mercredi 9 septembre 2015

Boghos Nubar, inventeur d'une charrue à vapeur pour laisser souffler les boeufs

Photo de fond : Zangaki
Fils de Nubar Pacha, ex-Premier ministre d'Égypte, Boghos Nubar (1851-1930) fut un personnage visionnaire, surtout connu comme défenseur de la cause arménienne au profit de laquelle il fonda au Caire, en 1906, l'Union Générale Arménienne de Bienfaisance dont l'objectif était de “contribuer à un développement durable dans les domaines socio-économique et éducatif, notamment en milieu rural, pour maintenir les populations sur leurs terres”.
Boghos Nubar

Cet ingénieur entrepreneur, diplômé de l'École Centrale de Paris en 1873, a dirigé les chemins de fer égyptiens de 1878 à 1898. Il a par ailleurs soutenu de grands projets de développement dans le pays, qui lui donnèrent l’occasion de collaborer avec le baron Édouard Empain à la création d’Héliopolis, près du Caire.
On lui doit également une invention qui attira l’attention de très nombreux visiteurs à l’Exposition universelle de Paris en 1900 et dont il fit une démonstration dans la plaine de Bagneux, près Paris, devant le jury de l’Exposition : la charrue rotative automotrice.

La laboureuse à vapeur n’était pas vraiment une nouveauté, puisqu’en 1858, elle avait été conçue par le Britannique J.W. Fawkers, même si elle nécessitait quand même la collaboration de huit personnes. Puis fit son apparition, en 1873, la Parvins (USA), première laboureuse à vapeur sur chenille. Mais, contrairement aux charrues ordinaires, dont le versoir retournait simplement la bande de terre, la laboureuse de Boughos Nubar, créée pour les terres fortes d’Égypte, comportait un disque vertical muni d’éléments tranchants (coutres) sur son pourtour, tournant perpendiculairement à la direction du déplacement de la machine et mû par un moteur à vapeur alimenté par la chaudière d’une locomotive. L’ameublissement obtenu créait une désintégration parfaite des particules de terre, sur une profondeur de 0.25 m à 0.30 m. La vitesse d'avancement était de 0.20 m environ par seconde pour une largeur utile de 3.65 m.

Lors d’un essai réalisé dans les environs du Caire en 1901 pour comparer le rendement de cette machine avec celui d’une charrue classique, deux champs furent travaillés à l’aide de l’une et de l’autre des techniques. Les semis de coton et les soins d'entretien furent ensuite exécutés de la même façon dans les deux champs. 
Avec l’utilisation des “façons culturales ordinaires”, 16 à 17 journées de travail furent nécessaires pour ameublir un champ d’un hectare, à une profondeur de 15 cm, et la récolte par hectare de coton non égrené fut de 2.503 kg.
Dans le second cas, avec la charrue à vapeur rotative, la préparation du terrain demanda seulement une demi-journée de travail et la récolte fut légèrement supérieure (2.590 kg).
Avec la charrue Boghos, lit-on dans le Bulletin de l’Institut égyptien en 1916, l'ameublissement est parfait, sans mottes, avec une seule façon de l'instrument. On a remarqué (...) aux essais de Choubra que cette machine passe avec assez de facilité sur la terre déjà travaillée. On a observé également qu'elle peut labourer des terres sèches presque aussi dures que les terres ‘charaki’ (sic) du sud du Delta, ce qui est un avantage appréciable pour une bonne culture cotonnière. (...) Nous insistons particulièrement sur ces essais, parce qu’ils montrent l'heureuse influence que peut exercer, sur le rendement en coton, une meilleure pulvérisation du sol en général, et un travail plus profond dans des terres saines, sans réseau de drainage.
Photo de Bonfils
L’homme de lettres égyptien Ahmad Zaki fut toutefois contraint d’admettre, dans son compte rendu de l’Exposition universelle de Paris en 1900 où fut présentée pour la première fois la laboureuse à vapeur de Boghos Nubar : “J’ai fait mention de cette charrue, considérée par les experts en agriculture et en mécanique comme l’une des meilleures réalisations techniques de l’Exposition (...). L’étonnant dans cette affaire, c’est que les Égyptiens, qui auraient dû s’en préoccuper tout particulièrement, puisque cette invention leur a été attribuée (...) et que ses avantages profiteront d’abord à leurs champs, n’ont pas prononcé un mot à ce sujet, à l’exception de quelques rares lecteurs qui m’ont demandé un complément d’information. Quant au reste de la nation et à sa presse, ils sont restés dans la plus complète léthargie. L’Égypte ne devrait-elle pas rougir de cet oubli ? (...) Souhaitons que la presse égyptienne, enfin revenue de sa somnolence et de ses absences, consacre un peu de son temps et de ses pages à des sujets de cette importance, leur dédiant un centième de l’espace qu’elle réserve habituellement aux potins et autres niaiseries ou à ses querelles internes et assauts de vanités. Tâche plus conforme à sa vocation.” (L’Univers à Paris, Norma éditions, 2015, p. 208)

Serait-il donc vrai que nul n’est prophète en son pays ? Quoi qu’il en soit, Borghos Nubar obtint, à l’Exposition universelle de Paris de 1900, une Médaille d’or pour son invention, distinction dont il fut gratifié une seconde fois à l’Exposition de Milan en 1906, suite à des améliorations techniques apportées à sa machine par Winthertour. Puis le vent de la renommée finit par tourner dans le bon sens, y compris sur les terres de l’inventeur. “ Les résultats obtenus au moyen de cette laboureuse, reconnaît le Bulletin de l’Institut égyptien de 1916, démontrent l’excellence du principe sur lequel elle s’appuie, puisque malgré son poids et la perte considérable d’énergie mécanique nécessitée par son déplacement, elle donne des résultats avantageux.
Ici comme en d’autres domaines d’innovation, le plus important était de creuser le premier sillon. Et il revient à un fils de l’Égypte de l’avoir tracé.

MC

Sources
http://www.parisenimages.fr/fr/galerie-collections/5084-1-charrue-automotrice-boghos-pacha-nubar-presentee-a-lexposition-universelle-1900-a-paris-gravure-1901
http://ugabfrance.org/2010/06/29/80eme-anniversaire-du-deces-de-boghos-nubar-pacha/
http://www.unicaen.fr/mrsh/bibagri/galeries.php?rubrique=jap2&illus=61
http://moulin.chauffour.free.fr/machinisme_agricole/1903_machinisme_agricole/1903_laboureuse_automobile_creation_boghos_pacha_nubar.htm
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&ved=0CCkQFjAC&url=http%3A%2F%2Fretro.seals.ch%2Fcntmng%3Fpid%3Dbts-002%3A1906%3A32%3A%3A258&ei=EFOVVc7NF8n6Upi-mxA&usg=AFQjCNE2T1lMLQKr2ZdHsq2TW_dtHx6uyw&sig2=L0yN4HMtOnTPfIMfmoIMAw&bvm=bv.96952980,d.d24&cad=rja
http://cnum.cnam.fr/CGI/rediri.cgi?4XAE67.14
http://www.forgottenbooks.com/readbook_text/Bulletin_1916_1200067849/259

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