jeudi 22 octobre 2015

Insinger, un collectionneur néerlandais installé à Louqsor


Cette photo, prise, en 1886, rassemble dans le temple de Louqsor quelques égyptologues réunis par Gaston Maspero. On trouve de gauche à droite, assis sur le rebord d'une colonne, Maxence de Rochemonteix, le marquis qui devint l'homme d'Edfou ; Albert Gayet, qui s'est consacré à l'antiquité tardive et fit de formidables découvertes à Arsinoé ; Charles Edwin Wilbour, l'homme à la grande barbe blanche est un business man américain venu à Paris suivre les cours d'égyptologie de Maspero et qui, dès lors se consacra à sa passion ; et, à l'extrême droite, assis, Gaston Maspero qui, en cette année, est encore directeur des antiquités. Et, au centre, debout, les bras croisés dans le dos se trouve Jan Herman Insinger.

Né le 12 mai 1854 à Amsterdam, Insinger a alors 32 ans. Fils d'un banquier, il est venu pour la première fois à Louqsor en 1879 afin de bénéficier d'un climat pouvant apaiser sa tuberculose qui a déjà condamné trois de ses frères. Totalement conquis par l'Égypte, il décide de s'y installer. Il passe ses étés au Caire ou à Alexandrie et, lorsqu'il est à Louqsor, il vit à bord de sa dahabieh "Meermin" (la sirène), ce qui lui permettra de remonter le Nil plusieurs fois, allant même jusqu'au Soudan. Il écrira d'ailleurs un journal sur une expédition menée en 1883 : "Au pays des cataractes du Nil" sera publié en néerlandais par Martin Raven du Rijksmuseum van Oudheden de Leiden (Musée des Antiquités de Leiden).
La Meermin à Louqsor – photo d'Eduardo Toda (musée Victor Balaguer)

Résidant de plus en plus souvent à Louqsor, il y entretient de très bons rapports avec la communauté française. Il devient un proche de Maspero et, lors de ses inspections, lui offre ses services en tant que photographe. Dans sa correspondance à son épouse Louise, Maspero donne très souvent des nouvelles de sa santé : "Le pauvre Insinger vient d'avoir une crise aiguë : il a craché le sang pendant deux jours. Il est hors d'affaire pour le moment mais très affaibli... Je crois que souvent il doit être dégoûté de la vie : avec l'éducation qu'il a reçue, le rang qu'il tient dans son pays, venir échouer à bord d'une dahabiéh entre un domestique voleur et une femme syrienne abrutie par le tabac... D'autre part, c'est presque une consolation pour lui que de s'être créé une famille de ce genre ; une Européenne aurait trop souffert du genre de vie qu'il mène et l'aurait fait trop souffrir. Nous sommes tous aussi complaisants pour lui qu'il est possible et je vais prendre sa dahabiéh à la remorque pour l'emmener à Philae avec nous.” (28 janvier 1886).
"Papyrus Insinger"

Insinger, qui détient une belle fortune, est aussi à la tête d'un "business" de prêteur d'argent. Il se consacre à l'achat d'antiquités pour son propre compte, mais également pour certains musées allemands qui souhaitent enrichir leurs collections égyptiennes. Il se portera notamment acquéreur, pour le Rijksmuseum van Oudheden de Leiden, d'un papyrus en démotique auquel il laissera son nom. Le "Papyrus Insinger", daté du IIe siècle après J.-C., dont les dimensions sont d'environ 612 × 27,5 cm, contient : "l'un des plus anciens écrits existants contenant des enseignements de la sagesse égyptienne (Sebayt)".

En 1888, il achète un grand terrain en bordure du Nil où il construit, sur ses propres plans, une vaste demeure à l'apparence un peu, disons, "décalée"! Elle a en effet le mauvais goût d'hésiter entre un château fort moderne avec mâchicoulis, tours à créneaux et donjon carré, et une forteresse mauresque dont la porte monumentale serait inspirée de la "Puerta del Sol" de Tolède. Il lui donne le nom de "Palm Castle", un jeu de mots visant à rappeler "sa maison ancestrale dans les Pays-Bas qui est appelé "Pijnenburg" ("Pine Castle" ).

Insinger entretenait de déplorables relations avec Howard Carter. Il ira même jusqu'à dénoncer, dans le journal "Le phare d'Alexandrie" du 3 juin 1903, les méthodes qu'il met en oeuvre, avec E. A. W. Budge, pour enrichir les collections du British Museum.

Insinger meurt au Caire le 27 octobre 1918, à l'âge de 64 ans. "Enterré dans un premier temps dans la capitale égyptienne selon la tradition musulmane, il sera ensuite re-inhumé, dix-huit mois plus tard, dans son pays, près du domicile familial de Baarn." (Marcel Maessen).

Un grand nombre de ses photographies et manuscrits ont été acquis par le Rijksmuseum van Oudheden à Leiden. Quant à sa maison de Louqsor, elle sera pendant quelques années occupée par un membre de la famille royale et prendra le nom de "Sultana Malek Palace". Elle sera détruite dans les années 60.

marie grillot

sources :
Who Was Who in Egyptology, Bierbier, M., London, Egypt Exploration Society
Howard Carter, The path to Tutankhamun, T.G.H. James, TPP, 1992
Gaston Maspero, Lettres d'Égypte, Correspondance avec Louise Maspero, Seuil, 2003
http://nickyvandebeek.com/2014/05/insinger/
http://nickyvandebeek.com/category/early-travel/page/3/
http://www.t3wy.nl/insinger-house-in-luxor/
http://luxor-news.blogspot.fr/2013/01/insinger.html

1 commentaire:

  1. Hi there!

    There are some inconsistencies in your article:

    1. The second man on the right in your first photo is NOT Jan Herman Insinger. Although the photo looks similar to the one taken in Luxor temple and published in jean Capart’s book about Charles Wilbour (Travels in Egypt), it is not the same. It was most likely taken on the same day (March 26, 1883), the similar photo (with Insinger, this time) is here:
    http://www.t3wy.nl/wp-content/uploads/EGY-Group2-1883.jpg

    The other names you mention are correct.
    The man with his arms crossed is most likely Eduard Toda, Insinger’s sidekick in photography.
    2. Insinger did not start to build his house in 1890, but two years earlier, around 1888 (this is consistent with the documents I have from Insinger himself as well as Wilbour’s travels, page 490). It took until mid 1895 until the house was as large as the photo you show here.
    3. Insinger was first buried in Cairo, following Muslim traditions to be buried within 24 hours. It was only about 18 months later that he was reburied in the Netherlands (this info only reached me the day before yesterday, while doing follow-up investigations into the life of Insinger)

    Best wishes,
    Marcel Maessen
    t3.wy Foundation

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