dimanche 30 août 2015

Gastinel, pharmacien et chercheur français, devenu pacha

Joseph-Bernard Gastinel 

Joseph-Bernard Gastinel naît le 22 août 1811 à Draguignan. Après ses études secondaires, il est engagé comme apprenti dans une pharmacie de cette ville. Il y reste trois années, puis se rend à Marseille où il se fait employer dans l’une des principales pharmacies de la ville, avant d’être admis comme élève interne à l'Hôtel-Dieu.

Alors qu’il envisage d’aller à Paris pour y parfaire sa formation, une circonstance imprévue vient : "imprimer à ses projets une nouvelle direction". En 1935, le vice-roi d'Égypte Mohammed 'Ali s’adresse à la France pour lui demander de lui envoyer : "des hommes de coeur et de dévouement pouvant, par leurs aptitudes diverses, concourir à son œuvre de régénération de l'Égypte, que le Gouvernement français, d'ailleurs, encourageait de tout son pouvoir". 

Le jeune Gastinel : "séduit par ces offres avantageuses et mû par une noble ambition", se porte volontaire. Il se rend en Égypte où il rejoint le Dr Clot bey, qui vient d’y créer un service de santé et d'enseignement médical. Il est rapidement nommé aide-major pharmacien et préparateur de cours à l'hôpital militaire d'instruction du Caire qui a été récemment doté d’une importante collection d'instruments scientifiques et de produits chimiques.

En 1837, le vice-roi d’Égypte ayant entrepris une expédition militaire en Syrie contre le sultan ottoman, Gastinel est envoyé sur place pour répondre aux besoins du service de santé de l'armée. Diverses missions lui sont confiées pour l’organisation du service dans plusieurs villes occupées par les troupes égyptiennes. 

Gravement atteint par la maladie au cours de ce séjour, il quitte l'armée et prend la direction d'une officine au Caire en 1841. 

"Mettant à profit les rares loisirs que lui laissait le service de sa pharmacie, précise une notice nécrologique publiée par la 'Revue d’Égypte', il se mit à étudier la plante appelée 'haschisch' dont les propriétés physiologiques sont si remarquables, pour en isoler le principe actif destiné à fournir de nouvelles ressources à la thérapeutique. Ses travaux de recherches obtinrent un plein succès."

La publication de son travail lui vaut la reconnaissance du monde médical.

Il mène ensuite des recherches de l'écorce du "Mussenna", un arbre d'Abyssinie, pour ses vertus thérapeutiques dans le traitement du ténia. 

Après avoir vendu sa pharmacie, il entre au service du gouvernement égyptien comme chef du département pharmaceutique des hôpitaux civils, avec le grade de pharmacien-major.

En 1858, sur la proposition du président du Conseil général de santé, Clot bey, il est nommé pharmacien principal, et provisoirement chargé du cours d'histoire naturelle médicale à l'École de médecine et de pharmacie du Caire.

En 1859, il est nommé professeur titulaire de physique et de chimie à la même école, poste qu’il occupera une trentaine d’années. Parallèlement à ses cours, il est chargé de la direction du laboratoire de la pharmacie centrale. Puis, ultérieurement, il est nommé pharmacien inspecteur, membre du Conseil de santé et d'hygiène publique, et de la Commission d'essais des nitres et monnaies ainsi que de la Commission d'expertises chimico-légales dont il sera nommé président peu de temps après.

Dès la fondation de l’Institut égyptien, qui succède au célèbre Institut d’Égypte créé par Bonaparte, il en est nommé membre titulaire.

En 1863, Il se voit confier par le gouvernement égyptien une nouvelle importante mission qui lui donnera l’opportunité de mettre en application sa conviction que : "la prospérité de l'Égypte, sa grandeur, son indépendance, son avenir sont intimement liés à la solution des questions agricoles par l'intervention de la science" : accroître et améliorer les produits du sol, en créant et organisant notamment un jardin d'acclimatation où seront étudiés tous les types de végétaux étrangers susceptibles de fournir de nouvelles ressources économiques au pays.

Ce programme de modernisation agricole comprendra l’introduction sur le territoire égyptien du blé algérien de Médéa, l’amélioration de la culture de l'opium de Haute-Égypte pour lui faire : "acquérir une plus grande valeur au double point de vue thérapeutique et commercial", l’acclimatation en terre égyptienne de divers végétaux : "Eucalyptus globulus" australien (réputé pour la rapidité de sa croissance et ses propriétés assainissantes), l’indigotier de l’Inde, le maïs Cusco du Pérou, le seigle, le chardon à foulon, l’avocatier, le goyavier, le papayer, l’igname de Chine, le ricin rouge de l’Inde et du Soudan.

"En 1866, le gouvernement du Brésil, par l'intermédiaire de son consul général en Égypte, charge le professeur Gastinel d'un travail important de chimie agricole tendant à améliorer la production du café, du coton et du tabac qui sont les produits principaux de ce pays.
Pour atteindre ce but, Gastinel fait venir du Yémen des échantillons de terre des plantations de caféiers produisant les cafés les plus estimés ; de la Basse-Égypte, des échantillons de terre des cotonniers produisant le coton Jumel si apprécié dans le commerce, et, du nord de la Syrie, d'autres échantillons de terre des plantations de tabac, un des meilleurs du Levant, afin de soumettre ces terres à l'analyse et de juger, d'après leur composition chimique, et en tenant compte des méthodes de culture, si les terres des plantations brésiliennes, dont il s'était procuré les analyses, remplissaient bien les conditions nécessaires pour obtenir des produits comparables à ceux du Yémen, de la Basse-Egypte et de la Syrie, qui sont les pays producteurs par excellence." (la "Revue d’Égypte")

Deux distinctions honorifiques viennent conclure ce parcours exceptionnel. Gastinel est tout d’abord promu au rang de colonel ("Bey") par son altesse le Khédive Ismaïl. Puis, lors des cérémonies d’inauguration du canal de Suez en 1869, pour lesquelles il a été chargé d'illuminer les pyramides et le sphinx, l'impératrice Eugénie, épouse de l'empereur Napoléon III, lui décerne la croix de chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur : "pour ses inestimables services rendus à l'Égypte".

De nombreuses autres distinctions françaises et étrangères suivront, dont une élévation à la dignité de pacha (le plus haut titre de la hiérarchie ottomane) par le khédive Tewfik.

Demeuré professeur honoraire à l'École de médecine du Caire, Gastinel pacha rentre en France en 1899. Il meurt à Marseille le 31 août de la même année.

Marc Chartier

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