mercredi 24 juin 2015

Canon du Ramadan : plusieurs voix pour une tradition

Début du Ramadan 2021 : Pour la première fois depuis 1992, le canon du Ramadan résonnera à partir de la citadelle Salahuddin Al-Ayoubi au Caire, chaque soir du mois au moment de l’ "iftâr", à compter du 13 avril
Photo publiée par le Ministère du Tourisme et des Antiquités le 13-4-2021

Il est des événements fortuits qui marquent l’histoire.
Par exemple la coutume dans des pays musulmans de signaler quotidiennement la fin du jeûne en période de Ramadan - le moment de l’ "iftâr", premier repas après le coucher du soleil -, par un coup de canon.

Les origines de cette pratique restent incertaines, même si les hypothèses nous ramènent toutes en Égypte. La première rattache cette coutume au wâli (gouverneur) mamelouk Khosh Qadam qui avait reçu un canon en cadeau de la part d'une usine allemande. Il voulut l’essayer au moment du coucher du soleil et, par "pure coïncidence" est-il rapporté, il s’agissait du premier jour du mois de Ramadan 869 (26 avril 1465). Le bruit résonna dans le ciel du Caire et les jeûneurs l’interprétèrent comme le signal de fin de jeûne. Le lendemain, ils se rassemblèrent dans l’attente d’un nouveau signal. Pour les satisfaire, le wâli ordonna donc la remise en service du canon au moment du "maghrib" et fit exécuter cette manoeuvre chaque jour du mois sacré. 
Les canons de la Citadelle du Caire

Un autre récit fait plutôt remonter la coutume à l'époque de Méhémet Ali (XIXe s.). Ce fondateur de l’Égypte moderne avait acheté des canons de fabrication allemande pour équiper l’armée de son pays. Il aurait ordonné un tir de l’une de ces armes au moment du coucher du soleil, un jour de Ramadan. Surprise, la population interpréta le coup de canon comme une nouvelle façon d’être informée du moment de l’”iftâr” et en aurait souhaité le renouvellement régulier. Le pacha aurait donné son accord et, dès lors, le canon résonna deux fois par jour, pour la rupture et la reprise du jeûne.
Vue sur la Citadelle - Cairo 1922 - photo Donald MCleish

Une troisième version de cette coutume, semble-t-il la plus populaire, situe son origine sous le règne d’Ismaïl Pacha (fin XIXe s.). L'histoire raconte qu’alors qu’ils nettoyaient leurs armes, les soldats de l’armée du khédive mirent à feu un canon, par erreur, exactement au moment du "maghrib". Et c’est alors qu’entre en scène une certaine Fatima qui aurait demandé au souverain d’ériger cette fausse manoeuvre en pratique régulière chaque jour du mois de Ramadan. 
La Citadelle du Caire

Quant à l’identité de cette personne, le flou demeure : il s’agirait soit de l’une des filles du pacha, bien placée il est vrai pour faire valoir sa requête, soit d’Al-Hajja Fatima, une dame âgée qui habitait dans le quartier d’Abdine, au centre du Caire, et préparait chaque jour de jeûne l’ "Iftâr" pour l’équipe en charge du canon rituel. Les gens, raconte-t-on, la taquinaient en chemin, lui demandant de se dépêcher pour hâter le moment de la détonation du canon. De là est née la tradition d’appeler cette arme bien pacifique le “canon de Fatima”.

Qu’en est-il de cette coutume aujourd’hui ?

Si depuis près de vingt ans, le canon de la Citadelle du Caire s'était tu, le ministère du Tourisme et des Antiquités vient, en ce mois d'avril 2021, d'indiquer que : "Pour la première fois depuis 1992, après avoir fait l'objet de travaux de restauration, le canon du Ramadan sera à nouveau mis en service depuis la Citadelle de Salah al-Din al-Ayyubi au Caire, chaque jour du mois de Ramadan, pour indiquer le moment de l'iftar (rupture du jeûne)."

Une odeur de poudre et une détonation que les cairotes seront, nous n'en doutons pas, heureux de retrouver !

Marc Chartier

sources : 
Communiqué du Ministère du Tourisme et des Antiquités à l'occasion du  début du Ramadan 2021 (13-4)
https://www.facebook.com/moantiquities/posts/3992799200765700



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