mardi 2 juin 2015

Serge Sauneron, un égyptologue au "savoir encyclopédique" avec une "puissance de travail remarquable"

“Le paysage égyptien absorbe l'homme et lui donne en échange une petite part de son éternité.” (Serge Sauneron)

"Le 3 juin 1976, sur la route du désert entre Le Caire et Alexandrie, une terrible collision coûtait la vie à Serge Sauneron, directeur de l’Institut français d’archéologie orientale, ainsi qu’à son fils et à une de ses collaboratrices égyptiennes. N’ayant pas encore atteint cinquante ans, Serge Sauneron était en pleine possession d’une science confirmée, à la tête d’un grand centre de recherches qu’il avait totalement rénové." (hommage, par Jean Leclant)

Né à Paris le 3 janvier 1927, Serge Sauneron manifeste très tôt son intérêt pour l’égyptologie. "Partant d'une curiosité étendue pour les langues et les peuples anciens, l'excellent élève et l'enfant méthodique et grave qu'il était commence à apprendre à lire les hiéroglyphes en 1942. En 1944, il était déjà passé à la paléographie hiératique et aux rudiments du démotique" précise Jean Yoyotte. Il poursuit ses études au prestigieux lycée parisien Henri IV, puis intègre l'École Normale Supérieure. Au contact de Jean Yoyotte, avec lequel il écrira un premier article en 1949, de Pierre Montet, de Gustave Lefebvre, dont il suit les cours l’École des Haute Études, de Pierre Lacau (Collège de France), il acquiert une solide formation, doublée d’une “puissance de travail remarquable”, qui lui ouvrira toutes grandes les portes de l’Égypte ancienne.
Le palais Mounira (IFAO)

En 1949, il a l’occasion de découvrir pour la première fois l’égyptologie de terrain : il accompagne, comme photographe, Pierre Montet sur les fouilles de Tanis.

En 1951, il est nommé pensionnaire à l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO), où il fera toute sa carrière, "y consacrant toute son énergie et toute sa vie". Il y deviendra directeur des fouilles en 1961, bibliothécaire en 1962, secrétaire général en 1967, pour finir directeur de 1969 à son décès accidentel.

Il décide de publier le temple d'Esna : "l'un des moins explorés des grands édifices tardifs. Esna est sa grande affaire, mais elle ne l'empêche pas de mener de front d'autres entreprises : ostracas et papyrus de Deir el Medineh, excursions de reconnaissance en divers lieux célèbres ou obscurs et jusque dans les oasis..." (Jean Yoyotte). 

Son intérêt pour les richesses culturelles et archéologiques de l’Égypte antique prendra une dimension encyclopédique. Il englobera non seulement la publication des textes ptolémaïques du temple d’Esna, des études de toponymie et de mythologie regroupées dans l’ouvrage "Villes et légendes d’Égypte" (1974), la création dans les publications de l’IFAO de la collection "Voyageurs occidentaux en Égypte" (il confie à son épouse Nadine la traduction des récits de voyageurs italiens des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles), la publication des peintures des monastères de Wadi Natroun et de la mer Rouge ainsi que l’étude de techniques et traditions populaires : fabrication du verre, poterie, usage de la roue à eau…

L'éclectisme des thèmes peut surprendre mais il est ainsi expliqué par Jean Yoyotte : "L'attachement fanatique que Serge Sauneron éprouvait pour la réalité égyptienne et une ouverture d'esprit qui n'est pas si courante l'ont empêché de se confiner, tout égyptologue qu'il fût, ou parce qu'il était égyptologue, dans la défense et l'illustration du seul passé pharaonique. C'est l'Égypte totale dont il veut développer l'étude, encourageant les travaux sur les périodes hellénistique, chrétienne, arabo-islamique, ainsi que sur les traditions populaires."

La publication de sa thèse sur “Les fêtes religieuses d’Esna aux derniers siècles du paganisme”, présentée en Sorbonne en 1962, lui vaut de recevoir le prix Saintour de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dont il sera élu correspondant en 1970.
Temple de Karnak

En 1967, un protocole est signé entre les ministres de la culture égyptien et français, Sarwat Okacha et André Malraux, officialisant la naissance du Centre franco-égyptien d'étude des temples de Karnak (CFEETK), chargé de l’étude et de la restauration des temples de Karnak. Serge Sauneron est très impliqué dans la création du Centre ; il apporte le concours de sa science et son sens des affaires, et en est nommé le directeur scientifique.

Il aura été : "un patron exigeant beaucoup de ses collègues et collaborateurs", mais:  "il exigeait finalement beaucoup plus de lui-même que des autres, craignant, dans le secret de son coeur de se prêter par excès d'enthousiasme à l'injustice qu'il détestait".

marie grillot & Marc Chartier 

sources :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1981_num_1_1_1425_t1_0085_0000_1
François Pouillon, Dictionnaire des orientalistes de langue française, IISMM - Karthala, 2012
http://www.ifao.egnet.net/bifao/77/
http://egypte-eternelle.org/index.php?option=com_content&view=article&id=74:esna&catid=14&Itemid=515
Who Was Who in Egyptology, Bierbier, M., London: Egypt Exploration Society

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