lundi 6 juillet 2015

Parc Al-Azhar : quand Le Caire se met au vert

Illustration extraite de Sahara safaris.org
30 cm² : voilà l’espace vert dont disposait chaque Cairote dans les années 1990. Un peu juste pour le footing quotidien ! Rapporté à la réalité vraie, ce constat signifiait que les habitants de certains quartiers privilégiés pouvaient en effet s’oxygéner dans des lieux de verdure, alors qu’une bonne partie de la population devait se contenter d’endroits plus confinés où l’arbre n’avait pas droit de cité.


Or, depuis octobre 2004 pour leur inauguration, mars 2005 pour leur ouverture au public, 30 hectares d’espace verdoyant sont venus changer de manière significative, avec tout l’agrément que cela comporte, la physionomie de la capitale égyptienne, dans un quartier dense et populaire : le parc d’al-Azhar.
Cliché D'Arcy Vallance
C’est en 1984 que le projet voit le jour, sous l’impulsion de l’Aga Khan, avec le financement du Trust Aga Khan pour la Culture, conjugué à des partenariats avec la Fondation Ford et le Fonds de développement suisse-égyptien, ainsi qu’avec la collaboration du Conseil des Antiquités et de l’Institut Français d’Archéologie Orientale. Outre l’amélioration des conditions de vie des habitants du quartier voisin de Darb al-Ahmar et, plus globalement, des Cairotes, le projet englobe un programme de “restauration culturelle”, avec la requalification du centre historique du Caire.
Le projet démarre réellement dans sa première phase en 1992. Le chantier est de taille. Il durera dix années. Il a pour objectif de convertir en espace de verdure le site de Darassa, un terrain vague où les ordures de la capitale égyptienne et gravats de toutes sortes se sont entassés depuis des lustres. Ce dépotoir est situé entre la bordure est de la cité ayyoubide du XIIe siècle (un mur classé “patrimoine mondial de l’UNESCO”) et la “Cité des morts” mamelouke du XVe siècle. La topographie présente a priori un avantage : à 87 mètres au dessus du niveau du Nil, il offrira une vue panoramique à 360°sur la citadelle, la mosquée du Sultan Hassan, le Caire ancien et moderne, la “Cité des morts”... et de surcroît, son emplacement à proximité immédiate du Caire médiéval et touristique est facilement accessible grâce à la route circulaire.

Le sol doit être stabilisé, enrichi et traité pour être purifié des polluants divers qui y ont été déversés au cours de quelque 500 années. Le sous-sol doit également être aménagé pour la mise en place des canalisations d’eau, des réseaux électriques et l’intégration de trois immenses réservoirs d’eau douce d’un diamètre de 80 mètres et d’une profondeur de 14 mètres chacun destinés à la ville. 

Cliché Youm7
Inspiré des traditions arabo-musulmanes de diverses époques et régions dans sa conception, le “jardin formel” d’al-Azhar est planté d’espèces végétales adaptées aux températures élevées, au faible taux d’humidité, à la pluviosité réduite et aux vents du désert : sycomores, jujubes, acacias, Cassia smallii, Sophoras arizonica et japonica… ainsi que des plantes grasses et de nombreuses herbes médicinales et aromatiques. Plusieurs variétés de roses sont greffées sur des porte-greffes Rosa canina pour garantir leur développement dans les conditions du parc. Le gazon, semé ailleurs, est apporté et mis en place sous forme de plaques.
L’aménagement végétal est complété par la construction de trois bâtiments : un restaurant de style ayyoubide, un café du bord du lac “résolument islamique moderniste”, avec des fenêtres en structure de bois rappelant les moucharabiehs, et un bâtiment d’accès, les trois reposant sur des piliers ou des radiers. Presque tous les matériaux utilisés sont d’origine égyptienne. Quant au mobilier, il est réalisé en grande partie par des menuisiers de Darb al-Ahmar. 

Photo extraite de zastavki.com
La création du parc d’al-Azhar présente la particularité de s’insérer dans un projet beaucoup plus vaste, où prennent place la restauration du tronçon de 1,5 km du rempart ayyoubide mis au jour lors de l’évacuation des décombres accumulés au cours des siècles ainsi que la “revalorisation socio-économique de la cité historique”. Pour ce second volet du projet, les consultations auprès des résidents ont donné lieu à une liste de priorités, notamment la formation, l’assainissement, la modernisation du logement, le micro-financement, la collecte des ordures, les soins de santé élémentaires et un centre social, entre autres.

Des stages de formation ont été proposés à des professionnels du bâtiment, ainsi qu’aux jeunes dans les domaines de la taille de pierre et de la charpenterie, entre autres compétences requises par la mise en place du projet qui, par ailleurs, a “stimulé la redécouverte de compétences perdues, comme la restauration de fenêtres traditionnelles très élaborées (moucharabiehs)” et la technique de l’opus sectile (découpe de dalles aux normes requises).
Photo extraite de vegypttours.com
Le bilan de cette vaste opération, au regard de la géographe Gaëlle Gillot, maître de conférences à l’Institut d’études du développement économique et social de l’Université de Paris 1, est pour le moins mitigé : “Le parc est devenu, écrit-elle, notamment pour les habitants, un projet déconnecté de la rénovation de la ville historique.” Bien qu’il soit devenu “un pôle d’attraction très fort du quartier, (...) c’est finalement à un public favorisé et venant de l’extérieur du quartier qu’il a été destiné”.
Il n’en demeure pas moins vrai que “l’endroit possède un panorama de tout premier choix, qui n’était pas accessible au Caire jusque-là, (et qu’il) permet une promenade dans le cadre d’une verdure très bien entretenue, aux références culturelles affichées et faisant la part belle aux innovations architecturales contemporaines et aux techniques les plus récentes”.

MC

Sources
http://ismaili.net/timeline/2004/20041227be.html
http://www.citechaillot.fr/fr/auditorium/colloques_conferences_et_debats/autres_rencontres/25528-le_parc_al-azhar_du_caire.html
http://www.annalesdelarechercheurbaine.fr/IMG/pdf/105gillot.pdf
http://www.akdn.org/Publications/2007_aktc_egypt_french.pdf

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