Comme cela avait été annoncé le 23 mars dernier par le Dr. Khaled El-Anany - tout nouvellement nommé à la tête du ministère des Antiquités - , le planning concernant les investigations prévues dans la tombe de Toutankhamon a été maintenu.
On se souvient qu'à la conférence de presse du jeudi 17 mars, l'ex-ministre Mamdouh Mohamed Eldamaty avait, en partie, calmé l'impatience grandissante en annonçant les premiers résultats de l'inspection radar réalisée par l'équipe japonaise les 26 et 27 novembre 2015. Selon ses termes, "les prospections par radar réalisées prouvent l’existence, à 90 % de chances, de deux pièces derrière les parois nord et ouest de la chambre où a été déposé le sarcophage de Toutankhamon. Les résultats des sondages au radar ont également révélé la présence de contenus organiques, peut-être du bois ou des os, ainsi que d’objets métalliques". Toutefois, avait-il ajouté, "les radars actuels ne nous permettent pas de connaître la dimension des espaces vides". L'analyse des résultats avait également révélé l’existence de différentes épaisseurs le long des parois, avec des fractures et des colorations différentes, indiquant que les chambres derrière les murs nord et ouest ont été murées.
"Ces résultats tels que suggérés par le Dr Watanabe (spécialiste japonais en charge des études "radar"), précisait la page Internet du ministère des Antiquités, coïncident avec les éléments complémentaires du plan de masse de la KV 62 proposés récemment par le Dr Nicholas Reeves."
Ainsi le 31 mars, une équipe de recherche internationale a investi la KV 62. Elle était composée des membres suivants : le Dr. Khaled El-Anany, ministre des Antiquités, le Dr Mamdouh Mohamed Eldamaty, ancien ministre des Antiquités, l’égyptologue Nicholas Reeves, le Dr Mahmoud Afifi, chef du département des antiquités égyptiennes, l'ingénieur Adallah Abul Ela, chef du département des projets, le Dr Yasser El Shayeb, professeur adjoint à la Faculté de génie à l’Université du Caire, le Dr Mohammed Abbas, membre du centre de recherches en géophysique, Eric Berkenpas et Alan Turchik, experts en radar à National Geographic. Leur objectif était de mener de nouvelles investigations, au moyen d'un GPR (radar à prospection du sol) extrêmement précis, afin de tenter d'apporter des réponses sinon concrètes, du moins plus précises, aux multiples questions qui se posent…
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| Conférence de presse du 1er avril 2016 - photo Fabienne Ivaldi |
Le lendemain, 1er avril 2016, le Dr. Khaled El-Anany, ministre des Antiquités, et les membres de l’équipe de travail ont rencontré les journalistes et les médias nationaux et internationaux dans un débat ouvert, devant la KV 62, pour annoncer les résultats des prospections menées la veille, qui ont duré plus de dix heures.
L'équipe a confirmé que les premiers résultats obtenus ne sont pas en contradiction avec ceux de la précédente prospection par radar, tout en précisant qu’il faudra davantage de temps pour obtenir des résultats définitifs. Les experts ont révélé que les travaux de prospection qui se sont déroulés le 31 mars ont comporté une quarantaine de sondages à différentes hauteurs dans les murs de la tombe, à l’aide de deux radars, l’un d’une fréquence de 400 MHz, l’autre d’une fréquence de 900 MHz, qui permettent plus de pénétration (jusqu'à 4 m.) et une meilleure résolution. Les résultats plus complets seront connus dans une semaine.
Khaled El-Anany a annoncé par ailleurs qu’une autre opération de prospection par radar se déroulera dans le cours de ce mois d’avril. Les résultats en seront communiqués au cours d’une conférence internationale qui se tiendra en mai prochain au Grand Musée égyptien et à laquelle seront conviés les archéologues du monde entier.
Pour l’heure, précise le ministre des Antiquités, les travaux de prospection débouchent sur des “probabilités, non des certitudes”. On peut toutefois penser qu’elles sont porteuses d'un énorme et incroyable espoir : celui d'écrire une nouvelle page d'une histoire qui s'est déroulée il y a plus de trois mille ans… Et d'une histoire très particulière puisque les personnages sont auréolés d'une éternité qui est désormais ancrée dans notre quotidien.
