"Pour les anciens Égyptiens, écrit Jean Yoyotte dans le 'Dictionnaire de la civilisation égyptienne', l’or était une des plus précieuses substances. Mais sa haute valeur ne reposait point, aux origines, sur des critères purement économiques. Parure divine et royale, il était la chair brillante et incorruptible du Soleil et des dieux issus de lui."
L'un des magnifiques colliers d'or Psousennès, découvert Tanis le 16-2-1940 par Pierre Montet Musée égyptien du Caire - JE 85762 |
Le métal aurifère ne manquait pas en Égypte ancienne. Rappelons que, dans son cercueil momiforme de bois doré, la reine Ahhotep était entourée d'un trésor funéraire de plus de deux kilos d'or, que le masque d'or de Toutankhamon pèse plus de 10 kg, que son troisième cercueil dépasse les 110 kg, sans compter les artefacts, éventails, sandales, naos, statues en or au bois doré. Christiane Ziegler précise que : "Le poids de certains colliers du pharaon Psousennès excède 4 kg. C'est précisément avec l'image d'un collier que les Égyptiens écrivaient le nom de l'or, nébou".
Le métal précieux n'était pas que dédié aux pièces d'orfèvrerie, la feuille d'or pouvait également revêtir de splendeur et d’éternité les idoles divines, les pointes des obélisques, les meubles des cérémonies rituelles…
Puis, "dès le deuxième millénaire, poursuit Jean Yoyotte, le métal divin (fut considéré comme) une matière négociable entre particuliers et, comme les autres métaux, il servit couramment de monnaie de change".
L'une des sandales en or de la momie de Toutankhamon Carter 256... - JE 60678, 60679 - GEM 27-A-B Provenance : tombe de Toutankhamon découverte en novembre 1922 par Lord Carnarvon et Howard Carter |
D’où provenait cet or utilisé à profusion dans l’Égypte antique ? Plus modestes et assurément plus réalistes que la légende selon laquelle l’or était en Égypte aussi abondant que le sable des routes, les études archéologiques retiennent aujourd’hui l’existence de quelque 250 sites miniers répartis dans le désert Arabique et la Nubie.
"Les gisements aurifères exploités par les anciens Égyptiens sont situés, en majeure partie, entre le Nil et la mer Rouge. Si le hasard de la distribution géologique a placé quelques sites à proximité du Nil, la presque totalité des concentrations en or se trouve dispersée dans le désert oriental de l'Égypte et du Soudan." (Robert Vergnieux).
Le règne de Sethi nous a laissé un texte évoquant des travaux exécutés pour faciliter l'accès des mines d'or aux expéditions, par la création d'un nouveau point d'eau...
Les mines du Wadi Hammâmât (à environ 110 km à l'est de Qéna, sur la route de Coptos à la mer Rouge) et du Wadi Allaqi (à l’est de l’actuel lac Nasser) furent exploitées au début de la période ramesside. Le célèbre "papyrus minier" de Turin, qui remonte à l'ère du roi Ramsès IV (ou Ramsès II ?) donne des indications étonnamment précises sur la mine El-Fawakher et celles situées dans le désert, entre Louxor et la mer Rouge.
Dans la lignée de prospections effectuées de manière intensive depuis le XIXe s. par Belzoni, Wilkinson, Meredith, Sidebotham, Wright..., une mission française, créée en 1994 et conduite par Bérangère Redon (CNRS, HiSoMA), en collaboration avec Thomas Faucher (CNRS, IRAMAT, Orléans), a mené des recherches sur le site de Bi’r Samût, à mi-chemin entre Kôm Ombo et Marsa Alam. Ces fouilles archéologiques avaient plusieurs buts : inventorier les techniques d’extraction, de traitement et de fonte du minerai ; étudier la caractérisation chimique de la composition de l’or égyptien ; mieux comprendre les raisons et effets de l’occupation ptolémaïque du désert oriental égyptien.
