La parution, en 1646, de l'ouvrage "Pyramidographia : A Description of the Pyramids in Egypt" marque une date-clé de l'histoire de l'égyptologie.
Son auteur - le mathématicien et astronome anglais John Greaves (1602 - 8 octobre1652) - est spécialiste de l'étude des poids et des mesures dans le monde antique et moderne. Il a également acquis, au cours de sa formation, de sérieuses connaissances dans les langues grecque, arabe et persane, les sources éditées dans ces différentes langues et recueillies lors de ses voyages lui permettant d’étoffer ses recherches archéologiques.
En 1638-1639, au cours d'un voyage qui le conduit de Rome à Constantinople, il fait une halte en Égypte pour y effectuer des mesures scientifiques des pyramides du plateau de Giza : "avec plus de précision qu'aucun voyageur de l'ère moderne avant lui".
À la lumière de différents auteurs anciens, il conclut tout d'abord que la Grande Pyramide a été construite par Khéops pour lui servir de tombeau (il ne s'agit donc nullement d'un observatoire comme certains l’imaginaient), puis que l'énorme masse du monument a eu pour fonction la protection, en toute sécurité, du corps embaumé du pharaon, support de la transmigration de l'âme du défunt.
Quant à la forme pyramidale du monument, Greaves l’explique en ces termes : "Si l’on vient à chercher la raison de la figure [que les bâtisseurs égyptiens] ont donnée à leurs monuments, (...) je crois qu’ils les ont bâtis de la sorte à cause que cette figure de bâtiment est fort durable, le haut ne chargeant point le bas comme il arrive aux autres, et la pluie qui ruine ordinairement les autres bâtiments ne la pouvant pas gâter, à cause qu’elle ne s’y arrête pas. Peut-être aussi qu’ils ont voulu représenter par là quelques-uns de leurs dieux, car l’on sait qu’en ce temps-là, les Égyptiens et les Païens les représentaient par des colonnes et des obélisques."
La découverte de l'intérieur de la pyramide est pour John Greaves, compte tenu des moyens et connaissances de l'époque, très méticuleuse, sur fond d'exploit quelque peu aventureux : "Ayant longé cet étroit passage [la descenderie], des bougies à la main et non sans difficulté (car à l'extrémité nous dûmes ramper à plat ventre comme des serpents), nous aboutîmes à une place assez grande et d'une belle hauteur, mais perturbée ; elle avait été fouillée soit par curiosité, soit par cupidité, dans l'espoir de découvrir un trésor caché ; ou plutôt, sur l'ordre d'al-Ma'moun, le calife de Babylone à la réputation justifiée. Peu importe qui l'a fouillée, la question ne vaut pas d'être posée, pas plus que la place ne mérite d'être décrite, mais je ne voulais rien préjuger ; ce n'était qu'une habitation de chauves-souris d'une hideur et d'une grandeur (plus d'un pied de long) telles que je n'en ai pas du de pareilles ailleurs." (cité par Joyce Tyldesley, "À la découverte des pyramides d'Égypte", éditions du Rocher, 2005, pp. 166-167 - traduction de Nathalie Baum)
Greaves poursuit son observation et ses mesures à l’intérieur de la Grande Pyramide : l’intersection où le couloir ascendant rejoint la Grande Galerie, le trou ouvrant sur le puits circulaire qui débouche en contrebas sur le couloir descendant, la Chambre de la Reine, la Grande Galerie et enfin la Chambre du Roi qu’il décrit ainsi : "Cette chambre riche et spacieuse, dans laquelle l'art semble avoir rivalisé avec la nature, le travail curieux n'étant pas inférieur aux riches matériaux, se situe comme si elle était au cœur et au centre de la pyramide, à égale distance de tous les côtés, et presque au milieu entre la base et le sommet [de la pyramide]. Le sol, les côtés et le plafond sont construits avec de grandes et très belles plaques de marbre thébaïque qui, si elles n'avaient pas été recouvertes et obscurcies par la fumée des bougies, apparaîtraient brillantes et reluisantes. (...) À l'intérieur de cette pièce merveilleuse (car je peux l'appeler ainsi à juste titre), comme dans un oratoire sacré, repose le monument de Khéops, ou Chemnis, d'un seul morceau de marbre, creux à l'intérieur et découvert sur le haut, résonnant comme une cloche."
Critiqué lors de sa parution, l’ouvrage "Pyramidographia" demeure un ouvrage de référence, même si l‘égyptologie a évidemment réalisé de très grands progrès dans ses méthodes d’observation. Greaves n’a en effet fait l’économie d’aucun des moyens disponibles à son époque pour sonder les entrailles de la Grande Pyramide de Giza. Nourri, de manière non servile, des “traditions” et conclusions de ses prédécesseurs, il a cherché à mener ses propres recherches sur le terrain, avec une minutie digne d’un authentique savant.
Marc Chartier
sources :
Le texte de John Greaves peut être trouvé ici :
http://www.archive.org/details/miscellaneouswo01bircgoog
Textes de Greaves traduits en français, cliquer ICI :
Textes de Greaves traduits en français, cliquer ICI :
http://pyramidales.blogspot.fr/2010/12/construction-des-pyramides-degypte.html
"Relations de divers voyages curieux, qui n'ont point été publiées ou qui ont été traduites d'Hacluyt, de Purchas et d'autres voyageurs anglais, hollandais, portugais, allemands, espagnols et de quelques persans, arabes et autres auteurs orientaux…", tome 1,1663-1696, par Melchisédech Thévenot (1620-1692), Richard Hakluyt (1552?-1616) et Samuel Purchas (1575?-1626).
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