C'est le 5 février 1859, sur la rive ouest de l'ancienne Thèbes, qu'a été découvert, à une profondeur de 5 - 6 mètres, l'impressionnant cercueil de la reine Ahhotep. Il "était couché à même dans le sable, à Dra abou el-Neggah, et cette particularité inusitée a été l'occasion de beaucoup de conjectures. Il est certain que jamais momie royale n'a été enterrée de la sorte, sans tombeau" précise Gaston Maspero dans son "Guide du visiteur au musée de Boulaq, 1883".
Victor Gustave Maunier, agent consulaire de France et antiquaire à Louxor, qui selon certaine sources "dirigeait les fouilles d’Auguste Mariette pendant son absence", en informa ainsi le directeur des travaux d'antiquités d'Égypte : "Mon cher Monsieur Mariette, j'ai le plaisir de vous donner avis que vos reys de Gourneh ont trouvé à Dra Abou-Naggi, une magnifique boîte de momie… au couvercle entièrement doré… Les yeux sont en émail enchâssés dans un cercle d'or ; sur la tête est un serpent uréus en relief, malheureusement la tête du serpent manque, elle devait être en or à en juger à la richesse de la boîte…"
Le cercueil de la "Grande épouse royale, Maîtresse de Haute et de Basse Égypte, Dame des Deux Terres, Douceur d'amour, Dame de Grâce, Épouse du Dieu" contenait non seulement son corps momifié mais également un véritable trésor funéraire. En effet : "il était d'usage, à cette époque, de placer entre les linges qui enveloppaient la momie, tout ce qu'on pouvait rassembler de bijoux ayant appartenu au vivant" (Gaston Maspero).
Auguste Mariette envoya un courrier par lequel il demandait que tout soit transporté vers Boulaq, par vapeur spécial, mais le scénario sera tout autre… En effet, Fadil Pacha, le moudir de Qena, a quelque prétention à penser que ce trésor ne doit pas être remis au service des antiquités, mais revenir personnellement au Vice-Roi Saïd Pacha.
Dans ses mémoires, à la date du 22 mars 1859, Théodule Devéria, proche collaborateur d'Auguste Mariette relate ainsi l'histoire : "Malheureusement, avant réception de cette lettre, le gouverneur de la province avait fait ouvrir le cercueil, par curiosité ou par zèle malentendu, on ne sait trop… On avait jeté comme de coutume la toile et les ossements pour ne conserver que les objets ensevelis avec la momie… Munis d'un ordre ministériel conférant le droit d'arrêter tous les bateaux chargés de curiosités, et de les transborder sur notre vapeur, nous partîmes hier matin pour croiser sur le Nil, aussi haut que le manque d'eau nous permettrait d'aller. A peine arrivés au terme de ce que le Samanoud pouvait faire de route, nous aperçûmes venant à nous le bateau qui portait le trésor enlevé à la momie pharaonique. Au bout d'une demi-heure les deux vapeurs s'abordaient. Après force pourparlers accompagnés de gestes un peu vifs, M. Mariette propose à l'un de le jeter à l'eau, à un autre de lui brûler la cervelle, à un troisième de l'envoyer aux galères et à un quatrième de le faire pendre, etc. On se décida enfin à mettre à notre bord, contre reçu, la boîte contenant lesdites antiquités".
La momie de la reine est perdue à jamais, mais ce qui reste du trésor représente - tout de même - plus de deux kilos d'or !
Les bijoux sont en tout point somptueux et si le collier avec les pendentifs en forme de mouche est sans conteste le plus connu, deux bracelets de perles sont d'un travail exquis. Ils sont quasi-identiques, sauf qu'un bracelet porte, sur le fermoir, le nom de naissance d'Ahmosis, fils de la reine, et l'autre, son nom de couronnement Nebpehtyré.
D'une hauteur de 3,6 cm, d'un diamètre de 5,4 cm, ils sont composés de perles d'or, de lapis-lazuli, de cornaline, de turquoise ou de verre couleur turquoise, retenues par des bandes d'or servant de guides et possédant un fermoir rigide.
Voici une partie de la description, extrêmement précise, que fait Emile Vernier du bracelet référence 52071 dans le Catalogue du musée du Caire - Bijoux et orfèvreries :
"Il y a trente rangs longitudinaux de perles enfilées sur des fils d'or. Ces rangs viennent aboutir à un fermoir rigide, en deux parties, composées chacune de deux bandes d'or réunies à l'intérieur par une cloison sur champ, percée d'autant de trous qu'il y a de fils.
