La tombe de Meketrê, référencée TT 280, se trouve dans les entrailles de la montagne thébaine au sud de l'Assassif, près du temple de Montouhotep. "Une large chaussée escarpée conduit à flanc de colline à l'avant de la tombe, à l'origine protégée par un portique à colonnes. La tombe elle-même est composée d'un long couloir taillé dans la roche-mère qui se termine dans une pièce carrée, qui contenait l'entrée de la chambre funéraire. Des parties de la structure ont été recouvertes d'un calcaire de qualité supérieure et décorées avec soin... Une seconde tombe a été construite, en parallèle, pour un homme nommé Intef, certainement un proche parent de Meketrê. Sur le côté droit du portique, se trouve la petite tombe d'un homme nommé Wah, qui a servi dans la maison de Meketrê."
Meketrê était un personnage important du Moyen-Empire, qui a occupé de hautes charges sous les règnes de Menthouhotep II, puis Amenemhat Ier. Ses principales fonctions se déclinent ainsi : chancelier et grand intendant du palais royal.
Sa tombe a été initialement fouillée par l'égyptologue français George Daressy en 1895, puis par le grand mécène anglais Sir Robert Mond en 1902. Des fouilles certainement trop rapides, car, en 1920, c'est l'expédition du Metropolitan Museum qui mettra au jour les trésors qu'elle recelait en son sein.
Fin février, sous la direction d'Herbert Eustis Winlock, les égyptologues Ambrose Lansing et Harry Burton - grand photographe auquel on devra le reportage de la découverte (puis celui de la tombe de Toutankhamon deux ans plus tard) - investissent la tombe et ses abords avec, sous leurs ordres, plus de 200 fellahs recrutés dans le village.
Le nettoyage et les relevés se poursuivent depuis trois semaines lorsque, le 17 mars, l'un des ouvriers employés dans le nettoiement de la tombe remarque que de petits morceaux de pierre glissent dans une fissure de la roche. "Nous avions déjà regardé dans tant de trous vides, conte M. Winlock, que la nouvelle ne m'émut guère. N'importe ! Je m'étendis à plat ventre, glissai la torche dans le trou, pressai le bouton et collai mon œil contre l'ouverture. Instantanément, le rayon électrique illumina tout un petit monde vieux de quatre mille ans ! Des centaines de Lilliputiens allaient et venaient à leurs affaires. Plusieurs brandissant des bâtons poussaient devant eux des bœufs à la robe tachetée. D'autres, s'arc-boutant sur leurs rames, manoeuvraient toute une flottille de bateaux. Un grand navire, la proue en l'air était sur le point de sombrer." Le récit suivant traduit l'émotion qui régnait alors : "Une jeune fille de taille gigantesque aux formes élancées, vêtue d'une robe aux couleurs brillantes, fixait sur le mien son regard sévère, comme pour me reprocher de violer le secret de ses quarante siècles…" (récit publié dans "L'Illustration" du 16 avril 1921).
De cette toute petite chambre, parfois dénommée "serdab" , que n'avaient pas détectée les premiers explorateurs, seront extraits vingt-cinq maquettes, des modèles réduits en bois reproduisant un environnement cher à Meketrê, ou bien encore les ateliers fabriquant tout ce dont il pouvait avoir besoin dans l'au-delà. Les "ateliers" sont ouverts sur le dessus et nous offrent un monde où tout est incroyable de précision et de réalisme : des personnages de bois peint s'emploient, s'activent, à la menuiserie, à la fabrication du pain, de la bière, de textiles... Il y a également douze bateaux, deux grandes et ravissantes porteuses d'offrandes, et quatre plus petites ainsi qu' : "une grande scène de 1 m 75 de long représentant le défunt inspectant son troupeau".
Meketrê, pour son au-delà, ne désirait - ne devait - manquer de rien… "À l'Ancien Empire, les gens de qualité ne se contentèrent pas d'assurer la survie qu'ils souhaitaient en couvrant les murs de leurs tombes de bas-reliefs ; peu à peu l'habitude fut prise de déposer à côté de la statue du mort, des statuettes représentant des serviteurs en train d'accomplir pour l'éternité leurs taches de tous les jours… À la première période intermédiaire enfin, et au Moyen-Empire, ce ne sont plus des effigies isolées mais des scènes complètes, véritables maquettes de la vie paysanne ou artisanale que l'on enterre avec le défunt." (Jean-Pierre Corteggiani).
Ces maquettes sont non seulement touchantes, mais riches d'enseignements. Elles permettent de recueillir des informations importantes sur les différents métiers et sur la manière dont ils étaient pratiqués. Il en va de même pour les bateaux, qui présentent différents modèles utilisés à cette époque-là, pour la navigation, la pêche ou bien encore le pèlerinage à Abydos.
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Procession of objects from the Tomb of Meketre to the Expedition House March 19, 1920 - Harry Burton (British, 1879-1940)
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Il faudra trois jours et trois nuits pour vider la tombe et transporter les précieux objets, en une impressionnante procession vers la maison de Winlock. Deux mois furent ensuite consacrés à nettoyer et consolider l'ensemble des artefacts.
Puis, le "partage à moitié exact" des objets fut effectué (il faut rappeler que cette pratique avait été mise en place par l'administration britannique en 1912 et qu'elle n'avait pas alors recueilli l'aval de Gaston Maspero).
C'est ainsi qu'après quarante siècles d'une paisible et silencieuse cohabitation, les objets furent séparés, et répartis entre le Metropolitan Museum of Art de New York et le musée égyptien du Caire.
marie grillot
sources :
Jean-Pierre Corteggiani, L'Égypte des pharaons au musée du Caire
Steven Snape, Ancient Egyptian Tombs : The Culture of Life and Death
https://books.google.fr/books?id=re6izO_zAd4C&pg=PT156&lpg=PT156&dq=winlock+meketre+tomb&source=bl&ots=cuTUqGorlo&sig=7joWQI4s3kroTS1kAVNjkueMq-o&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiSsNSo1JjLAhVGUBQKHfXFCFgQ6AEIXzAL#v=onepage&q=winlock%20meketre%20tomb&f=false
http://www.metmuseum.org/met-around-the-world/?page=10157
Laurence Michel, Fabuleuses découvertes en Égypte




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