vendredi 11 juillet 2014

L'impératrice, le khédive, le mamour (*) et les pyramides

Tableau de Charles-Théodore Frère (dit Frère Bey) 1814-1888
Repas organisé au temple de Denderah pour l'Impératrice Eugénie
Crédit : Association du Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez

María Eugenia de Guzman Palafox Portocarrero y Kirkpatrick de Closeburn, marquise d’Ardales, marquise de Moya, comtesse de Teba, comtesse de Montijo - dite "Eugénie de Montijo", épouse de Napoléon III, empereur des Français, est venue deux fois en Égypte.

Elle a par ailleurs eu différents contacts avec ce pays. En 1862, la famille impériale est invitée à un fastueux dîner offert à Paris par Saïd Pacha, vice-roi d'Égypte, en sa résidence de la Villa Saïd. En 1868, elle rencontre les fils du khédive, Hussein et Hassan. Hussein fait d'ailleurs ses études et devient l'ami du prince impérial.

Son premier contact avec la civilisation "pharaonique" semble avoir lieu lors de l'Exposition universelle à Paris en 1867. Le jour de l’inauguration, Ismaïl Pacha fait le déplacement pour accueillir, dans son pavillon, Napoléon III et son épouse. C'est alors qu'elle découvre, dans une vitrine, la parure de la reine Ahhotep, dont le collier dit "aux trois mouches d’or". Elle exprime au pacha sa volonté d’avoir cette parure. Embarrassé, ne sachant comment lui refuser, il répond ainsi : "Il y a quelqu'un de plus puissant que moi à Boulaq, c'est à lui qu'il faut vous adresser." Il se décharge ainsi sur Mariette qui aura le courage de s'opposer, avec une extrême diplomatie, à ce souhait impérial.

Le khédive a offert une luxueuse dahabiah à la famille impériale : remorquée depuis Alexandrie, elle est amarrée au pont d'Iéna. Il semble qu'il ne reste pas insensible au charme de l'impératrice qui est : "dans tout l’éclat de sa beauté et la plus élégante des souveraines d’Europe, son couturier Charles Worth sachant mettre en valeur la grâce altière de son impériale cliente". La famille impériale assiste également à un "démaillotage" de momies. Le prince impérial emportera d'ailleurs une partie des bandelettes ! 

Pour l'inauguration du canal de Suez, le khédive a invité de nombreuses têtes couronnées, dont Napoléon III et son épouse. L'empereur est souffrant ; aussi l'impératrice s'y rendra "seule". Enfin "seule" n'est pas à prendre au pied de la lettre : elle est avec ses proches, ses dames de compagnie, son coiffeur, et… une trentaine de domestiques. 

Après un voyage de plus d'un mois, le yacht impérial "L'aigle" arrive à Alexandrie le 23 octobre. Au Caire, elle est logée au Palais de Guezirah (devenu l'hôtel Marriott) décoré et meublé de neuf pour la circonstance.
Voyage de S.M. l'Impératrice Eugénie en Egypte
Tableau de Charles-Théodore Frère (dit Frère Bey) 1814-1888

Du 25 octobre au 12 novembre 1869, elle effectue un voyage en Haute-Égypte. Pour elle, le khédive a fait aménager "un palace flottant le plus moderne de ses vapeurs fluviaux". Elle a Auguste Mariette pour guide et il semble que l'affaire des bijoux soit désormais oubliée : "Eugénie ne manifestera aucune rancœur et se montrera tout sourire et pleine de prévenance à son égard". 

Avant de se rendre en Égypte, elle s'est familiarisée avec le monde pharaonique en suivant des cours auprès de Maspero. "Les principales étapes de ce voyage sur le Nil furent Minieh, Abydos, Keneh, l'oasis de Dackel, Edfou, Assouan et au retour, Esneh, Louqsor, Karnak, Thèbes, Memphis, Saqqarah et Guizeh." Après avoir visité Abydos sous un soleil ardent, elle dira à Mariette : "J'ai vécu une des journées les plus intéressantes de ma vie !"

Afin qu'elle puisse se rendre confortablement aux pyramides, le khédive a fait construire - en 6 semaines et en employant des milliers de fellahs - une route carrossable. Or : "le jour venu, le vice-roi fit les honneurs du site à l’impératrice, venue avec lui en calèche. À la vue des ânes, amenés par quelques bédouins, Eugénie ne résista pas à l’attrait d’une petite promenade." 

Le 17 novembre, elle assiste avec de nombreux souverains à l'ouverture du canal de Suez. "Les bateaux, en un long cortège, se mirent lentement en mouvement en direction du Sud. La procession était conduite par L’Aigle." Une vraie 'croisière de rois'.

Une longue escale était prévue à Ismaïlia, où un millier de tentes avaient été dressées pour des fêtes qui n’avaient assurément rien d’orientales. Après le banquet, il y eut un feu d’artifice suivi d’un bal ouvert par l’impératrice.

À l’issue de ce banquet dont les chroniqueurs nous apprennent qu’il aurait coûté deux millions de francs de l’époque, Ferdinand de Lesseps reçut des mains de l’impératrice (sa cousine) les insignes de grand croix de la Légion d’honneur auxquels le khédive joignit ceux de l’Osmanié.

En 1905, alors qu'elle est âgée de 80 ans, Eugénie reviendra en Égypte, accompagnée de son cousin le Comte J. Napoléon Primoli.

(*) titre d'Auguste Mariette, directeur des Antiquités égyptiennes

marie grillot

sources : 
Gaston Maspero, Elisabeth David, Pygmalion, 1999
L'Egypte passion française, Robert Solé, éditions du seuil, 1997
http://fr.wikipedia.org/wiki/Eugénie_de_Montijo
http://hebdo.ahram.org.eg/NewsContent/999/39/136/4226/Inauguration-du-Canal-de-Suez-------novembre-.aspx

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