vendredi 29 mai 2015

Jaroslav Černý, un chercheur à Deir el-Medineh

Jaroslav Černý (Pilsen, République tchèque, 2-8-1898 - Oxford, 29-5-1970)


Jaroslav Černý est né le 22 août 1898 à Pilsen, en Bohème, dans l'actuelle République tchèque. Très jeune, dès l'école primaire semble-t-il, son intérêt pour l'Égypte se manifeste. Après des diplômes obtenus à la faculté de Pilsen, il s'inscrit à la Faculté des arts de Prague où il se spécialise sur les Hittites. Il assiste aux conférences égyptologiques dispensées par Frantisek Lexa et oriente alors fermement ses études vers l'égyptologie. Il se spécialise dans les écritures, principalement le hiératique et le copte.

Il accepte un job d'étudiant dans une banque qui lui permet de préparer sa thèse sur "La vie des ouvriers de la nécropole thébaine". Il visite les musées européens et entre alors en contact avec de nombreux égyptologues. À Londres, il se rapproche d'Alan Gardiner, avec lequel il collaborera plusieurs fois et qu'il aidera d'ailleurs à publier sa propre collection d'ostracas. 
De g. à dr. :  Fernand Bisson de la Roque, Bernard Bruyère, Étienne Drioton et Jaroslav Cerny

À Turin, où il s'est rendu afin d'étudier les objets découverts par Schiaparelli à Deir el-Medineh, il rencontre Bernard Bruyère qui dirige le chantier de l'IFAO sur la "place de vérité". Aussi, lorsque la mission française recherche un philologue épigraphiste, c'est tout naturellement vers lui qu'elle se tourne. C'est en 1925 que Jaroslav Černý rejoint la mission où il restera plus de 15 années. Bernard Bruyère la dirige de main de maître : "vêtu d'une vareuse et de culottes de cheval, des leggins aux mollets et un casque colonial sur la tête ; il avait une allure militaire et son aspect allait de pair avec sa façon de conduire la fouille et la maison sur laquelle flottait le drapeau tricolore". 
La montagne de Thèbes, inscriptions et ostraca 

Voici comment Černý décrit ses débuts : "Au pied de la colline, nous laissons les ânes et empruntons le chemin vers ce qui sera désormais notre maison. Elle est située presque au point culminant de la colline, de sorte qu'y accéder, surtout dans la chaleur de la journée, n'est pas une partie de plaisir. Elle a l'avantage de dominer l'ensemble de la nécropole et d'offrir un large panorama vers la vallée du Nil… Nous travaillons 8 heures par jour, à partir de 6h30 avec un quart de la pause d'une heure pour le petit déjeuner à 12, et de 1 à 3h30. Personne n'est autorisé à quitter la zone de la nécropole pendant les heures ouvrables. La transgression de cette règle est immédiatement sanctionnée. Le chantier est en activité tous les jours, sauf le mardi, jour de marché à Louxor ou nous allons tous faire nos courses de la semaine." L'équipe de fouilles peut compter jusqu'à 200 personnes ! Et de magnifiques découvertes sont faites, des tombes bien sûr, mais aussi le grand puits qui "livra des objets par milliers, notamment des ostraca et des papyrus" qu'il étudiera avec Georges Posener. Des ostracas de céramique attireront son attention et leur traduction permettra "de conclure à l'existence de pratiques oraculaires au sein de cette communauté : les ouvriers en appelaient à leur dieu tutélaire pour résoudre de conflits grâce à ses décisions".

Il publie une étude sur "Le culte d'Aménophis Ier chez les ouvriers de la nécropole thébaine" et travaille, dès 1929, à la rédaction d'un catalogue recensant les inscriptions hiératiques des ostracas du musée égyptien du Caire qui sera édité en 1933. "Černý, patiemment, reconstruisit les relations sociales existant entre les membres de la communauté, ainsi que leur pratiques religieuses." 

Tout en travaillant à Deir el-Medineh, il obtient, en 1930, un poste d'enseignant à la faculté de Prague. Pendant la guerre, il est attaché à la Légation tchécoslovaque au Caire, puis au ministère des Affaires étrangères de son pays à Londres. 

On le retrouve ensuite à Saqqarah, mais une dépression nerveuse l'oblige à se reposer pendant de longs mois à Hélouan. Il part ensuite pour le Sinaï où il procède au relevé de graffitis et inscriptions, puis il s'intéresse à ceux gravés sur les falaises de Thèbes Ouest par des artisans et des fonctionnaires à la fin du deuxième et au début du troisième millénaire av. J.-C. Bien que souffrant d'altération de la vue et de certains problèmes de santé, il apprécie ce travail ardu. Aidé par sa femme, Manya, et par des collègues égyptiens, français et suisses, il passe deux mois chaque année dans cette "chasse aux graffitis". Son travail sur le terrain doit beaucoup à l'encouragement et à l'aide de savants français ainsi qu’au grand intérêt manifesté pour son travail par le ministère égyptien de la Culture et le département des Antiquités.

En réponse à l'appel de l'Unesco, il collabore également au relevé épigraphique des temples de Nubie, principalement ceux d'Amada, de Gebel el-Shems et d'Abou Simbel.

Černý a toujours su conjuguer le travail sur le terrain, les publications (et elles sont nombreuses !) et l'enseignement. Ainsi sa carrière d'enseignant est-elle riche et prestigieuse puisqu'en 1946, il est nommé (sur les recommandations d'Alan Gardiner) à la chaire d'égyptologie de l'Université Collège de Londres, en 1951 professeur d'égyptologie à Oxford, et en 1954 à l'Université Brown Providence de Rhode Island. En 1967, il sera amené à donner des cours au Collège de France. La liste des honneurs reçus, ou sociétés ou associations dans lesquels il a été actif, est longue et serait fastidieuse à lire… 

Tout au long de sa vie, Černý a œuvré pour une meilleure connaissance de l'Égypte, et plus particulièrement sur le site et la communauté de Deir el-Medineh, où il s'est employé à comprendre et analyser la vie des artisans, leur quotidien, leurs pratiques, leurs croyances, leur religion… 

Jaroslav Černý était admiré pour son intelligente et sa grande érudition et le monde de l'égyptologie l'a pleuré lorsqu'il a disparu subitement à Oxford, le 29 mai 1970.

marie grillot

sources :
M.L. Bierbrier, Who Was Who in Egyptology, London, Egypt Exploration Society
http://www.penn.museum/sites/expedition/jaroslav-cerny/
BIFAO 27, 1927, p.159-203

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