Le mausolée en l'honneur de Mariette. En médaillon : le buste de Vassalli |
Peu après son arrivée au Caire, à l'hiver 1850, Auguste Mariette est invité à dîner chez Bekir Bey et en profite pour lui demander où il peut se procurer des papyrus anciens (objet initial de sa venue en Égypte). Bekir lui glisse quelques noms. Puis, sur le ton de la confidence, ajoute : "Il y a aussi le peintre du vice-roi, Vassalli, qui est très fort sur le sujet." Feront-ils affaire pour les papyrus, l'histoire ne le dit pas. Mais ce qui est certain, c'est qu'à l'automne 1853, il lui vendra le sarcophage de Antef V pour la somme de 1.000 francs français.
Luigi Vassalli |
Qui est donc ce Vassalli, qui restera dans l'entourage de Mariette pendant de si nombreuses années ?
Luigi Vassalli est né à Milan le 8 janvier 1812. Il suit des cours de peinture. Fortement engagé politiquement, profondément révolutionnaire, il échappera de peu à une condamnation à mort, puis sera contraint à l'exil. Une vie d'errance commence alors, entre la Suisse, la France et l'Angleterre où il essaie de vivre de son talent d'artiste en peignant des portraits. Puis il décide de partir pour l'Orient chercher fortune... Il épouse, en Turquie, une jeune femme grecque qui, malheureusement, décédera rapidement. Il part alors pour l'Égypte où il arrive à se faire connaître de Abbass Pacha (neveu de Méhémet Ali) qui lui commande des portraits pour lui et ses proches.
Il se découvre très vite une passion pour l'égyptologie et se lance dans le commerce d'antiquités, se faisant très vite un nom. Mariette apprécie cet "aventurier", sa personnalité, ses talents, sa fougue, son caractère. Aussi, lorsqu'il perd son plus précieux collaborateur Bonnefoy, qui a succombé à la malaria, il lui demande de rejoindre le service des antiquités.
En 1860 : "Vassalli décide de regagner l'Italie où la révolution s'est rallumée". Et, chose assez curieuse, ce "garibaldien" est nommé conservateur des antiquités égyptiennes du musée de Naples. Mais, très vite, son passé le rattrape et il est licencié... et il revient en Egypte.
En 1862-1863, Mariette l'envoie fouiller les collines de Dra Abou el-Naga, à Thèbes, avec Gabet. On peut retrouver traces de ses travaux, notamment dans une lettre des archives de Mariette conservée à la Bibliothèque nationale, ainsi que dans les dessins se trouvant parmi les manuscrits Vassalli.
Vassalli reprend ses fouilles sur différents sites, dans la "Thèbes du nord" Tanis, dans l'oasis du Fayoum, Guizeh, Saqqara ou bien encore en Haute-Égypte, dans les nécropoles thébaines de Dra abou el-Naga et Assassif, et également à Abydos. À partir de 1863, il recopie les textes des temples de Denderah et Edfou.
En novembre 1865, il est nommé conservateur du musée de Boulaq, le tout premier musée d'antiquités créé par Mariette, qui a été inauguré en 1863.
En 1871 : "il effectue environ 150 reproductions en carton-pâte de pièces du Musée de Boulaq et il les expédie en Italie où il se rend ensuite pour surveiller le remontage". Les copies qu’il en tire se trouvent maintenant dans les collections égyptiennes de Turin, Florence et Naples. "Durant cette période, il est chargé par le gouvernement italien d’inspecter les plus grandes collections italiennes de pièces d’antiquités égyptiennes dans les musées de Turin, Florence, Bologne, Naples et Rome."
Il revient ensuite au Caire et se remet au travail. Lorsque Mariette meurt, en janvier 1881, il assure l'intérim à la direction du musée en attendant la nomination de Gaston Maspero. Il semble qu'ils entretiennent de très bonnes relations, Maspero le nommant affectueusement “le vieux père Vassalli”.
Vassalli prend sa retraite en 1884 et repart pour l'Italie. Il reviendra une fois encore en Égypte, en février 1886, tel que cela est raconté dans la correspondance de Maspero : "Le père Vassalli est en Égypte et vient me rejoindre à Louxor. (...) Tout en retard qu’il est, il est le bienvenu. (...) Tout le monde est en joie de le revoir, y compris les Grébaut et Morel qui ne l’ont jamais vu, mais c’est égal.” Maspero complète ainsi le tableau : “Il est toujours solide, mange bien, boit mieux, dort ferme, fume sans sourciller les meilleurs cigares de la régie italienne, et cligne de l’oeil en contant la gaudriole, comme s’il avait vingt ans." (26 février 1886)
Luiggi Vassalli, souffrant de la goutte, se suicidera le 13 juin 1887.
À sa mort, selon ses volontés, ses archives ont été déposées à la Mairie de Milan.
Sept années plus tard, le 17 mars 1904, lorsque le monument en hommage à Mariette sera inauguré dans la cour du nouveau musée égyptien place Tahrir au Caire, le souvenir de Vassalli sera lui aussi commémoré. En effet, le ministère des Travaux publics autorisera : "à associer aux honneurs rendus à Mariette son ami L. Vassalli Bey, qui fut trente années durant Conservateur du Musée de Boulak, et dont le buste, exécuté à Rome par le sculpteur Guido Calori, venait d'arriver".
Le nom de Vassalli est réapparu il y a peu, associé à la polémique relative à l'authenticité - ou non - des célèbres "Oies de Meïdoum". Lors de leur découverte, en 1872, au nord de la pyramide de Snéfrou, Albert Daninos, qui était chargé de la fouille, précise que c'est Luigi Vassalli, conservateur au musée de Boulaq, qui détacha "les oies" du mur et les transporta au Caire où elles sont actuellement exposées au Musée Egyptien de Midan el-Tahrir. Se basant sur plusieurs constatations et raisonnements, l'éminent Professeur Francesco Tiradritti pose alors cette question, jusqu'alors sans réponse : "Les oies sont-elles un produit de l’Ancien Empire ou bien... celui d’un peintre du XIX siècle (Luigi Vassalli)" ?
marie grillot
Un grand merci à Francesco Tiradritti - qui a beaucoup écrit sur Vassalli - pour sa lecture attentive et les compléments qu'il a bien voulu apporter.
sources :
Who Was Who in Egyptology, Bierbier, M., London: Egypt Exploration Society
Gaston Maspero, Lettres d'Égypte, Correspondance avec Louise Maspero, Seuil, 2003
Gaston Maspero le gentleman égyptologue, Pygmalion, 1999
https://www.wikiwand.com/en/Luigi_Vassalli
https://www.academia.edu/944960/Legittologo_Luigi_Vassalli-bey_1812-1887_
History of Egypt, Chaldæa, Syria, Babylonia, and Assyria, Volume 6
http://egyptophile.blogspot.fr/2015/05/le-professeur-francesco-tiradritti.html
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