jeudi 16 octobre 2014

Edouard Naville : une foi totale en l'égyptologie

Howard Carter a illustré l'ouvrage d'Edouard Naville "The Temple of Deir el Bahari"
paru en 1895 Part I. Plates. I-XXIV. The North-Western and of the upper platform...

Né à Genève le 14 juin 1844, Henri-Edouard Naville reçoit une solide éducation, enrichie par des cours au King’s College de Londres. "Vers l'époque où il terminait ses études, tandis que l'Assyriologie végétait, l'Égyptologie, au contraire, à la suite des étonnants succès de Mariette, de Rougé, de Maspero, se présentait aux esprits curieux de progrès comme une science d'avenir ; ce fut vers elle qu'Edouard Naville orienta ses recherches".

Edouard Naville, égyptologue suisse

(Genève, 14-6-1844 - Genthod, 17-10-1926)


Pour enrichir ses connaissances sur la civilisation égyptienne, il se rend à Rome (hiver 1864), où il fait la connaissance de l'illustre épigraphiste Gian Battista de Rossi, à Bonn (1865), dont l'Université est alors, sous l'impulsion de B. G. Niebuhr, un haut lieu de la philologie classique, à Paris (1866), où il obtient sa licence en égyptologie, et Berlin (1867), où il suit les cours du célèbre égyptologue Richard Lepsius. Celui-ci : "le dirigera vers l'étude des textes religieux, le mettra sur la piste du Livre des Morts de l'ancienne Égypte et l'encouragera à entreprendre très tôt des voyages en Égypte, jugeant avec pertinence que seule la vision des lieux permet une véritable connaissance du passé historique".

De novembre 1868 à avril 1869, Naville est ainsi en Égypte. Il descend jusqu'à Assouan et travaille à relever des hiéroglyphes, des peintures et des bas-reliefs dans toute une série de temples, en particulier des textes relatifs au mythe d'Horus recueillis dans le temple d'Edfou. Ce travail : "auquel il se consacre avec le sentiment de l'urgence devant l'état de dégradation des vestiges", aboutit à la collecte de cinq caisses de dessins et d'estampes qu’il publiera avec les encouragements de Lepsius et le concours d'un helléniste bernois, d'un établissement lithographique et d'un éditeur genevois. Entre-temps, il effectue un deuxième voyage en Égypte, à l'occasion de l'ouverture du canal de Suez. Le résultat de ses travaux, publié en 1870, attire sur lui l'attention du monde savant.
Edouard Naville among his workmen at Tell Basta

En avril 1873, il épouse Isabelle Marguerite de Pourtalès, aquarelliste de talent, qui partagera fidèlement sa vie. Elle mènera, à ses côtés, en tant qu'épouse et copiste, 14 campagnes de fouilles car, suivant les conseils de son maître et ami Lepsius, Edouard Naville est, autant qu'il le peut, sur le terrain.

Mais, à chaque séjour, il ne peut que déplorer la dégradation des monuments. Il initie alors l'idée de subventionner le service de conservation des antiquités. Au tout début des années 80, Amelia Edwards qui fait, elle-même, à chaque voyage ce même constat, souhaite protéger l'immense patrimoine pharaonique avant qu'il ne soit trop tard… Elle adhère à l'idée émise par Naville et crée, en 1882, l'Egypt Exploration Fund (EEF). 

Ses études sur les bords de la Tamise font de lui un parfait anglophile. Les contacts qu'il y a noués facilitent la recherche des financements pour les premières campagnes : il en sera donc le premier directeur. Ses rapports avec Amelia sont chaleureux, ils partagent la même passion et le même objectif : jusqu'à son décès en 1892, ils échangeront plus de 200 lettres !

Il participe aux fouilles de Tell el-Maskhuta ; en 1885 et 1886, il explore le Wadi Tumilat, puis jusqu'en 1889, le site de Bubastis, où il découvre des tombes dans lesquelles, par milliers, avaient été inhumées des momies et des statuettes de chats. 

Mais son grand chantier demeure Deir el Bahari : de 1893 à 1907, il fouille le site, du temple d'Hatchepsout au temple de Montouhotep, poursuivant ainsi les travaux débutés par Mariette en 1858. Il publiera le résultat de ses recherches en six volumes édités par l'EEF entre 1905 et 1909.
Restitution du temple de Mentouhotep II, proposée par Naville

Une anecdote intéressante mérite d'être rapportée. En 1898, il a, dans son équipe, un jeune anglais qui a la charge de copier les reliefs peints des murs du temple d'Hatchepsout. Un matin, celui-ci lui signale que son cheval a chuté sur l'arasement d'une structure devant le temple de Mentouhotep et lui suggère de mener des fouilles… mais le secteur est en dehors du territoire de l'EEF et Naville refuse. Ce jeune homme, c'est Howard Carter : en 1900, il reviendra sur place et découvrira ce qui est connu sous le nom de El-Bab el-Hosan, la "tombe du cheval", qui recèle, entre autres, la magnifique statue de Monthouhotep.

En 1910, on retrouve Naville en inspection sur la nécropole royale d'Abydos ; puis, en 1914, il participe à la fouille de l'Osireion avec Gibson et Wainwright, fouille interrompue par la Première Guerre mondiale. 

Les publications se succèdent : celle de 1870 sur le mythe d'Horus : "La Litanie du Soleil" en 1875 ; le "Livre des Morts" en 1886 ; "Archéologie de l'Ancien Testament" en 1913, publication fondée notamment sur des tablettes contemporaines des XVIIIe et XIXe dynasties découvertes à Tell el-Amarna…

Il est à l'origine de la première chaire d'égyptologie à l'Université de Genève et, à partir de 1912, il exerce la fonction de professeur d'archéologie dans cette même faculté. 

Edouard Naville a toujours été très intéressé par la religion. Il pensait que l'égyptologie : "devait surtout l'aider à résoudre les nombreux problèmes que soulève l'étude des textes bibliques, qui furent durant toute sa vie le sujet préféré de ses recherches". Il consacrera d'ailleurs ses dernières années à des recherches bibliques. 

Actif et engagé, tout au long de sa vie dans de nombreuses oeuvres humanitaires (Croix-Rouge, Prisonniers de Guerre, Ligue internationale philarménienne, …), il décède dans sa maison de Malagny, dans la commune de Genthod, en Suisse, le 17 octobre 1926, à l’âge de 82 ans.

Marc Chartier & marie grillot

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