Quant aux conditions de travail des mineurs, elles sont décrites en ces termes par le grammairien et géographe grec Agatharchidès qui visita la région au IIe siècle av. J.-C. : "Les rois d’Égypte rassemblent les individus condamnés pour quelque crime, les prisonniers de guerre (…) et les livrent au travail des mines d’or, infligeant ainsi un châtiment aux condamnés et tirant en même temps de substantiels revenus de leur travail. Ces hommes, livrés aux mines (...) peinent sur leur travail sans interruption, le jour et la nuit entière, sans connaître aucune pause. (...) Aussi ces malheureux pensent devoir redouter toujours plus l’avenir que le présent à cause des punitions excessives et, jugeant la mort plus désirable que la vie, ils l’appellent de leurs voeux."
Dans la lignée de prospections effectuées de manière intensive depuis le XIXe s. par Belzoni, Wilkinson, Meredith, Sidebotham, Wright..., une mission française, créée en 1994 et conduite par Bérangère Redon (CNRS, HiSoMA), en collaboration avec Thomas Faucher (CNRS, IRAMAT, Orléans), a mené des recherches sur le site de Bi’r Samût, à mi-chemin entre Kôm Ombo et Marsa Alam. Ces fouilles archéologiques avaient plusieurs buts : inventorier les techniques d’extraction, de traitement et de fonte du minerai ; étudier la caractérisation chimique de la composition de l’or égyptien ; mieux comprendre les raisons et effets de l’occupation ptolémaïque du désert oriental égyptien.
Quant aux conditions de travail des mineurs, elles sont décrites en ces termes par le grammairien et géographe grec Agatharchidès qui visita la région au IIe siècle av. J.-C. : "Les rois d’Égypte rassemblent les individus condamnés pour quelque crime, les prisonniers de guerre (…) et les livrent au travail des mines d’or, infligeant ainsi un châtiment aux condamnés et tirant en même temps de substantiels revenus de leur travail. Ces hommes, livrés aux mines (...) peinent sur leur travail sans interruption, le jour et la nuit entière, sans connaître aucune pause. (...) Aussi ces malheureux pensent devoir redouter toujours plus l’avenir que le présent à cause des punitions excessives et, jugeant la mort plus désirable que la vie, ils l’appellent de leurs voeux."
La mine de Sukari - exploitée par Centamin Egypt, filiale de la compagnie minière australienne Centamin est située dans une concession de 160 km2 au sud-est du désert arabique, à 25 km de la mer Rouge |
Qu’en est-il aujourd’hui de ce potentiel économique de l’Égypte ?
Depuis quelques années, tous les regards sont portés vers Sokkari (Sukari), une mine située dans une concession de 160 km2 au sud-est du désert arabique, à 25 km de la mer Rouge. Son exploitation a été confiée à Centamin Egypt, filiale de la compagnie minière australienne Centamin.
Depuis quelques années, tous les regards sont portés vers Sokkari (Sukari), une mine située dans une concession de 160 km2 au sud-est du désert arabique, à 25 km de la mer Rouge. Son exploitation a été confiée à Centamin Egypt, filiale de la compagnie minière australienne Centamin.
Un article de janvier 2020 de l'Agence Ecofin indiquait que : "En Égypte, le groupe minier Centamin a enregistré durant le dernier trimestre 2019 une production record de 148 387 onces d’or à la mine Sukari, portant le volume total produit pour l’exercice à 480 529 onces. Il s’agit d’une augmentation de 51 % par rapport au trimestre précédent et de 2 % en glissement annuel par rapport à 2018".
D'autre part, la même source, informait le 14 février 2020, que : "Le gouvernement égyptien a octroyé un permis d’exploitation aurifère à Aton Resources pour sa concession minière Abu Marawat. C’est seulement le deuxième permis accordé par l’État après celui de Centamin pour la mine Sukari en 2005. La compagnie minière dispose d’une licence valable pendant 20 ans avec une prolongation optionnelle de 10 ans pour exploiter l’or notamment au gisement principal Hamama."
Centamin gold mining - Photo illustrant l'article d'Ahram Online du 25 février 2020
"Egypt to launch gold mining exploration tender in March" |
Enfin, Ahram Online, dans un article en date du 25 février 2020, annonce que : "L'Égypte a récemment modifié la loi sur l'exploitation minière, dans le but d'attirer de nouveaux investisseurs. L'Egypte lancera son premier appel d'offres international pour l'exploration d'or et d'autres minéraux le 15 mars, a annoncé le ministère du Pétrole. L'appel d'offres se déroulera jusqu'au 15 juillet et proposera des blocs de 56 000 kilomètres carrés dans le désert oriental riche en minéraux."
