Cette paire de bracelets, portant le nom de Ramsès II, a été découverte, au début du XXe siècle, dans l'actuelle Tell Basta, l'ancienne "Bubastis". La situation géographique de la cité, "sur une zone de confluence entres les branches Tanitique (ou Bubastite) et pélusiaque du Nil", en a fait, dès l'antiquité, l'un des carrefours les plus importants de l'Est du Delta.
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| Localisation de Tell Basta, l'ancienne Bubastis : "sur une zone de confluence entres les branches Tanitique (ou Bubastite) et pélusiaque du Nil" |
Bubastis est également connue sous le nom de "Per-Bastet (le Domaine de Bastet), nommé dans les temps anciens comme la maison du culte de la déesse chat Bastet, une fille du dieu soleil qui a pris la rôle d'une déesse-mère protectrice et était associée à la fertilité". Hérodote rapporte que : "lors de la fête annuelle de la déesse Bastet, environ 700 000 pèlerins égyptiens visitaient le site" !
Si la cité a été en activité de l'Ancien Empire (IVe dynastie) à la fin de la Période romaine, c'est au cours de la Troisième Période intermédiaire qu'elle a atteint son apogée.
Les ruines d'aujourd'hui ont bien du mal à témoigner de sa longue histoire et de son importance stratégique et religieuse.
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| Ruines du temple de Bastet à Bubastis -Tell Basta |
Outre le temple dédié à Bastet qu'Hérodote décrit comme étant "entouré sur trois de ses côtés par une large pièce d'eau que l'on peut restituer comme étant un lac en forme de croissant de lune", ses principaux monuments consistaient notamment en un autre temple, dédié à Atoum, ainsi qu'en un grand palais de briques crues.
Les premières fouilles y seront menées en 1888 par Edouard Naville, pour l'Egypt Exploration Found.
Mais la découverte des "Trésors de Tell Basta" aura lieu quelques années plus tard, dans un cadre nettement moins "scientifique"… L'histoire prend place, les 22 septembre et 17 octobre 1906, lors des travaux de construction de la voie ferrée devant relier Mansoura au Caire.
Dans ses "Essais sur l'art égyptien", Gaston Maspero relate les faits dans le chapitre intitulé "Le trésor de Zagazig" : "Une fois de plus, le hasard nous a bien servis. Des ouvriers qui pratiquaient un remblai de voie ferrée près de Zagazig, sur l'emplacement de l'ancienne Bubastis, découvrirent, le 22 septembre 1906, dans les ruines d'une maison en briques, un véritable trésor de bijoux et d'orfèvreries égyptiennes. Ils espéraient être seuls à profiter de la trouvaille, mais l'un de nos surveillants les avait vus, sans en rien manifester sur le moment de peur d'être maltraité par eux : le lendemain, il fit son rapport à l'inspecteur indigène, Mohammed Effendi Chaban, qui mit aussitôt la police à leurs trousses et qui prévint son chef, M. Edgar, inspecteur général des Antiquités pour les provinces du Delta".
Bien que certains objets aient déjà été revendus, les perquisitions permirent d'en retrouver la majeure partie …
Et l'histoire ne s'arrête pas là, et se répète même ! … "Le 17 octobre un ouvrier mit a nu d'un coup de pioche plusieurs morceaux de vases en argent : il essaya de les dissimuler, mais nos ghafirs l'en empêchèrent et la fouille continua sous la protection de la police. Les objets gisaient en un tas, l'or entre deux couches d'argent ; le soir même, ils étaient en sûreté."
Les bracelets d'or massif, aux oies au corps de lapis-lazuli de Ramsès II font partie du "premier trésor". Datés de la XIXe dynastie, ils sont d'un travail magnifique qui témoigne de la maîtrise atteinte alors par les maîtres orfèvres. L'or, matériau inaltérable assimilé à la "chair des dieux" diffuse sa blondeur et sa douceur aux côtés du lapis-lazuli, pierre semi-précieuse importée d'Afghanistan dont "le bleu profond pailleté de métal évoquait le ciel nocturne étoilé mais aussi l'obscurité des eaux primordiales"…
Leur conception est parfaitement décrite par l'égyptologue Emile Vernier dans le "Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire - Bijoux et orfèvreries", où ils sont présentés sous les numéros d'inventaire CG 52575 et 52576.
"Ce bijou est fait de deux plaques d'or. L'une des deux parties est beaucoup plus importante que l'autre. Elle est décorée de deux oies accolées dont les têtes et les queues sont d'or, ainsi que la partie antérieure et la partie postérieure des corps ; ceux-ci sont confondus et ne semblent appartenir qu'à un seul animal. La partie médiane des corps des oies est faite de lapis-lazuli ; les yeux, d'après le peu qui reste, semblent avoir été faits de céramique.
