqueur du vin en archéologie.
Ce résultat positif acquis, restait la question de la couleur de l’antique boisson. Utilisant la chromatographie en phase liquide et la spectrographie de masse, la première technique séparant les différents éléments tandis que la seconde les identifie, elles ont réussi à détecter, dans les prélèvements analysés, la présence d'acide syringique, caractéristique du vin rouge.
Poursuivant leurs analyses, les deux expertes sont parvenues à détecter également, dans les résidus d’autres jarres, la présence des marqueurs du vin blanc, ce qui représentait une réelle découverte, vu l’absence de tout texte faisant référence à des vins blancs durant la période dynastique.
Conclusion des débats : le jeune et célébrissime pharaon enseveli dans la KV62 avait le palais suffisamment fin pour apprécier les meilleurs crus, sans distinction de couleur, des vignes de son royaume. Sa sépulture était toutefois plus abondamment approvisionnée en vin rouge : "symbole, nous dit-on, de la renaissance après la mort, par comparaison avec le sang d’Osiris". Quant à la symbolique du vin blanc ? Les égypto-oeno-logues ne sont, semble-t-il, pas encore en mesure de donner une nouvelle actualité à la célèbre locution "in vino veritas"...
Marc Chartier
sources :
Nicholas Reeves, Toutankhamon - Vie, mort et découverte d’un pharaon, éditions Errance, 2003
Marc Gabolde, Toutankhamon, Pygmalion, 2015
Howard Carter, The Tomb of Tutankhamun : Volume 3: The Annexe and Treasury, 2014
Pierre Tallet, “Une boisson destinée aux élites : le vin en Égypte ancienne”, in : Pratiques et discours alimentaires en Méditerranée de l'Antiquité à la Renaissance. Actes du 18ème colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer les 4, 5 & 6 octobre 2007. Paris : Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 2008. pp. 39-51. (Cahiers de la Villa Kérylos, 19)
http://www.inrap.fr/dossiers/Archeologie-du-Vin/Histoire-du-vin/Protohistoire-Pratiques-funeraires#.Vu0k0hLhCjQ http://ludovic8313ter.skyrock.com/3258901476-Dossier-n-5-Archeologie-7eme-partie.html





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