dimanche 27 septembre 2015

La mosaïque de Palestrine : une mosaïque de scènes sur le Nil

Détail de la mosaïque nilotique -  Mosaïque de Palestrine
Réalisée entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle de notre ère
Découverte dans la cave de l’ancien Palais épiscopal de Palestrina (Italie) 
Exposée au musée de Palestrina (palais Barberini)

Alors qu’elle ornait initialement le nymphée (bassin recevant une source considérée à l'origine comme sacrée) de l'ancien sanctuaire de Préneste ou Praeneste (l’actuelle Palestrina, une commune italienne de la province de Rome), la “mosaïque nilotique” a fait l’objet de plusieurs déménagements, notamment pour cause de restauration ou même de reconstitution, avant d’être installée en 1956 là où l’on peut actuellement l’admirer : au musée de Palestrina (palais Barberini).

Quand fut-elle réalisée ? Entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle de notre ère. En tout cas, à la fin de l’époque hellénistique.

Quand fut-elle découverte ? Les hypothèses oscillent entre le XVe, le XVIe ou même le XVIIe siècle.

Où eut lieu la découverte ? Dans la cave de l’ancien Palais épiscopal de Palestrina. 
Mosaïque nilotique - Mosaïque de Palestrine
Réalisée entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle de notre ère
Découverte dans la cave de l’ancien Palais épiscopal de Palestrina (Italie) 
Exposée au musée de Palestrina (palais Barberini)

Mesurant 5,85 m de large et 4,31 m de haut, cette mosaïque de pavement représente globalement le cours du Nil, de l'Éthiopie (située en haut) à la mer Méditerranée. Son interprétation, toutefois, a suscité maintes lectures, du simple décor exotique à une représentation topographique ou à une allégorie religieuse. "Aucun monument, écrit Jean-Jacques Ampère en 1862, n'a donné naissance à tant d'interprétations diverses que la mosaïque de Palestrine. On y a vu la rencontre d'Hélène et de Ménélas en Égypte, le pèlerinage d'Alexandre au temple d'Ammon, celui d'Adrien à l'île Éléphantine, un embarquement de blé destiné aux Romains, la conquête de l'Égypte par Auguste, une carte géographique, un tableau des vicissitudes de la fortune. Mais l'explication la plus curieuse est celle de Volpi : un fait de l'histoire de Sylla qui nous est inconnu. C'est je crois tout simplement un paysage de fantaisie, avec personnages grecs et égyptiens, représentant une inondation du Nil. À Rome, l'Égypte fut de bonne heure à la mode ; on aimait du paysage égyptien comme nous aimons le paysage chinois. L'auteur de la mosaïque de Palestrine était grec, car les noms des animaux sont écrits en grec. Il a travaillé probablement à Rome et connaissait peu l'Égypte ; il semble n'avoir jamais vu un hippopotame - il y en avait alors dans le bas Nil - ni un crocodile. Cela me ferait penser que la mosaïque dont il s'agit est antérieure à l'empire, car plus tard on voyait dans l'amphithéâtre assez de crocodiles et d'hippopotames pour les représenter plus exactement." ("L'histoire romaine à Rome". Tome 4) 

On retiendra donc essentiellement la fascination que l’Égypte - ici, dans sa période ptolémaïque - a très tôt exercée sur l’imaginaire occidental, sur le mode d’une égyptomanie avant l’heure. Dans son livre "The Nile Mosaic of Palestrina : Early Evidence of Egyptian Religion in Italy" (1995), Paul G. P. Meyboom voit dans la mosaïque nilotique une manifestation évidente de l’influence des paysages et des cultes égyptiens, entre autres d’Isis (prenant le nom de Fortuna) sur l’art romain, en quête d’exotisme et d’évasion.
Mosaïque nilotique - Mosaïque de Palestrine
Réalisée entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle de notre ère
Découverte dans la cave de l’ancien Palais épiscopal de Palestrina (Italie)
Exposée au musée de Palestrina (palais Barberini)

Le Nil est représenté sorti de son lit, inondant la campagne qui, abondamment irriguée, est peuplée d’une généreuse végétation (fleurs de lotus, roseaux, palmiers) et d’un bestiaire fantastique : lions, léopards, girafes, panthères, antilopes, hippopotames, éléphants, rhinocéros, babouins, ânes, paons, cigognes, singes, tous animaux reconnaissables, mais identifiés par des inscriptions en grec.