Une chose est certaine : la KV 62 ne peut être endommagée et tout ce qui sera prévu ou envisagé ne pourra qu'être basé sur ce postulat de départ. Il est bel et bien révolu le temps où l'on acceptait de "détruire" pour "avancer" dans la recherche. Howard Carter, lui-même, lors de la seconde saison de fouilles, avait détruit une partie de la scène du mur sud… Aujourd'hui, de nouvelles techniques non invasives, non destructrices, existent. Il y a lieu de bien les conjuguer pour qu'elles nous mènent vers la vérité.
C’est ce que rappelait tout récemment, Khaled El-Anany : "Personne ne peut toucher aux peintures dans la tombe de Toutankhamon, et l'idée d'utiliser une minuscule caméra optique à travers un trou d'un pouce dans la salle du trésor de la tombe, qui ne contient pas de peintures, afin d'explorer ce qui se trouve derrière les murs nord et ouest, est juste une suggestion pour le cas où les sondages et les études prouveraient qu'il y a quelque chose à trouver derrière le mur nord. (...) Bien que la mission d'exploration ait obtenu l'approbation du comité permanent du ministère, je ne veux pas devancer les événements."
Qu'en penserait Howard Carter ?
Après avoir passé 10 ans dans la KV 62, après l'avoir découverte, explorée, puis vidée et refermée, avec le sentiment d'avoir mené à bien ce long et délicat travail, on peut imaginer qu'il serait aussi sceptique qu'étonné.
Il revivrait tous ces souvenirs… Il reverrait toutes les merveilles que la tombe contenait, il se remémorerait l'incroyable matériel funéraire composé de 5398 objets… Il se souviendrait des moments forts, des émotions, de la célébrité, des joies, mais aussi des déboires et des décès qui avaient terni l'atmosphère, et ce climat politiquement si lourd et difficile et les relations qui l'étaient tout autant avec le service des Antiquités.
En février 1932, le dernier artefact sorti de la tombe, il s'était estimé satisfait et certainement soulagé d'avoir mené à bien et à son terme le déblaiement et la sauvegarde des artefacts, parce que, vraiment, "la tâche du début à la fin nécessitait de la détermination, de la patience et de l'adresse”.
Mais à aucun moment il n'avait pensé qu'il ne menerait pas à son terme l'exploration de la KV 62. La tombe était, certes, petite, elle était même la plus petite de la Vallée des Rois avec sa superficie d'à peine 100 m². Cela aurait-il dû l'alerter ? Ou semer un quelconque doute ? Mais l'antichambre, la chambre funéraire et l'annexe avaient livré de telles richesses !
Ces richesses qui appartenaient au jeune pharaon "Toutankhamon" le faisaient soudain réapparaître dans la chronologie des pharaons, et il s'y inscrivait dans une période particulièrement "charnière" et délicate. Il n'avait régné que neuf ans et, malgré le jeune âge auquel il avait disparu (18 ans), son trésor - dominé par la pièce maîtresse que constituait son masque d'or - finalement les éclipsait (presque) tous et lui donnait accès à un nouveau règne : celui de la célébrité.
L'histoire de la "réplique"
C'est ainsi que ce pharaon, auréolé d'or, de jeunesse et d'éternité a suscité un intérêt qui ne s'est jamais tari depuis 1922, et qui a conduit des milliers de visiteurs dans sa tombe.
Ces présences, multiples et répétées, ont occasionné des détériorations et moisissures qui ont fini par compromettre la pérennité de sa demeure d'éternité, amenant le service des Antiquités à en construire un double, une "réplique".
Et la "réplique", d'une certaine façon, a parlé. Ou plutôt, a-t-elle suggéré une nouvelle réponse ? Ce qui est certain, c'est qu'elle ouvre un nouveau chapitre de l'histoire. C'est en effet en examinant les photos extrêmement précises prises par les concepteurs (Factum Arte) dans la chambre funéraire que Nicholas Reeves relèvera la présence de certains reliefs et les interprétera comme pouvant être des ouvertures rebouchées donnant sur deux pièces inexplorées.
marie grillot
Marc Chartier
sources :
Howard Carter, The path to Tutankhamun, T.G.H; James, TPP, 1992
Nicholas Reeves, Toutankhamon, vie, mort et découverte d'un pharaon, Editions Errance
Howard Carter, The tomb of Tutankhamun
Christiane Desroches-Noblecourt, Vie et mort d'une pharaon, Hachette, 1963
http://www.factum-arte.com/pag/21/The-Facsimile-of-Tutankhamun-apos-s-tomb
http://www.osirisnet.net/tombes/pharaons/toutankhamon/toutankhamon.htm
Nicholas Reeves, "The Burial of Nefertiti ?" (téléchargeable sur Academia).



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