Joseph-François Michaud (19 juin 1767 - 30 septembre 1839) est un historien et pamphlétaire français, auteur d’une "Histoire des Croisades" (7 volumes, 1812-22)
On souligne volontiers la complexité de ce personnage qui fut royaliste, puis républicain, puis de nouveau royaliste, et même ultra-royaliste, et eut maille à partir avec l’autorité et la justice.
Il prétendait d’ailleurs avoir été emprisonné onze fois et condamné à mort deux fois.
Un rappel des différentes fonctions de cet écrivain n’a pas sa place ici. On en trouvera mention à partir de la première référence proposée ci-dessous. Arrêtons-nous plutôt à ses liens avec l’Égypte.
En mai 1830, alors qu’il a 63 ans, il entreprend avec Jean-Joseph-François Poujoulat, un historien, journaliste et homme politique français, un voyage en Orient qui les mène en Grèce, à Constantinople et à Jérusalem. Au terme du périple, Poujoulat rentre seul à Paris par la Syrie et Michaud se rend en Égypte. Mais les deux complices entretiennent alors une correspondance très fournie qui sera publiée en 1830-1831, sous le titre "Correspondance d'Orient" (7 volumes).
Le long détour effectué par Michaud dans la vallée du Nil inspire évidemment de nombreuses relations sur les localités, villes et sites visités. Nous n’en retiendrons ici que quelques généralités grâce auxquelles nous percevons un "mode de voyager" qui se veut, et est sans doute, peu courant à une époque où les "amas de vieilles pierres" suscitaient souvent davantage d’intérêt et de passion que les coutumes de la population, les foires, les marchés, les cafés, les bazars, voire les danses des almées !
Lisons plutôt :
"Les plus savants de nos voyageurs modernes ont trop négligé peut-être de nous parler de l’Égypte telle qu’elle est de nos jours ; lorsqu’on lit leurs relations, on serait tenté de croire que le pays n’a plus d’habitants ; l’humanité n’attire leurs regards que lorsqu’il en est question sur des pierres, et pour que l’homme les intéresse, il faut qu’il ait vécu il y a trois mille ans et qu’il ne soit plus qu’une momie. Pour moi… mille générations écoulées ne m’empêchent point de voir la génération présente qui doit prendre aussi sa place dans l’histoire. Si j’avais du temps, je n’irais ni à Thèbes ni dans les autres lieux où sont les grandes ruines, mais je resterais quelques mois dans un village du Delta." ("Correspondance d’Orient", lettre CXIV, vol. 5)
"Quand je relis ceux qui m’ont précédé, je sens combien il est difficile, combien il est rare de voir un pays lointain tel qu’il est, et de savoir s’arrêter dans ses admirations. À Dieu ne plaise que je fasse ici le procès à toutes ces descriptions d’un autre siècle ; mais j’ai du moins recueilli de leur lecture cette leçon qu’il faut, autant qu’on le peut, se défendre de l’enthousiasme lorsqu’on en a, et surtout lorsqu’on n’en a pas. Au reste, les voyageurs du temps passé sont loin d’avoir le même défaut ; les uns, calculant froidement les produits de l’Égypte, les autres, ne cherchant que des ruines, ne passent pas leur temps à visiter des jardins, et croiraient compromettre la dignité de la science s’ils s’arrêtaient devant un paysage, ou s’ils prenaient quelque plaisir à contempler les beaux rivages du Nil." ("Correspondance d’Orient", lettre CX)
Marc Chartier
sources :
Correspondance d'Orient, 1830-1831, vol. 1 :
Jean-Marie Carré, "Voyageurs et écrivains français en Égypt"”, tome 1, IFAO, 1956
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