mercredi 30 mars 2016

Abdel Halim Hafez : le "Rossignol brun" qui enchante toujours


L’Égyptien Abdel Halim Hafez (21 juin 1929 - 30 mars 1977), surnommé “le rossignol brun”, est considéré comme l'un des plus grands chanteurs et acteurs de comédies musicales arabes des années 1960.

Il commence tout d’abord une carrière de musicien comme hautboïste à l'Orchestre symphonique de la radio au Caire, avant de "se lancer" dans la chanson. Les tout débuts en 1952, à Alexandrie, se soldent par un échec cuisant (il doit essuyer un lancer de tomates !). Puis, dès juin 1953, au théâtre du Jardin Al-Andalus du Caire, il connaît un franc succès qui dépassera très rapidement les frontières de l’Égypte : "pour conquérir les cœurs et les esprits des jeunes dans le monde arabe".

"Contemporain de géants tels que Oum Kalthoum, Mohammed Abdel Wahab, Farid El Atrache, il s'est détaché d'eux en apportant un nouveau souffle au ‘tarab’ - art de la chanson. Alliant à la fois une fidélité à l'esthétique arabe traditionnelle ainsi qu'une grande modernité dans son chant (inspiré des techniques dites de ‘crooner’) et dans sa tenue sur scène, très stylée et rappelant la classe d'un Sinatra, il a su littéralement créer un style qui fit école et qui forma une sorte d'archétype considéré aujourd'hui comme un modèle pour de nombreux artistes." (Wikipédia)

"Ce n'est pas un chanteur aux moyens extraordinaires, mais il a une sensibilité à fleur de peau, un véritable sex-appeal dans la voix, explique la musicologue Soheir Abdel Fattah. Ses chansons sont courtes, plus faciles à retenir. Elles parlent des problèmes des jeunes : amour, mariage, argent."

Bien qu’atteint de bilharziose depuis son enfance, il se montre décontracté et souriant sur scène, affichant un réel amour de son public qui contribue à son exceptionnelle popularité.

Son dernier concert date de mars 1976. Son décès intervient alors qu’il prépare "Min ghir lih", une chanson que le grand Abdel Wahab a composée tout spécialement pour lui. Il ne l’interprétera jamais, mais le compositeur la chantera en son honneur en 1990.

Quel accueil ce chanteur, porté en son temps par la ferveur de tout un peuple, reçoit-il encore aujourd’hui ? A-t-il toujours sa place au hit-parade de la chanson arabe, notamment égyptienne, alors que les tendances et expressions musicales ont inévitablement évolué ? 

Pour nous en rendre compte, nous prenons l’avis d’un jeune Égyptien, Hicham Essam El-Din, professeur d’arabe et présentateur à ERTU (Egyptian Radio & TV Union).
Hicham Essam El-Din

Égypte actualités : Selon vous, Hicham, Abdel Halim Hafez est-il toujours un chanteur populaire en Égypte ? Ses chansons sont-elles aujourd'hui connues des parents ET des jeunes générations ?

Hicham Essam El-Din : Je pense que les chansons d’Abdel Halim sont aussi captivantes pour les jeunes d’aujourd’hui que pour les parents, les jeunes d’autrefois. Je rappelle qu’AbdeHalim était à l’époque ce jeune innovateur qui, comme tout autre nouveau phénomène, était choquant pour le public. Il s’est distingué des autres artistes en introduisant la modernité dans la musique arabe. Il l’a rendue plus accessible et populaire, sans pour autant sacrifier l’authenticité et la complexité qui font la grandeur du ‘tarab’ (chant arabe). Même si les temps évoluent et si la perception de la musique diffère d’une génération à l’autre - ce qui contribue d’ailleurs à sa richesse -, je trouve qu’Abdel Halim représente l’idée même du changement, et la jeunesse révolutionnaire de la musique arabe. Si les parents ressentent plus de nostalgie en écoutant ses chansons, pour nous, elles représentent un pont reliant le passé à l’avenir. On ne peut donc que s’identifier avec ses œuvres quels que soient l’âge, l’époque et le goût musical. 
Je n’oublierai jamais les jours de la révolution en 2011 ; comment les chansons patriotiques d’Abdel Halim sur l’Égypte et le monde arabe venaient de partout, en plein air à la Place Tahrir. Elles nous donnaient l’espoir et le courage pour poursuivre.

ÉA : Qu’attend-on, que recherche-t-on dans ses chansons ? Un temps révolu ? ou bien l'assurance de valeurs qui demeurent et perdurent ? L'amour est-il souvent au cœur de ses mélodies ?

