Nicolas-Jacques Conté (4 août 1755 - 6 décembre 1805) |
Un génie ! Si ce mot a encore un sens, il s’applique assurément à l’ingénieur autodidacte, physicien, chimiste, inventeur, aérostier et artiste Nicolas-Jacques Conté (4 août 1755 - 6 décembre 1805), créateur d’un crayon qui porte encore son nom. Il figure en outre au nombre des plus éminents membres de l’Expédition d’Égypte.
Avant son départ pour les rives du Nil, Conté a déjà le temps d’inventer une machine hydraulique, d’animer une commission de savants chargée de l’utilisation d’aérostats à des fins militaires, d’étudier l'altération que le gaz hydrogène pouvait produire sur l'enveloppe des aérostats (des expériences dangereuses dont l’une lui cause la perte d’un oeil), de participer à la fondation du Conservatoire des arts et métiers et, bien entendu, d’imaginer le célèbre crayon constitué d'une mine de graphite et d'argile insérée dans un corps en bois de cèdre.
Il quitte la France le 19 mai 1798, direction l’Égypte où ses multiples talents seront amplement mis à contribution pour le bon déroulement des opérations militaires et scientifiques de la campagne entreprise par Bonaparte pour couper la route des Indes à la Grande-Bretagne. Le général en chef reconnaîtra rapidement en Conté un : "homme universel, ayant le goût, les connaissances et le génie des arts, précieux dans un pays éloigné, bon à tout, capable de créer tous les arts de la France au milieu des déserts de l’Arabie".
"L’esprit inventif de Conté, écrivent Gisèle et Michel Vergnes, sa facilité d’exécution et ses connaissances scientifiques sont mises à contribution sans discontinuer. L’eau n’est pas potable, il doit y remédier. Il n’y a pas de farine pour faire le pain, c’est lui qui est chargé de construire un moulin, puis un four à pain. Les fusils rouillent, il en bronze plusieurs avec des moyens de fortune et ce procédé est aussitôt mis en usage dans tout le corps expéditionnaire."
Le sens artistique de Conté sera également sollicité. Le général Caffarelli, au nom de Bonaparte, l’engage à : "observer tous les procédés d’arts mécaniques et chimiques employés dans le pays, à recueillir les notes et les dessins relatifs à cet objet et à indiquer les perfectionnements que lui suggérerait son génie inventif".
À la tête du groupe d’aérostiers, le génial factotum de l’Expédition entreprend en outre des fouilles sur certains sites d’Alexandrie. Il étudie notamment les "bains de Cléopâtre" et les deux obélisques couverts de hiéroglyphes - l’un couché, l’autre encore érigé - que les habitants du pays appellent "Aiguilles de Cléopâtre". Les aérostiers ont recours à un cerf-volant pour passer, sous le chapiteau de celui qui est debout, un câble qui leur permettra de l’escalader.
Malgré l’intérêt qu’il porte à ces premières tâches au sein du corps expéditionnaire, Conté aspire à rejoindre le plus rapidement possible Le Caire : "où il lui semble que la vie doit être plus intéressante, sinon plus active". Et, heureuse coïncidence, il reçoit l’ordre de prendre place au sein de l’Institut d’Égypte qui vient d’être créé dans la capitale égyptienne et hébergé dans le palais Hassan Katchef. Mais avant de consacrer son attention aux activités du nouvel institut, il doit faire face à une autre commande plus urgente : la réinstallation des ateliers du quartier général de l’armée pour la construction des instruments et machines dont l’expédition a besoin, à savoir les mécanismes pour le fonctionnement d’une poudrerie, d’une imprimerie, de la Monnaie du Caire. Trois ateliers sont affectés à la construction, en fer et en bois, de mécanismes pour des installations directement utilitaires : moulins à vent produisant la farine, brasserie, savonnerie, fabrique de bougies, tannerie, fonderie, manufactures de draps et de sabres. "Ces ateliers, précisent Gisèle et Michel Vergnes, fabriquent aussi de l’acier, du verre, du cristal, du carton, des toiles vernissées, des limes, des ciseaux, des étaux, des chapeaux, des clairons, des chaudières de cuivre, des cuves de plomb, des soufflets hydrauliques, des machines à nettoyer le grain... aussi bien qu’une sonde pour les fouilles archéologiques, ou une chaîne pour interdire la navigation ennemie sur le Nil."
Ajoutons à cet inventaire les planchettes des typographes, les lunettes de télégraphe et divers instruments astronomiques pour lesquels il faut fabriquer sur place le verre optique et les matières pour le polir...
Tout cela sous la supervision directe de Conté ! On croit rêver. Et comme si tout cet amoncellement de responsabilités ne lui suffisait pas, l’inventeur fait place à son attrait pour les arts et les métiers égyptiens. "J’ai une collection d’aquarelles et de dessins, affirme-t-il, qui fait beaucoup de plaisir à tout le monde. C’est la collection de tous les arts et métiers de l’Égypte en couleur, avec beaucoup de figures et costumes différents ; j’ai aussi des dessins des monuments et des choses intéressantes du Caire ; tout cela fait dans des moments de délassement, ma principale besogne étant la conduite des travaux des ateliers de mécanique."
En 1801, Nicolas-Jacques Conté, nouvellement nommé président de l’Institut d’Égypte, participe à une campagne archéologique à Giza, Saqqarah et Memphis, dans le but de mesurer aussi précisément que possible les monuments. Il escalade ainsi la pyramide de Khéops avec le baromètre en fer qu’il a inventé et obtient comme résultat 136,95 m de hauteur.
Le 29 septembre 1801, il rentre en France et retrouve la vie civile, sans pour autant quitter le pays où il a pu exercer ses multiples talents : il est nommé, en 1802, Commissaire du gouvernement pour l’édition de la "Description de l’Égypte" et s’empresse, une fois encore, d’être inventif. Il : "construit de sa main et utilise une machine à graver, véritable chef-d’œuvre de mécanique, qui permet de tracer et de graver dans le cuivre des lignes plus ou moins serrées... pouvant donner aux couleurs tous les degrés d’intensité." Il fait don à son pays de cette dernière invention et il meurt le 6 décembre 1805, quatre mois après avoir fêté son cinquantième anniversaire.
Cet homme, disait Gaspard Monge avait : "toutes les sciences dans la tête et tous les arts dans la main".
Marc Chartier
sources :
http://www.anciens-amis-cnrs.com/bulletin/b62/Conte.pdf
“Conté : du crayon à l’Égypte”, par Gisèle et Michel Vergnes, in “Rayonnement du CNRS” n° 62 automne 2013
https://www.wikiwand.com/fr/Nicolas-Jacques_Cont%C3%A9
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1961_num_14_2_3933
“Conté”, par Edme-François Jomard, 1852
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6576595d/f146.image
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