La fermeture est assurée par des brides saillantes au nombre de sept, quatre d'un côté, trois de l'autre. Elles s'emboîtent les unes entre les autres pour former charnière, une goupille mobile en passant dans ces brides fixe le tout, le haut de cette goupille était muni d'un petit crochet qui faisait coup d'ongle et facilitait la prise. Elle est remplacée dans le bracelet décrit ici par une tige ajoutée récemment. Les combinaisons de perles sont faites de façon à présenter des carrés mi-partie or et couleur. Dans la longueur du bracelet ces carrés sont au nombre de dix-sept et de six dans sa largeur.
La fermeté du bracelet est obtenue à l'aide de cinq plaques d'or qui ont la largeur d'un carré de perles. Les plaques ne sont pas visibles à l'extérieur du bracelet, leurs bords relevés vers l'extérieur en font des boîtes où les perles se placent régulièrement.
Les perles sont en forme de sections de cylindre, elles ne sont pas d'une épaisseur régulière, leur longueur est toujours inférieure à leur diamètre et, tandis que les carrés sont composés de cinq rangs horizontaux, le nombre des perles dans chaque rang est de sept à douze.
Les rangs des carrés sont composés ainsi qu'il suit, de haut en bas : 1er rang or et turquoise ; 2e rang or et lapis-lazuli ; 3e rang or et cornaline; 4e rang or et turquoise; 5e rang or et lapis; 6e rang or et cornaline. Le premier rang de chaque carré (toujours horizontalement) est composé de perles d'or moins une. Le second rang et les rangs suivants en perles sont en nombre moindre d'une ou plusieurs, de façon à arriver au cinquième rang à une seule perle d'or. Les perles de couleur font la contre-partie."
Ces bracelets, d'une facture extrêmement soignée et étudiée révèlent la maîtrise atteinte par les artisans orfèvres en ce tout début de XVIIIe dynastie.
Enregistrés au Journal des Entrées du Musée Egyptien du Caire JE 4686 et 4687, ils y sont exposés sous les références CG 52071 et 52072.
marie grillotEnregistrés au Journal des Entrées du Musée Egyptien du Caire JE 4686 et 4687, ils y sont exposés sous les références CG 52071 et 52072.
sources :
Guide du visiteur au musée de Boulaq, Gaston Maspero, 1883
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6305105w.texteImage
Guide du visiteur au Musée du Caire, Gaston Maspero, 1902, Institut français (Le Caire)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57248808.r=gaston+maspero.langFR
L'archéologie égyptienne Gaston Maspero, 1887
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k331686.texteImage
Bijoux et orfèvreries. Fascicule 3,Numéro 52640-53171 / par M. Émile Vernier, 1907-1927
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f18.item.r=52658.texteImage
Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1981 Volume 125 Numéro 3 pp. 487-496, Leclant, Jean
http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1981_num_125_3_13870
Album du musée de Boulaq : comprenant quarante planches, photographiées par MM. Delié et Béchard ; avec un texte explicatif par Auguste Mariette-Bey, éditeur : Mourès (Le Caire)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626090c/f15.image.r=auguste+mariette.langFR
Catalogue du musée du Caire - Bijoux et orfèvreries - Fascicule 2, Émile Vernier, Ifao le Caire, édition 1907-1927
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426/f18.item.r=52658.texteImage
Les reines du Nil, Christian Leblanc, bibliothèque des introuvables, 2009
Mariette Pacha, 1821-1881, Elisabeth David, Pygmalion, 1994
Égypte, Gaston Maspero, collection Ars Una, 1912
Mariette Pacha, 1821-1881, Elisabeth David, Pygmalion, 1994
Mariette Pacha, Claudine Le Tourneur d’Ison, Plon, 1999
Des dieux, des tombeaux, un savant : en Egypte sur les pas de Mariette pacha, somogy, éditions d'art, 2004
Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Francesco Tiradritti
Entre réforme sociale et mouvement national: Identité et modernisation en Egypte (1882-1962), Alain Roussillon
https://books.google.fr/books?id=BvkZCwAAQBAJ&pg=PA278&lpg=PA278&dq=plus+puissant+que+moi+à+Boulaq&source=bl&ots=wLIU4o5Fxm&sig=ACfU3U1KMocxqgFBut-JuEGyeKzXub8ANA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiOmc-
Mémoires et fragments de Théodule Devéria, Gaston Maspero, Gabriel Devéria, 1896
Editions Leroux, Paris
https://archive.org/details/mmoiresetfragme00maspgoog/page/n14/mode/2up
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire