vendredi 19 septembre 2014

Narcisse Berchère : il a chanté l'Égypte avec sa palette et son pinceau

Narcisse Berchère - Felouques au bord du Nil

Rien ne prédisposait Narcisse Berchère à une carrière artistique.

Né le 11 septembre 1819 à Étampes (Essonne), ce fils d’un marchand meunier devait, en toute logique de la société d’alors, succéder à son père dans le métier. Mais sa découverte des couleurs de l’art, notamment avec Théodore Rousseau et Corot, lui fera prendre une autre orientation : il ne vivra que par et pour la peinture.

Il se lance tout d’abord dans des oeuvres "régionales". Il : "ne peut concevoir d’autres sujets que ceux offerts par la nature. Cet amour de la couleur et des paysages, il le retrouve au fil des cours d’eau et dans les rues de sa ville, qu’il immortalise par l’huile et l’aquarelle, avec une précision d’entomologiste."

Puis, la trentaine venue, il entreprend de voyager pour aller puiser ailleurs son inspiration et apprivoiser d’autres lumières. En 1849 et 1850, il visite l’Égypte, la Syrie, l’Asie Mineure, la Turquie, la Grèce et Venise. Six ans après, ce sera le désert du Sinaï, en compagnie de son ami peintre Léon Belly, puis la Basse-Egypte, où il est rejoint par Gérôme et Bartholdi.
Narcisse Berchère - Ruines et colonnes à Louxor (dessin)

De novembre 1861 à avril 1862, il est choisi par Ferdinand de Lesseps comme le peintre-dessinateur attitré de la compagnie de Suez chargée de la construction du canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge. Il a pour mission d’en mémoriser les faits marquants. Il exécute ainsi un album de 68 plans, dessins et aquarelles, qu’il remet à de Lesseps, lequel l’offre ensuite à Napoléon III. 

Cet album est malheureusement détruit dans l’incendie du palais des Tuileries, sous la Commune, en 1871. Seul reste le témoignage écrit : "Le Désert de Suez : cinq mois dans l’isthme" (1863), rédigé sous forme de lettres à son ami Eugène Fromentin, à qui l’ouvrage est dédié.

L’artiste toutefois ne peut se restreindre à des considérations techniques sur le déroulement du chantier, aussi gigantesque soit-il. À preuve ces impressions qui nous éloignent singulièrement des travaux de terrassement : "Ce que Suez a gardé, c’est son ciel incomparable et d’une lumière exquise, ses côtes de l’Arabie blondes et dorées comme le miel, sa mer glauque d’un indéfinissable azur, où frissonnent et courent des moires d’or et d’argent ; c’est sa belle couronne de montagnes, les eaux de son golfe qui se perdent au désert - lapis enchâssé dans l’or -; c’est la brise qui vous arrive sur le dos de la mer poissonneuse, apportant avec elle une haleine chaude et remplie de parfums qui vous fait rêver aux îles des épices, aux rivages de l’Inde et aux pays des tropiques." ("Le Désert de Suez")

Juste récompense, Berchère entame son troisième voyage à travers l’Égypte en 1869, avec Fromentin, à l’occasion de l’inauguration du canal de Suez. 

Il décède à Asnières le 20 septembre 1891.
Narcisse Berchère

"Ce qui l’avait séduit dans l’Orient, ce n’était ni l’éclat brutal des coloris, ni l’ardeur irrésistible du soleil, ni la puissance invincible - presque féroce - de la lumière, dans ce pays où elle ruisselle de partout. Non. Ce qui l’avait charmé surtout, c’était, avec l’harmonie des couleurs se jouant dans la pureté d’une atmosphère idéale, le vague flottant des horizons baignés par de mystérieuses effluves, le charme enivrant de la nuit orientale, la poésie et surtout, oui surtout, la mélancolique majesté des ruines. Voilà pourquoi, plus que toute autre, l’Égypte a été sa terre de prédilection. Littérateur, il a décrit avec l’impartialité de l’historien, mais aussi avec l’imagination de l’artiste, cette contrée particulièrement mystérieuse dont la Compagnie du Canal de Suez lui avait à bon escient confié la glorification ; poète, il a chanté avec sa palette et son pinceau ses incomparables monuments, ses monstres énigmatiques, ses hypogées (troublants), et c’est incontestablement du royaume mystérieux des Pharaons qu’il a rapporté les impressions les plus saisissantes de sa carrière d’artiste." (Maxime Legrand)

Marc Chartier

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