De telles prévisions optimistes ne doivent pas occulter un constat et une inquiétude...
En effet, en 2013, dans son article intitulé "Les nouveaux chercheurs d'or égyptien, Marion Touboul, faisait le constat de : "L’arrivée de milliers de chercheurs d’or qui prospectent le sol sans vergogne, parfois devant leur porte. Après le départ de Hosni Moubarak, l’armée, qui contrôlait ces montagnes célèbres pour ces gisements d’or, s’est déployée dans des zones jugées plus stratégiques comme le Sinaï, Le Caire ou Port Saïd où les heurts avec la population sont nombreux. Une aubaine pour les Égyptiens des régions d’Assouan et de Marsa Alam, proches du désert oriental, qui ont aussitôt senti l’appât du gain et se sont lancés dans l’extraction sauvage de l’or."
L’inquiétude : "(Les travaux des compagnies minières) menacent assurément les sites antiques, qui servent souvent de points de départ pour les exploitations récentes. (...) La course est désormais lancée entre les chercheurs d’or et les archéologues. Puissent ces sites uniques préservés jusqu’alors par le désert subsister encore assez longtemps pour délivrer quelques-uns de leurs secrets" (revue "L’archéologue" n°126, 2013, article collectif).
Des fastes de l’époque pharaonique, qui voyait dans le métal jaune une "matérialisation" des rayons lumineux du soleil, aux perspectives actuelles d’un nouvel essor économique dû à une moderne "ruée vers l’or", la fascination a définitivement changé de registre. L’Égypte a néanmoins la sagesse de ne pas oublier son histoire.
marc chartier & marie grillot
sources :
https://www.academia.edu/3827459/Lor_dEgypte._Lexploitation_des_mines_dor_dans_le_d%C3%A9sert_Oriental_sous_les_Ptol%C3%A9m%C3%A9es http://www.hisoma.mom.fr/recherche-et-activites/desert-oriental
http://www.utdallas.edu/~rjstern/egypt/PDFs/SE%20Desert/KlemmAU.JAES01.pdf
Égypte : Centamin a achevé 2019 avec une production record au quatrième trimestre à la mine d’or Sukari, 09 janvier 2020
https://www.agenceecofin.com/or/0901-72631-egypte-centamin-a-acheve-2019-avec-une-production-record-au-quatrieme-trimestre-a-la-mine-d-or-sukari?fbclid=IwAR1XpYLtMrQgB27eAae_3TChoEfJ7rfjGzyq43hl-i5K_WxeN3mWUftPwio
Égypte : quinze ans après, le gouvernement délivre un nouveau permis d’exploitation aurifère, Ecofin, 14-2-2020
https://www.agenceecofin.com/or/1402-73843-egypte-quinze-ans-apres-le-gouvernement-delivre-un-nouveau-permis-d-exploitation-aurifere?fbclid=IwAR3DAmLACtbDKUJfUk6MQFSSM3f61KQikUZ5pmwtoDSH63oZKvBVxDEcCck
Égypte : quinze ans après, le gouvernement délivre un nouveau permis d’exploitation
Les nouveaux chercheurs d'or égyptien, Marion Touboul, 2013
https://www.google.fr/search?q=marion+touboul+chercheurs+d%27or&sxsrf=ALeKk003YlKbZYMkjIoX0HpUiSu8oWJ1_A:1582649556912&tbm=isch&source=iu&ictx=1&fir=o6rg6hWTxPCTIM%253A%252CU4Po-RzZ7dxLfM%252C_&vet=1&usg=AI4_-kRzW11brPUB-b9FPCDaPOr3KUYt1g&sa=X&ved=2ahUKEwiS35KFle3nAhWI2KQKHTZTBHQQ9QEwAnoECAkQBQ#imgrc=OISTZ2MIak6jpM
L'Égypte lancera un appel d'offres pour l'exploration des mines d'or en mars
Ahram Online , Tuesday 25 Feb 2020
http://english.ahram.org.eg/NewsContentP/1/364108/Egypt/Egypt-to-launch-gold-mining-exploration-tender-in-.aspx?fbclid=IwAR2Kmc1VoaTj2DI_Hg9q2nGTf5TYK58-M1gtUOsRyvpWZYjAESKbGSab944
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