jeudi 2 octobre 2014

Coup de projecteur sur le cinéma "Métro" du Caire


Projet de la division internationale de Loew Inc. pour commercialiser les films MGM, le cinéma Metro ouvre ses portes en 1939 au Caire (*), au 35 rue Soliman Pasha (aujourd'hui Talaat Harb), avec la présentation du célèbre "Autant en emporte le vent", de Victor Fleming. Les spectateurs font la queue sur le trottoir pour obtenir le sésame leur donnant accès à cette salle déjà considérée comme la plus grande et la plus belle de la métropole égyptienne.

Les plans en ont été conçus dans un style Art Déco par l’architecte new-yorkais Thomas Lamb - auteur également du Madison Square Garden - avec la collaboration de Gaston Rossi de la société locale d'architectes Dominioni, Rossi & Salama. 

Doté de l’air conditionné (ce qui permet aux cols blancs de s’offrir une confortable séance à 3 heures de l’après-midi), offrant une capacité d’accueil de 1527 places (914 pour l’orchestre, 195 en loges et 418 au balcon, avec sièges rembourrés prédisposant à une sieste dans de bonnes conditions), le Metro peut à juste titre être considéré comme la"fierté de l’Orient" par la marque au lion rugissant.

Mai 1947 : la belle histoire connaît un premier accroc, et il est de taille. Lors d'une projection de "Bad Bascomb", un western réunissant Wallace Beery et Margaret O'Brien, la réalité rattrape et dépasse la fiction : une bombe, posée par les Frères musulmans, explose en pleine séance, tuant et blessant plusieurs personnes. Le cinéma est alors fermé pendant quelques mois pour que les réparations soient effectuées.

Quelques années plus tard, le samedi 26 janvier 1952, alors que l’Égypte est en pleine effervescence politique et que l’armée est aux portes du pouvoir, le cinéma Metro est détruit par un incendie dont sont victimes également le Turf Club, la banque Barclay’s et le célèbre salon de thé Groppi, fréquenté à cette époque par la grande bourgeoisie égyptienne et les riches expatriés.

Il sera reconstruit, non à l’identique, mais avec de nouveaux aménagements intérieurs, dans une ambiance de "savane africaine, avec masques, boucliers et animaux sauvages en arrière-plan". Les affaires reprennent et le Metro conserve la réputation d'être l’un des meilleurs cinémas du Caire jusque dans les années 1970. 

En 1955, Robert Taylor et Eleanor Parker sont présents à la grande première de "Vallée des Rois", un film réalisé par Robert Pirosh, cet événement coïncidant les festivités d'inauguration de l'Hôtel Hilton sur la place Tahrir. En 1978, la princesse Alexandra de Kent, tout spécialement venue d'Angleterre, y assiste à une projection du tout nouveau film "Mort sur le Nil", de John Guillermin, adaptation au cinéma d’un roman d'Agatha Christie, qui met en scène le détective belge Hercule Poirot.

Les années passant, la "fierté de l’Orient" perd de son prestige. Nationalisé, mais : "trop longtemps ignoré par un État devenu socialiste, le cinéma devient une salle puante avec des chats errants et un système acoustique déglingué qui tente de lutter contre les bruits d’un public indiscipliné mangeant des pépins et des arachides en recrachant les résidus. De surcroît, la censure est devenue ridiculement austère, et aller au cinéma est devenu plus un mal de tête qu'un plaisir." 

Toutefois, écrit Samir Raafat en mai 1997 : "ces jours-ci, les choses s'améliorent. Le mot à la mode est la privatisation et le cinéma est considéré comme un bon investissement. L'argent est actuellement injecté dans la modernisation et la rénovation des salles de cinéma du centre-ville du Caire." Mais contrairement aux cinémas voisins Odeon et Radio, le Metro ne fait pas l’objet de restauration et modernisation. Il reste cependant ouvert et "vaut le détour". "Aujourd'hui, écrit Ken Roe dans 'Cinema treasures', il présente une large gamme de films américains et égyptiens et sa projection de dessins animés hebdomadaire en fait un endroit idéal pour emmener les enfants."
(*) une autre salle Metro sera également ouverte à Alexandrie.

Marc Chartier

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