jeudi 16 octobre 2014

Il y a 110 ans Schiaparelli découvrait la demeure d'éternité de la sublime Nefertari


Dès le début du XVIIIe des égyptologues - dont les plus renommés comme Wilkinson, Champollion et Rosellini, ou encore Lepsisus ou Brugsh - mènent des fouilles dans la Vallée des Reines (c'est d'ailleurs Champollion qui donnera ce nom à la nécropole).

En 1903, la concession est attribuée aux Italiens du musée de Turin. Les deux années de fouilles, menées sous la direction d'Ernesto Schiaparelli, seront couronnées par la mise au jour de pas moins de 13 tombes. Parmi les plus connues, celles des princes Amonherkhepshef et Khaemouaset qui sont ouvertes actuellement au public. 

Mais la plus belle, la plus extraordinaire de leur découverte, a lieu en 1904, sur le versant nord du ouadi principal. Il s'agit de la tombe de Nefertari, grande épouse du pharaon Ramsès II. "À la cour d'Égypte, on l'appelait "Mout la Belle" ou encore "Mout la Divine", mais son véritable nom était Nefertari. On le traduisit par "Celle qui appartient à la Beauté", "Sa belle", "La plus belle de toutes", "La plus belle d'entre elles".
L'entrée de la tombe

Avec de telles épithètes, de tels superlatifs, peut-on s'étonner que sa demeure d'éternité soit si belle et si parfaite qu'elle constitue le joyau de Ta Set Neferou ?

Lors de la découverte, l'escalier est rapidement dégagé par les ouvriers, mais la porte qui devait protéger la sépulture est ouverte. "Des déblais avaient glissé, pénétré dans la première salle et ce remplissage atteignait presque le plafond", note Schiaparelli. Le sol de la tombe est entièrement recouvert de boue solidifiée.

Voici la première description qu'il fait de la tombe : "Un premier escalier conduit à la salle d'entrée, sur les murs de laquelle on peut déjà voir les belles sculptures qui ornent toute la tombe, qui sont gravées ou peintes sur du stuc, et que malheureusement l'humidité a endommagées. À droite de cette salle s'en trouve une autre décorée de la même manière. De ces deux salles part un escalier conduisant à un palier dominant de quatre marches la salle du sarcophage ; un autre tout pareil est de l'autre côté de la salle ; sur l'un et l'autre reposent deux piliers qui portent le plafond, et tandis que le premier palier a deux petites chambres latérales, le second en a une seule qui ouvre sur le milieu. Les sculptures sont toutes religieuses, et de longs textes qui les accompagnent sont tirés du Livre des Morts."

Le déblaiement est long et fastidieux ; les différentes phases sont notées, relevées et photographiées. Les 135 plaques photographiques qui sont au musée de Turin sont autant de témoignages de l'état dans lequel la tombe apparaît aux découvreurs, puis de l'avancée des travaux.

La porte ouverte constituait aussi le triste signe que cette demeure d'éternité avait été violée et pillée dès l'antiquité. Du fabuleux et royal trésor qu'elle a dû abriter, il ne reste que "de rares objets, au milieu de linceuls déchirés, tout montrait à quel point le viol et le saccage avaient été systématiques". Les pilleurs n'ont laissé que "des scarabées, des fragments du couvercle du sarcophage en granit, et des fragments d'un couvercle de cercueil en bois doré. Une trentaine de "chaouabtis”, de nombreux tessons de poterie… Une des niches ménagées pour les briques magiques dans la chambre funéraire contenait le pilier Djed en bois cloisonné avec incrustation de pâte de verre qui avait, un jour, décoré la brique. Il est inscrit au nom de la reine Nefertari… Enfin pour finir, humble mais émouvant objet délaissé par les pillards, une paire de sandales en corde…"

Il est intéressant - étonnant ? - de rapporter que "quelques pièces du mobilier funéraire de la reine sont apparues sur le marché des antiquités de Louxor en 1904. Elles ont été rachetées par le musée de Boston. Il y avait là une grande plaque d'argent, une petite plaquette d'or emboutie, un pendentif en bronze, et quatre serviteurs funéraires".

Et qu'en est-il de la momie de la reine ? Il apparaît presque comme un crime de lèse-majesté de relater que seuls les deux genoux ont été retrouvés. A-t-elle, dans des temps troublés, été mise à l'abri dans une cachette royale, l'équivalent de la DB 320 pour les reines ?

Mais l'image de la reine, elle, est demeurée bien vivante ! Car, bien que pillée, violée, martyrisée, la QV 66 recèle de véritables richesses : la richesse de ses peintures et notamment les représentations de la reine. Sur plus de 500 m², la féminité affleure, la noblesse est là. La beauté rayonne partout, exprimée, sublimée, dans des scènes peintes dans le goût le plus exquis et dans une palette de couleurs jusqu'alors inégalée… Il nous faut noter une entorse à l'habituelle couleur jaune-ocre destinée à la chair des femmes, celle de Nefertari est résolument de couleur rouge-rose.

Mais : "la Vallée des Reines n'est pas réputée pour la qualité de son calcaire. En effet, comme la majorité des roches composant la région thébaine, le calcaire a été fracturé par des tremblements de terre et il est bagué de veines de silex. Par conséquent, il n'est pas bien adapté à la peinture ou la sculpture". Les siècles, les infiltrations, l'humidité ont fragilisé les enduits, et les peintures se délitent, menacent de tomber et de disparaître. Dès 1950, des mesures de sauvegarde sont prises, et la tombe sera ensuite fermée à plusieurs reprises pour consolidation et restauration. La dernière, la plus importante, a été menée par le Getty Institute de Los-Angeles, de 1987 à 1992. 

Depuis novembre 1995, la QV 66 n'a été rouverte que très rarement, et pour un nombre confidentiel de visiteurs, notamment ceux pouvant payer une somme conséquente. En juillet dernier, le Conseil suprême des Antiquités a annoncé son projet de construction d'une réplique exacte, grandeur nature de la tombe. 

Des manifestations seront organisées, dans la Vallée des Reines, à partir du 15 octobre 2014, pour le 110ème anniversaire de cette magnifique découverte.

marie grillot

sources : 
Nefertari, Christian Leblanc, Editions du Rocher 1999
http://www.getty.edu/conservation/publications_resources/pdf_publications/pdf/house_eternity1.pdf
https://www.getty.edu/conservation/publications_resources/pdf_publications/pdf/house_eterniy2.pdf
http://www.getty.edu/conservation/publications_resources/pdf_publications/pdf/house_eternity3.pdf
http://www.carneycastle.com/Nefertari/index.htm
http://www.osirisnet.net/tombes/pharaons/nefertari/nefertari_01.htm
http://www.nileinternational.net/fr/full_story.php?ID=125409
"http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1926_num_4_1_5659

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