À l’est d’Alexandrie, entre la gare Sidi Gaber et l’aéroport, de grands espaces de verdure. De même que le Caire a son Héliopolis, Alexandrie a son quartier Smouha, du nom d’un Juif d’Irak qui, au début du siècle dernier, avait acquis en ce lieu des centaines de feddans marécageux qu’il réussit à assécher pour édifier sa "Smouha City".
"Le site de Smouha, qui faisait originellement partie du lac Hadara, fut acheté par Joseph Smouha au Prince Omar Toussoun qui avait abandonné l’assèchement des marais qui le couvraient après quelques essais. Il s’agissait de concevoir une véritable banlieue résidentielle. (...) Le quartier fut effectivement mis en valeur sur le modèle de la cité-verte, organisée autour d’un club sportif, avec de petites villas, conçues pour la plupart par des architectes français, anglais ou suisses." (l’architecte Mohamed Fouad Awad, éminent défenseur du patrimoine bâti d’Alexandrie)
Même si l’expérience, précise M.F. Awad : "fut un relatif échec", et fut suivie par l’installation dans le voisinage d’entreprises industrielles et d’entrepôts : "la tentative faite contribua à fournir au moins la place nécessaire pour les logements privés, coopératifs et publics qui dominent à présent le paysage de ces quartiers".
Aujourd’hui, outre le Jardin botanique et le Parc zoologique, les visiteurs à la recherche de tranquillité et d’un havre de paix pour s’oxygéner peuvent se promener dans le jardin Antoniadis, entourant le palais du même nom, avec ses allées et parterres inspirés du classicisme des jardins à la française. Pas de touristes. Ou très peu. On y est à l’écart des circuits classiques organisés par les tour opérateurs.
C’était sans doute cette même tranquillité que recherchait jadis, au IIIe siècle avant notre ère, Callimaque de Cyrène, le bibliothécaire en chef de l'ancienne Bibliothèque d'Alexandrie.
Le jardin Antoniadis est un lieu "hors du monde", même si l’histoire s’y rappelle à notre bon souvenir avec quelques statues de marbre blanc représentant de grands noms des découvertes lointaines : Christophe Colomb, Magellan, Vasco de Gama…
On y trouve également une tombe datant vraisemblablement de l’époque ptolémaïque, connue sous l’étrange appellation de "Tombe d'Adam et d'Ève", sans doute en raison de sa situation dans un tel environnement "paradisiaque" et à cause d’un dieu serpent qui décorait la chambre funéraire à laquelle on accède par un escalier de 44 marches
Dans ce cadre de verdure est implanté un palais, bâti au milieu du XIXe s. Il porte le nom de son commanditaire, Sir John Antoniadis, qui voulait habiter une "villa" inspirée rien moins que du Château de Versailles !
Né en 1819, ce riche citoyen grec, originaire de l’île de Lemnos, arriva en Égypte en 1833 avec nombre de ses compatriotes. Président de la communauté grecque d'Alexandrie, consul général de Belgique, il fut doté de la citoyenneté française. Mieux, il fut anobli par la Reine Victoria. À sa mort en 1895, il légua sa villa à son fils, avec la recommandation de la céder ensuite, avec le jardin, à la Ville d'Alexandrie, ce qui fut fait en 1918.
Le palais (qui ne se visite pas pour l’instant pour cause de restauration en cours) se compose d'un sous-sol de 434 m², d’un rez-de-chaussée de 1085 m² et d’un étage de 860 m².
Des hôtes de marque y ont séjourné, notamment des rois d’Égypte et d'Europe, ainsi que le shah d'Iran Mohamad Reza Pahlévi, alors marié à la princesse Fawziya, sœur du roi Farouq d'Égypte. En 1936, la villa a accueilli la cérémonie de signature de l'accord entre l'Égypte et la Grande-Bretagne, qui stipulait l’évacuation de toutes les troupes britanniques présentes sur le sol égyptien.
À partir de 1970, l'état de la villa commença à décliner. Puis, en 2004, la villa et son jardin furent donnés à la Bibliothèque d'Alexandrie. Celle-ci a alors entrepris un vaste programme de restauration de l’édifice, sous la houlette de Mohamad Awad, directeur du Centre des études alexandrines et méditerranéennes, pour en faire une annexe de prestige pour ses activités. "Le palais, précise l’architecte, servira de lieu de séjour pour les délégations étrangères en visite en Égypte dans le cadre de l'échange culturel entre l'Égypte et les pays de la Méditerranée. Il deviendra également le siège permanent pour le dialogue euro-méditerranéen."
Capitale de l’Égypte jusqu’à la fondation du Caire, la belle Alexandrie n’a assurément rien perdu de sa splendeur !
Marc Chartier
sources :
http://www.touregypt.net/featurestories/antoniadis.htm
http://www.wikiwand.com/fr/Palais_d'Antoniadis
http://hebdo.ahram.org.eg/Archive/2006/5/3/voyp3.htm
http://belgo-egyptienne.blog.mongenie.com/index/tag/Palais+d'Antoniadis
http://fr.wataninet.com/archive-articles/image-de-versailles/1663/
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1987_num_46_1_2193
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