mercredi 24 septembre 2014

Richard Pococke : l'Irlandais qui a donné des lettres aux tombes de la Vallée

Plan de la Vallée des Rois tel qu'établi par Pococke

Richard Pococke, qui devait devenir évêque d'Ossery et de Meath en Irlande, fut un grand voyageur et un égyptologue de la première heure.

Né en 1704 à Southampton, dans une famille extrêmement croyante, il suit des études classiques, puis religieuses, et apprend les langues orientales. Devenu pasteur, il préfère très vite les voyages aux homélies et sermons. C'est ainsi qu'à partir de 1733, il parcourt l'Europe, puis se passionne pour le Proche-Orient : Liban, Jérusalem, Palestine, Asie Mineure, la Grèce, et… l'Égypte.

Le 29 septembre 1737, il arrive à Alexandrie, puis il visite Rosette et le Caire. Il fait un récit extrêmement détaillé et documenté de sa visite des pyramides et admire le Sphinx : "Directement en face de la seconde pyramide, environ un quart de mille vers l'Orient, on trouve le fameux Sphinx, lequel est éloigné d'environ un demi-quart de mille de l'endroit que le Nil inonde, le terrain où il est étant plus bas que celui où sont bâties les pyramides. Il est sur le grand chemin qui conduit à ces bâtiments magnifiques, l'autre dont j'ai parlé ayant été probablement pratiqué pour conduire les pierres à la grande. Le rocher paraît avoir été taillé autour du Sphinx, et les pierres ont servi à construire les pyramides, la figure étant d'une seule pièce ; ce que quelques-uns ont pris pour les joints n'étant que les veines du rocher." Il nous laisse ainsi un dessin du Sphinx qui, alors, avait encore son nez !
Richard Pococke en costume oriental, 1738 par Jean-Étienne Liotard

Il met ensuite le cap vers la Haute-Égypte, s'arrête à Denderah ; mais son but est bel et bien la Vallée des Rois. Il en fait cette magnifique description, la seule peut-être de ce à quoi ressemblait Biban el-Moulouk en ce début du XVIIIe : "Nous arrivâmes à une partie (du chemin) plus large, donnant sur une ouverture circulaire, comme un amphithéâtre, et nous grimpâmes, sur une hauteur de trente mètres environ, par un passage abrupt et étroit qui semblait avoir été taillé dans le roc. Ce passage nous permit d'accéder à Biban el-Moulouk. Il y a trace de dix-huit tombes approximativement, si je n'ai pas fait d'erreur. Il faut cependant remarquer que, selon Diodore, il n'en subsistait que dix-sept à l'époque des Ptolémées ; toutefois, si j'ai pu voir l'entrée de ces tombes et trouver qu'elles atteignent à peu près ce nombre, on ne peut maintenant pénétrer que dans neuf d'entre elles. Les falaises de part et d'autre sont des rochers à pente raide, et tout le site est recouvert de pierres qui semblent en être tombées ; les grottes sont creusées dans la roche de la manière la plus belle qui soit et se composent de longues chambres ou de couloirs qui s'enfoncent sous la montagne, construites en pierre de taille blanche et dense, aussi friable que la craie, aussi lisse que les plus fines décorations exécutées en stuc ; certaines sont recouvertes de peintures, et leur vivacité est intacte." 

Il est très actif puisqu'il découvre, relève ou visite les tombes suivantes : KV1 (Ramsès VII), KV 8 (Meremptah) KV 14 (Taousert) ou bien encore KV 10. Il exécute bon nombre de dessins et croquis.

On lui doit un plan de la vallée, un relevé d'une conception - disons assez "originale" -, avec à chaque entrée d'hypogée une lettre de référence. Mais "son œuvre, toute de rigueur, pose cependant quelques énigmes aux historiens qui n'arrivent pas à faire coïncider les plans qu'il a dessinés avec les tombes connues" !

Il ne déroge pas à la règle d'alors d'écrire son nom pour la postérité sur un monument. La trace de son passage "Richard Pococke, Anglais, le 16 septembre 1739" sera observée par un voyageur plus tardif (1803), mais de nos jours, sa localisation n'a pu être retrouvée et semble perdue à jamais.

Il remonte le Nil jusqu'aux cataractes, s'arrêtant à Éléphantine et à Philae et rencontre alors brièvement l'artiste danois Frederik Ludwig Norden.

Il rentre au Caire, puis quitte l'Égypte pour rejoindre Jérusalem, poursuivant ainsi son périple dans d'autres contrées.

C'est en 1742 qu'il revient en Angleterre et sa "Description de l'Orient" paraît, en deux volumes, en 1743 et 1745. Il rencontre un énorme succès et sa réputation dépasse les frontières.

Richard Pococke, qui est décrit par Richard Cumberland comme : "un homme à l'air solennel… de mœurs douces, et à la simplicité primitive", meurt d'apoplexie le 25 septembre 1765, presque 28 ans jour pour jour après avoir posé le pied sur le sol d'Égypte.

marie grillot

sources :
http://pyramidales.blogspot.fr/2010/01/la-grande-pyramide-pu-etre-batie-autour.html
The complete Valley of the kings, Nicholas Reeves, Richard h. Wilkinson - The American Université in Cairo press
Histoire de la Vallée des Rois, John Romer, Vernal - Philippe Lebaud, 1991
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1062162/f267.image.r=Pococke%20vall%C3%A9e%20des%20rois.langFR
http://en.wikisource.org/wiki/Pococke,_Richard_(DNB00)

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