La décoration se compose, pour la partie la plus importante du bracelet, outre les oies, de demi-joncs, de tresses, et de bandes perlées. Elle est complétée par des fils et des grenailles. Les fils servent à faire des arabesques sur les têtes des oies et à indiquer le schéma des plumes de la queue. Les grenailles sont disposées en triangle ou en rosaces. Des deux côtés de cette plaque principale, près de la charnière, et placées dans le même sens qu'elle, sont des bandes décorées : l'une porte des grenailles, l'autre l'inscription de Ramsès II.
La partie la moins importante est décorée longitudinalement de demi-joncs unis et d'autres striés : il y en a neuf unis et huit striés. Les bandes le long des charnières sont décorées de trois tresses encadrant deux rangs de perles" …
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| Statue de Ramsès II au Temple de Louqsor |
Ces bracelets, qui portent en relief le nom de couronnement de Ramsès II (Ousermaâtrê-Setepenrê), ont-ils réellement appartenu au grand pharaon ?
Dans le "Guide du visiteur au Musée du Caire" (1915), Gaston Maspero le pense et s'exprime ainsi : "Les deux bracelets aux cartouches de Ramsès II (n° 4212-4213) n'étaient pas de la bijouterie pour morts : ils avaient appartenu au souverain lui-même".
Pour Francesco Tiradritti, l'interprétation est différente : "Le fait qu’à côté de la fermeture les cartouches de Ramsès II soient façonnés par repoussé permet de penser que les deux bracelets étaient un don offert par le souverain en personne (les dimensions sont celles d’un bracelet d'homme) à la divinité locale, la déesse chatte Bastet".
Quant à Christiane Ziegler, dans le catalogue de l'exposition "Ramsès le Grand" (Paris, 1976), elle livre cette pertinente analyse : "Au Nouvel Empire, les bracelets, portés par paires, ornaient indifféremment le poignet des hommes, des femmes et des dieux. Plusieurs statues de Ramsès II le représentent avec cette parure … Ces bijoux figurent aussi en bonne place parmi les objets précieux que le roi offre périodiquement aux temples ; des textes nous apprennent que certains d’entre eux ornaient les statues de culte… Les conditions de la trouvaille de Bubastis ne nous permettent pas de déterminer si ces bracelets ont réellement orné le bras du pharaon. Notons simplement que leur dimension autorise à le penser".
Pour Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian, dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire" : "Ces bracelets étaient fort probablement des présents royaux".
Si Gaston Maspero avouait qu'il aurait aimé un peu plus de sobriété dans leur réalisation, il ne pouvait s'empêcher de reconnaître que l'œuvre avait "été conçue avec une entente parfaite de l'ornementation et la maîtrise de tous les secrets du métier".
Après avoir été exposés plus d'un siècle, place Tahrir, dans une vitrine du Musée Egyptien du Caire, auprès de nombreux artefacts de la même provenance, ils ont intégré, en 2021, les collections du NMEC (National Museum of Egyptian Civilization) à Fustat.
marie grillot
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| En 1976, juste le temps d'un instant, les bracelets de Ramsès II avaient été remis aux poignets de sa momie (Fonds documentaire Christian Leblanc, copyright) |
sources :
Gaston Maspero, Essais sur l'art égyptien, E. Guilmoto Editeur, Paris, 1912?
https://archive.org/details/essaissurlartg00maspuoft
Gaston Maspero, Guide du visiteur au Musée du Caire, IFAO, Le Caire, 1915
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57248808.texteImage
Émile Vernier, Catalogue Général des Antiquités Egyptiennes du Musée du Caire, N° 52001-53855, Bijoux et orfèvreries, IFAO, Le Caire, 1927
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5774000v.r=.langFR
Christiane Desroches Noblecourt et alii, Ramsès le Grand, Galeries Nationales du Grand Palais, 1976
Cyril Aldred, Jewels of the Pharaohs, Thames & Hudson Ltd, Londres, 1978
Sydney Aufrère, Jean-Claude Golvin, L'Egypte restituée - Tome 3 - Sites, temples et pyramides de Moyenne et Basse Égypte, Editions Errance, 1997
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte, Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Christine Lilyquist, Treasures from Tell Basta :
Goddesses, Officials, and Artists in an International Age, Metropolitan Museum Journal, v. 47, 2012
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=7&ved=0ahUKEwiFuNjn_JLLAhUGuRoKHbmeABUQFgg7MAY&url=http%3A%2F%2Fresources.metmuseum.org%2Fresources%2Fmetpublications%2Fpdf%2FTreasures_from_Tell_Basta_The_Metropolitan_Museum_Journal_v_47_2012.pdf&usg=AFQjCNHzgm8E734DgzWKoGzhA1fVsLMZ0w&sig2=pa9FNZ6KIh1S-1ktgzHZMw












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