mercredi 17 septembre 2014

Marcelle Baud, une copiste très originale


Les pleureuses de la tombe de Kynebou - n°113 - Nécropole de Cheikh Abd el-Gournah
Dessin de Marcelle Baud publié dans "Les pleureuses dans l'Égypte ancienne" de Marcelle Werbrouck, 1938

Marcelle Baud est une "auvergnate" née à Paris le 28 novembre 1890. Elle évolue dans un univers artistique, avec un grand-père dessinateur et un père "peintre de lettres". Elle l'aide d'ailleurs souvent à terminer les commandes urgentes. Elle excelle à l'École de dessin (Académie Julian) et, à 18 ans, entre aux Beaux-Arts. 

En 1911, elle s'inscrit en égyptologie à l'École du Louvre où elle a comme camarade Etienne Drioton … "Pendant ses études au Louvre, elle suivait pour son plaisir les cours de Benedite, professeur helléniste. Elle s'aperçut que la documentation en images de ce professeur était pauvre ; elle se mit donc à lui dessiner tous les costumes et monuments grecs dont il avait besoin. Inutile de dire dans quelle estime son professeur la tenait ; il l'appréciait énormément et s'intéressa à elle en lui faisant obtenir son premier voyage en Égypte ce qui fit qu'elle fut la première femme à faire l'École du Caire, dix sept ans avant Christiane Desroches-Noblecourt".

En 1921, commence sa longue et fructueuse carrière d'égyptologue, de dessinatrice et de copiste. Sur différents sites, dans les temples et les tombes, elle libère son talent et une maîtrise de plus en plus affirmée. 

Elle côtoie le microcosme de l'égyptologie. En 1922, elle est présente lors de la grande découverte qui secoue la Vallée des Rois : celle de la tombe de Toutankhamon par Lord Carnarvon et Howard Carter.

Elle est proche des équipes belges, notamment de Marcelle Werbrouck et de Jean Capart qui la sollicitent pour faire des relevés de tombes. Son excellent travail est couronné par des expositions au Louvre, à Bruxelles et à Brooklyn, qui rencontrent un énorme succès. À l'heure où la présence féminine sur les champs de fouilles est extrêmement rare, voire quasi nulle, c'est un véritable "adoubement", une reconnaissance totale de son art et de ses compétences.
Porteur d'offrandes dans une tombe thébaine - aquarelle de Marcelle Baud

En 1926, un article lui est consacré dans la revue féministe "L'Égyptienne" fondée par Mme Hoda Charaoui : "À Paris, la curieuse exposition de dessins de tombeaux thébains de Mlle Marcelle Baud, jeune archéologue qui a passé deux ans dans la Vallée des Rois, a obtenu le plus vif succès. Mlle Marcelle Baud a recueilli ses documents dans la nécropole de Gournah, cimetière des grands dignitaires royaux au temps du nouvel Empire, de la 18e à la 26e dynastie. Avec une science profonde des lignes et un réel talent particulier, Mlle Marcelle Baud a évoqué dans tout leur réalisme ces scènes de la vie égyptienne d'autrefois."

Dans un ouvrage de synthèse intitulé "Les dessins ébauchés de la nécropole thébaine" paru en 1935, elle a dégagé : "les directives de l'art du dessin en Égypte. La décoration murale des tombeaux est une écriture développée, car le dessin égyptien est avant tout descriptif. Les personnages ont la valeur d'un symbole : leur pose, leurs attributs, leurs dimensions permettent de lire comme un texte les scènes représentées en différents registres. Par raison religieuse, les thèmes décoratifs des tombes thébaines imposés par les prêtres sont presque immuables : scènes d'adoration, présentations d'offrandes aux divinités, objets utiles à la vie d'outre tombe…"

En 1938, Marcelle Werbrouck la sollicite afin d'illustrer son ouvrage sur "Les Pleureuses" ; puis, la Seconde Guerre mondiale marque son retour en France, en Auvergne plus précisément. 
En 1950, elle est contactée par les éditions Hachette afin de revoir le Guide Bleu sur l’Égypte. Elle le refond totalement en 1956.

En 1978 - elle a alors 88 ans -, elle sort un nouveau livre sur "Le caractère du dessin en Égypte ancienne". Dans son introduction elle livre, en des phrases choisies et sincères, toute l'admiration et la passion qu'elle éprouve pour l'art auquel elle a consacré sa vie : "L'art égyptien, un art "descriptif par excellence", "la réflexion mentale de l'artiste est primordiale." "Cet ouvrage est une remarquable étude du dessin et des bas-reliefs tels qu'ils furent pratiqués en Égypte ancienne. On y apprend ainsi comment les éléments du décor étaient représentés par rapport à un spectateur mobile."

Marcelle Baud a rejoint le royaume d'Osiris qu'elle a si souvent dessiné le 10 (13?) février 1987. Elle repose dans le cimetière d’Issoire. Elle a légué une partie de ses archives et dessins préparatoires au musée Bargoin de Clermont-Ferrand. Marcelle Baud est très certainement une artiste à redécouvrir…

marie grillot

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