Hicham : La musique en général est une expérience autant individuelle que sociale. Chacun est libre de la percevoir à sa manière, d’y trouver ce qu’il cherche et même de l’interpréter comme il veut. Ça dépend donc en premier lieu de l’auditeur. Ceci dit, la musique d’Abdel Halim est particulièrement sujette à cette personnalisation : quelles que soient les paroles, les mélodies de ses chansons sont fascinantes et font leur effet en toute occasion. Il suffit d’écouter une version instrumentale de "Ahwak" ("Je t’adore") ou "Ana Lak Alatoul" ("Je t’appartiendrai toujours") pour s’en rendre compte. 

Personnellement j’ai appris à apprécier les chansons d’Abdel Halim durant mon enfance, avant même d’en comprendre les paroles. Ses mélodies modernisées ont rendu les orchestrations et le chant classique plus accessibles à tout le monde, et non pas seulement à des élites de la société. 

La plupart de ses chansons ayant été introduites pour la première fois dans des films et dans des concerts en direct, on ne cesse pas d’admirer également la dimension "théâtrale" de sa performance : les mouvements conducteurs de ses mains, les changements de ton, même les expressions de son visage variaient entre le sourire et le chagrin. En regardant Abdel Halim se produire dans des films ou en concert, il est facile d’apprécier son charme, notamment aux yeux des filles. Il est beau, sa voix est aussi douce que profonde. C’est un vrai Prince Charmant, mais issu d’une classe populaire modeste, relevant plus d’une réalité égyptienne que d’une fiction littéraire. 

عبد الحليم حافظ - انا لك علي طول


ÉA : Quelles sont, selon vous, les chansons mythiques d’Abdel Halim Hafez ?

Hicham : "Al Touba" ("la Repentance"), "Lahn Al Wafaa" ("le Chant de la fidélité"), "Kareat Al Fingan" ("la Voyante"), avec "Ahwak" et "Ana lak Alatoul" sont les plus représentatives de son répertoire, ou le fait qu’elles sont de réputation mondiale.
Pour moi, personnellement, comme j’ai grandi avec une grande variété de genres musicaux allant du classique au Metal, je trouve que les œuvres d’Abdel Halim sont complètement différentes l’une de l’autre et chacune a son propre charme. "Ahwak" et "Ana Lak Alatoul" m’émeuvent fortement. Ces deux chansons mélangent à mon avis des traces orientales et occidentales, traditionnelles et modernes, avec une agilité remarquable. "Ahwak" en particulier me rappelle toujours la "Lettre à Élise" de Beethoven. "Bia Albak" ("Vends ton cœur") a aussi ma préférence : cette chanson est interprétée dans une scène très humoristique du film "Fata Ahlami" ("Le Jeune Homme de Mes Rêves").
Le Trio Joubran, “Ahwak”

ÉA : Ses chansons sont-elles reprises par des chanteurs ou groupes contemporains ?

Hicham : Les chansons d’Abdel Halim sont peut-être les plus attrayantes pour les reprises grâce à leur richesse et leur adaptabilité. Elles sont réinterprétées par tous les grands chanteurs contemporains de l’Égypte et du monde arabe, comme Hany Shaker, Amr Diab, Elissa, etc. Par contre, ce sont notamment des jeunes groupes indépendants ou "Underground" qui produisent souvent des versions fascinantes des œuvres d’Abdel Halim. Ils évitent habilement de reproduire des copies exactes de la chanson, par exemple en fusionnant leur genre musical avec d’autres, ou en incorporant des effets électroniques qui sont largement utilisés dans la musique contemporaine. Ce que je trouve fascinant dans ces reprises, c’est que les changements sont parfois très originaux et radicaux, mais valorisent quand même l’authenticité de la chanson et contribuent à sa continuité. Beaucoup de ces jeunes artistes sont désormais célèbres comme Le Trio Joubran (Liban), Sarah Ayoub (Maroc), Amal Maher (Égypte), le groupe Punk Rock Jadal (Jordanie), la violoniste Siham Naim (Canada), ces artistes se produisant dans des tournées Internationales. D’autres sont plus accessibles sur Internet : ils publient leurs compositions pour le téléchargement (souvent gratuit). Ils présentent également des spectacles en Égypte à l’Opéra ou dans les centres culturels, tels que Al Sakya et Makan et l’Institut Français au Caire.

sources :
http://www.imarabe.org/musique/l-eternel-abdel-halim-hafez
https://www.wikiwand.com/fr/Abdel_Halim_Hafez
http://www.medmem.eu/fr/notice/ERU00501
http://next.liberation.fr/culture/1997/04/03/le-rossignol-brun-enchante-encore-l-egypte-mort-en-1977-le-chanteur-abdel-halim-hafez-est-l-objet-d-_203670
http://www.come4news.com/egypte-anniversaire-du-deces-de-abdelhalim-hafez,-al-3andalb-al-asmar-184415

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