samedi 16 août 2014

Champollion arrive en Égypte : "Une impression de bien-être, un peu comme si je rentrais chez moi après des siècles de manque et d’absence".


"Je suis arrivé le 18 août sur cette terre d’Égypte, après laquelle je soupirais depuis si longtemps." C'est ainsi que Jean-François Champollion débute la lettre qu'il adresse à son frère, le 22 août 1828, depuis Alexandrie.

C'est à bord de “L’Eglé” que l'expédition franco-toscane est partie pour l’Égypte, le 31 juillet 1828. C'est enfin la concrétisation du grand projet de Champollion et Rosellini : une expédition, soutenue par Charles X et le grand-duc de Toscane, pour visiter les monuments de l'Égypte antique et acheter des objets pour les collections royales. Auprès de Champollion et de Rosellini sont regroupés "des érudits et des techniciens tant français qu'italiens". Il est convenu que "les documents, plans, dessins, notes seront le bien commun de l'expédition. Quant aux objets provenant de dons ou de fouilles, ils devront être équitablement partagés."

Après l'avoir tant étudiée dans les livres, tant côtoyée dans les musées, Champollion arrive enfin sur cette terre aimée : comment imaginer la joie qui doit être la sienne ? L'émotion qui doit l'envahir ? La curiosité qui doit l'habiter ?

Voici ce qu'il écrit : "Il semble que je suis né dans le pays" ; ou bien encore : "Mais comment dire ce que je ressens ? Une impression de bien-être, un peu comme si je rentrais chez moi après des siècles de manque et d’absence."

Le meilleur accueil leur est réservé : "M. le chancelier du consulat-général de France voulut bien aussi venir à notre bord, nous complimenter de la part de M. Drovetti, qui se trouvait heureusement à Alexandrie, ainsi que le vice-roi. Le soir même, à six heures, je me rendis à terre, avec notre brave commandant et mes compagnons de voyage, Rosellini, Bibent, Ricci, et quelques autres : je baisai le sol égyptien en le touchant pour la première fois, après l’avoir si longtemps désiré." 

Le soir même, ils sont invités chez M. Drovetti "dont l’accueil empressé mit le comble à toutes nos satisfactions. Surpris toutefois de notre arrivée au milieu des circonstances actuelles, il nous en félicita cependant, et nous donna l’assurance que notre voyage d’exploration ne souffrirait aucune difficulté ; son crédit, fruit de sa conduite noble, franche et désintéressée, qui n’a jamais pour objet que le service de notre monarque dont le nom est partout vénéré, et l’honneur de la France, est une garantie suffisante de ces promesses. M. Drovetti ajouta encore à ses prévenances, en m’offrant un logement au palais de France, l’ancien quartier-général de notre armée. J’y ai trouvé un petit appartement très agréable : c’est celui de Kléber, et ce n’est pas sans de vives émotions que je me suis couché dans l’alcôve où a dormi le vainqueur d’Héliopolis."

Mais Champollion se rendra bien vite compte que l'accueil réservé par Drovetti est un peu "surfait". Bien que très affaibli par la maladie, il semble toujours aussi "rusé" et peut-être ne voit-il pas l'arrivée de l'expédition d'un si bon oeil… 

Ainsi, le 22 août, le Pacha fait savoir que "les autorisations de fouilles restent le monopole de ses amis Drovetti et Anastasi, le très actif et très gourmand consul de Suède, et Champollion s'entend conseiller de ne plus songer à fouiller". 

La réaction de Champollion est prompte et vigoureuse… et les choses s'arrangent finalement. Le 13 septembre, il est reçu par le Pacha qui se répand en bonnes grâces et lui fait savoir qu'une protection ouverte lui est accordée.

Les argonautes peuvent désormais partir vers Le Caire et la Haute-Égypte …

marie grillot

sources :
“Champollion, une vie de lumières”, Jean Lacouture, Grasset, 1988
“Champollion, présenté par Robert Solé”, collection autoportaits, Perrin, 2012

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