Figurent également, dans cette somptueuse fresque de tesselles, des scènes de chasse, de : "joyeux banquets, un nilomètre, des bateaux de différents types, à rames ou à voile (embarcations papyriformes, bateau-corbeille, grands voiliers de charge, galère, soit un "véritable catalogue de la batellerie nilotique à l’époque gréco-romaine"), une procession avec le sarcophage d'Osiris, "des scènes de genre représentant des sanctuaires liés au fleuve, des scènes de la vie quotidienne ou encore des fêtes et des processions en l’honneur de l’arrivée de la crue, [l’ensemble répondant] à un programme cohérent où chaque détail s’intègre à un projet unitaire." (Patrice Pomey - CEAlex, CNRS)

Lors d’un transfert de la mosaïque à Rome, un morceau, représentant un banquet sous une pergola, a été acquis par le grand-duc de Toscane, qui en fit don à la sœur de Frédéric II de Prusse. Celle-ci l'emporta dans le palais de Bayreuth, et de là, après un passage à Potsdam, le morceau fut exposé au nouveau Musée des Antiquités de Berlin, où il est toujours.
Mosaïque nilotique - Mosaïque de Palestrine
Réalisée entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle de notre ère
Découverte dans la cave de l’ancien Palais épiscopal de Palestrina (Italie) 
Exposée au musée de Palestrina (palais Barberini)

"La mosaïque de Palestrine, commente Gaston Maspero, représente des scènes de la vie égyptienne ; ces scènes sont disposées de la même manière que les scènes analogues des tombeaux égyptiens. Je ne puis m'empêcher de conclure que l'artiste auquel nous devons la mosaïque même, ou le dessin du tapis qui servit d'original à la mosaïque, l'a fait pour son compte. Je ne veux pas dire par là qu'il a reproduit purement et simplement un tableau spécial qu'il avait vu dans un hypogée ; mais je crois ne pas trop m'avancer en affirmant qu'ayant à rendre des scènes de la vie égyptienne, il s'est souvenu des peintures égyptiennes qu'il avait rencontrées au cours de son voyage. En d'autres termes, la mosaïque de Palestrine n'est pas une oeuvre originale due à la fantaisie d'un artiste gréco-romain ; c'est l'interprétation, par un artiste gréco-romain, d'oeuvres égyptiennes remontant aux anciennes époques. Le dessin et la composition de chaque scène particulière sont conçus dans l'esprit des peintres d'Occident ; le sujet de la plupart des scènes et la composition de l'ensemble sont empruntes aux oeuvres des peintres d'époque pharaonique." 

Quel que soit l’avis d’une telle prestigieuse référence, les interprétations de la "mosaïque nilotique" de Palestrina continuent de diviser les experts. On ne saurait toutefois imaginer, au vu de cette "peinture pour l’éternité", plus éloquente passerelle entre deux univers culturels - égyptien et gréco-romain - qui se sont côtoyés avant de s’imbriquer plus étroitement.

Marc Chartier

sources :
http://www.cealex.org/sitecealex/activites/colloques/batellerie_062010/coll_batellerie_resumes_F.HTM
http://www.palestrina.org/mosaico.html
http://www.archeopalestrina.it/mosaico-nilotico/
https://books.google.fr/books?id=jyTFEJ56iTUC&pg=PP1&lpg=PP1&dq=The+Nile+Mosaic+of+Palestrina+:+Early+Evidence+of+Egyptian+Religion+in+Italy&source=bl&ots=FcsP7h_LEf&sig=7DDEGSVOufHaocjRiiEwKIX2djE&hl=fr&sa=X&ved=0CFkQ6AEwCGoVChMI_NLHy7eZxwIVxtYUCh0uFAOe#v=onepage&q=The%20Nile%20Mosaic%20of%20Palestrina%20%3A%20Early%20Evidence%20of%20Egyptian%20Religion%20in%20Italy&f=false
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/topoi_1161-9473_1999_num_9_1_1819

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