mardi 14 octobre 2014

Jacques Vandier, de la vallée du Nil au Louvre

Jacques Vandier en 1950 - photo du Griffith Institute
En fond, le Papyrus Jumilhac dont il a réalisé le déchiffrement et l'exégèse

Jacques Vandier naît le 28 octobre 1904 près de Lille où il fera des études perturbées par la guerre, puis par des problèmes de santé. Il s'inscrit ensuite à l'École du Louvre et entre à l'Institut catholique de Paris. C'est avec l'un de ses professeurs, l'abbé Etienne Drioton, qu'il découvre la discipline qui orientera sa vie : l'égyptologie.
"Au cours des années passées aux Hautes Études, Jacques Vandier, tout en s'initiant aux subtilités de la syntaxe égyptienne, apprend à connaître des garçons qui suivent les mêmes cours que lui et qui resteront toute sa vie ses camarades. Il y rencontrera surtout celle qui partagera son existence."

Son mariage avec Jeanne Marie Thérèse Vandier d’Abbadie a lieu le 5 novembre 1931 et le couple d'égyptologues oeuvrera, côte à côte, toute la vie.
Jacques Vandier présente sa thèse sur "La famine dans l'Égypte ancienne", puis le couple rejoint l'IFAO au Caire. Ils apprennent à aimer l'Égypte où ils passeront de longues et belles années.

"Il commence sa carrière d'archéologue militant sur le terrain, dans la Place de la Vérité, site majeur de la nécropole thébaine. Du lever au coucher du soleil, il surveille le chantier au milieu d'un nuage de poussière. Après le travail, armé d'une torche électrique, il visite les temples et les tombes : la Vallée des Rois, le Ramesséum, Médinet Habou et tous les autres sites célèbres ou méconnus. Deir el-Médineh est admirablement placé pour cette exploration. Le jour de souk, le dimanche des fouilleurs, il traverse le Nil pour aller à Louqsor et à Karnak. Pourtant il trouve le temps de préparer, en collaboration avec Mme Vandier d'Abbadie, la publication de la tombe de Nefer-Abou, qui comprend, en appendice, tous les monuments de ce personnage disséminés dans différents musées."
Puis, alors qu'il se trouve au temple de Tôd, occupé à relever les inscriptions ptolémaïques, il assiste à une découverte extraordinaire : "Le 8 février 1936, à 16 heures, il voit apparaître, sous le dallage du Moyen Empire que les ouvriers démontent, quatre coffrets de bronze contenant le fameux trésor d'argent et de lapis-lazuli : lingots, cylindres, innombrables coupes importés de Syrie.

Le tombeau d'Ankhtifi à Mo'alla, au sud de Louqsor :
sur les piliers sont gravés des textes autobiographiques.

Il parcourt les grands sites de la vallée du Nil, se rend à Nubie, puis à Kharga. Intéressé par la période qui précède le Moyen Empire, Pierre Lacau lui confie la "publication du tombeau d'Ankhtifi à Mo'alla, au sud de Louqsor. C'est une chance insigne pour un débutant. En effet, parmi les textes de la Première Période Intermédiaire, il n'existe rien de comparable aux inscriptions biographiques et historiques du prince de Héfat, tant pour le volume de la documentation que pour son intérêt."
Il fera un travail remarquable, connu et reconnu de tous…

Il est approché par Charles Boreux pour prendre le poste de conservateur des antiquités égyptiennes au Louvre. "Le philologue convaincu, pour qui l'égyptologie se limitait à l'étude des textes, se mue en archéologue et en historien de l'art pharaonique." Là encore, il excelle et devient très vite un expert incontournable. "Bien des objets acquis par Jacques Vandier présentent à la fois une valeur archéologique et artistique… L'examen approfondi des objets que les antiquaires lui apportaient sans cesse, ont conduit Jacques Vandier à acquérir une connaissance hors pair des antiquités égyptiennes de toutes les catégories et de toutes les époques. Il avait un jugement sûr, mais ne se fiait jamais à son flair ni à l'impression qu'il retirait de l'examen initial. Il entendait s'entourer de toutes les précautions possibles."

Parallèlement, il enseigne l'archéologie à l'École du Louvre (1940-1955), ainsi qu'à l'Institut Catholique de Paris (1936-1951). Lorsqu’Étienne Drioton, appelé à prendre la tête du Service des Antiquités au Caire, l'informe qu'il n'a plus de temps pour poursuivre "la rédaction de l'Histoire de l’Égypte ancienne pour la collection 'Clio', Jacques Vandier accepte de prendre le relais. Le "Drioton-Vandier" sera dès lors, pour les égyptologues, un "incontournable".
Malgré sa santé fragile, notamment une attaque de poliomyélite en 1955, Jacques Vandier semblait infatigable. "Le mot 'vacances' était pour lui synonyme d'ennui ; il cherchait toujours à les occuper."
Il est très prolifique et ses œuvres demeurent des références. Comment ne pas citer les 11 volumes du "Manuel d'archéologie égyptienne" qui paraîtront de‎ 1952-1964, ainsi que l'édition du "Papyrus Jumilhac "(du nom du château où il fut conservé en Dordogne). Ce papyrus de 9 m, jugé au départ comme peu intéressant, lui avait été apporté dans son bureau au Louvre. Une étude approfondie lui en révèle la grande valeur : il s'agit d'un recueil en hiéroglyphes des mythes et de légendes qui expliquent l'origine des noms de lieux, des centres religieux, des coutumes et des croyances d'une des provinces les moins bien connues de l'Égypte.
Jacques Vandier a eu une vie riche : riche de savoir et riche en relations humaines. L'hospitalité du couple Vandier faisait que dans leur demeure, se succédaient amis et connaissances du monde de l'égyptologie.
Jacques Vandier s'est éteint le 15 octobre 1973. Il me semble difficile de ne pas terminer cet hommage sans les mots magnifiques de Georges Posener (déjà largement cité) : "L'homme était d'une qualité aussi rare que le savant."
Marie Grillot

Plus d'informations :
"Notice sur la vie et les travaux de M. Jacques Vandier", par M. Georges Posener
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1975_num_119_1_13075
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1973_num_117_3_12924
http://www.brown.edu/Research/Breaking_Ground/bios/Vandier%20d%5C'Abbadie_Jeanne%20Marie%20Threse.pdf

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