mercredi 4 novembre 2015

Le temple-tombeau du grand prêtre de Thot Pétosiris

Nekhbet et Ouadjet protègent Khéphri
La Grande-Guerre terminée, Gustave Lefebvre est de retour en Égypte. Après les affres de ses difficiles années, il reprend son poste d'inspecteur du service des Antiquités de Moyenne-Égypte à Assiout où l'avait nommé, en 1905, Gaston Maspero. 

Depuis 1914, c'est Pierre Lacau qui est désormais à la tête de ce service, et Gustave Lefebvre s'apprête à faire, sous sa direction, une incroyable découverte.

Nous reprenons ses mots pour la relater : "Dans les derniers jours de novembre 1919, un habitant d'Ashmounein informa le Directeur du service des Antiquités qu'il connaissait un "temple" (ma'bad) dans la montage de Derouah à 1.500 mètres environ au sud de la stèle frontière d'Aménophis IV et à 20 mètres de l'un des puits donnant accès au vaste cimetière souterrain des ibis sacrés d'Hermopolis la Grande... Quelques jours plus tard, le chef-ghafir du district, passant à Tounah, recueillit de la bouche d'un paysan de ce village des informations qui corroboraient les dires de l'homme d’Ashmounein : comme on offrait de nous révéler contre récompense l'emplacement du 'temple', je pressai Antoun Effendi Youssef d'aller sans retard vérifier sur place le renseignement. Le 17 décembre, il se rendit donc à la montagne, accompagné de 'l'indicateur' de Tounah, fit des sondages à l'endroit que cet homme lui désigna et dégagea, après quelques coups de pioche, les assises supérieures de deux murs d'angle dudit 'ma'bad', qui était en réalité un tombeau, le tombeau de Pétosiris. Les fouilles méthodiques se poursuivirent sous ma direction jusqu'au 8 mars 1920, date à laquelle j'avais terminé le déblaiement du tombeau et des chapelles voisines, la copie des inscriptions, l'étude sommaire des textes et des bas-reliefs, tous résultats que je fis connaître immédiatement dans un rapport."

Appartenant à une famille qui comptait d'éminents membres du clergé, Pétosiris cumulait de hautes fonctions religieuses, dont la plus importante, celle de grand prêtre de Thot. Il semble qu'il "entra en possession de sa charge sous la seconde domination persane, entre 341 et 332, et il peut avoir vécu jusqu'à la fin du règne de Ptolémée Soter (285)".

On accède à son tombeau par une allée constituée de larges dalles de calcaire. Du côté est, on remarque un curieux autel surmonté de quatre coins triangulaires. Le portique du monument reprend l'architecture d'un temple ptolémaïque, avec une grande ressemblance avec ceux d'Edfou ou d'Esnah, mais en "miniature”.

La façade est très équilibrée, avec en son centre, "un élégant portail, dont les montants sont décorés d'une plate-bande et d'une gorge ornée de cannelures". Elle comporte 4 colonnes reliées par un mur d'entrecolonnement qui s'élève à plus de la moitié de leur hauteur. Les colonnes sont semblables par paire, deux avec chapiteaux composites, deux avec chapiteaux palmyformes.

Les scènes du tombeau sont gravées en creux à l’extérieur des murs (bas-reliefs) et sculptées en relief sur les parois intérieures (hauts-reliefs). La façade illustre parfaitement ces conventions avec des scènes gravées en creux sur les murs-bahuts qui, de chaque côté du porche d’entrée, montrent Pétosiris devant Thot représenté alternativement en homme à tête de babouin, puis en homme à tête d’ibis.

De par son style, le pronaos reflète le mélange qui s'opérait alors entre les traditions pharaoniques et les apports grecs. La plupart des tableaux représentent des scènes agricoles. Quant à la chapelle à quatre piliers, elle est décorée de scènes d'offrandes aux dieux et de la procession funéraire.

Le tombeau a été pillé à l'époque romaine. Lefebvre y découvre cependant plusieurs sarcophages, dont celui de l'épouse de Pétosiris, celui de l'un de ses fils ainsi que les deux sarcophages vides de Pétosiris déposés dans une "cuve" en pierre.

L'un deux est en sycomore - ou en pin - sombre, presque noir. Le visage est surmonté d'une coiffure tripartite. Sur le devant du corps, cinq rangées de hiéroglyphes, d'une finesse incroyable, délicatement incrustés de pâte de verre de différentes couleurs déclinent les titres du grand prêtre. 

Gustave Lefebvre consacrera trois volumes à ce tombeau, analysant avec l'infinie précision qui le caractérisait, textes et scènes.

marie grillot

sources
http://www.ifao.egnet.net/bifao/58/ - Jean Sainte Fare Garnot, nécrologie notre maître Gustave Lefebvre
Clère Jacques J. “Gustave Lefebvre (1879-1957)”. In: École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques. Annuaire 1959-1960. 1960
http://demo.persee.fr/doc/ephe_0000-0001_1959_num_1_1_4472?h=gustave&h=lefebvre
Eloge funèbre de M. Gustave Lefebvre, membre de l'Académie
Perrin, Charles-Edmond -Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 1957 Volume 101 Numéro 4 pp. 352-356
Notice sur la vie et les travaux de M. Gustave Lefebvre, membre de l'Académie
Festugiere, André-Jean, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 1959 Volume 103 Numéro 1
http://demo.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1959_num_103_1_10998?h=gustave&h=lefebvre
http://petosiris.free.fr/description.html
http://www.archive.org/stream/letombeaudepetos00lefeuoft/letombeaudepetos00lefeuoft_djvu.txt
http://www.grepal.org/fiche_petosiris.php

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