lundi 7 juillet 2014

La cachette des momies royales - histoire d'une découverte (3)

3e épisode : 

Les aveux - La (re-) découverte - La stupéfaction 
Les momies prestigieuses et leur incroyable histoire


Arrestation - protestations d'innocence - dispute familiale - aveux

Lors de leurs interrogatoires, les frères Abd el-Rassoul nient tout trafic d'antiquités. Daoud Pacha, le gouverneur de Qenah, a la réputation de torturer durement les inculpés. Leurs crânes sont rasés, les coups de "kurbach" frappent leur dos, la plante de leurs pieds est brûlée. Pendant leur deux mois d'emprisonnement, ils ne reconnaissent rien, aucun aveu ! Parallèlement, les notables et les villageois de Gournah arguent de leur honnêteté, prennent leur défense. Le maire, le "omda", affirme que : "les Abd el-Rassoul n'ont jamais fouillé et ne fouilleront jamais, qu'ils sont incapables de détourner le moindre objet d'antiquités, et, à plus forte raison de violer une tombe royale !"

À noter que le vice-consul Moustapha Agha, avec lequel ils semblent avoir fait commerce d'antiquités auparavant - demeure pour le moins effacé et n'apporte pas la protection qu'il leur avait jusqu'alors promise et assurée. Couvert par son immunité, il ne sera lui-même nullement inquiété. Quoi qu'il en soit, aucune charge ne pouvant être retenue contre les frères, ils sont relâchés deux mois plus tard. 

L'histoire aurait pu s'arrêter ainsi. Mais quatre semaines après, une dispute violente secoue la famille. Ahmed, qui a été particulièrement maltraité lors de son arrestation, estime qu'il mérite une part plus importante sur la vente des objets. Les autres ne l'entendent pas ainsi. Mais très curieusement, il semblerait que ce soit Mohamed qui se soit rendu secrètement chez le moudir à Qena pour faire des aveux. Sous couvert d'impunité - et du versement d'une somme de 500 livres anglaises ! - il révèle le secret familial conservé pendant 10 ans : la découverte d'une tombe collective derrière Deir el-Bahari.

Le service des Antiquités sur les lieux

Maspero étant reparti en France pour l'été, c'est son proche collaborateur Emile Brugsch (surnommé le "petit Brugsch", il est le frère d'Heinrich, un égyptologue allemand reconnu) qui est dépêché sur les lieux. Accompagné par Ahmed Effendi Kamal, assistant au musée du Caire, et Thadéos Matafian, ils vont superviser la "re-découverte" de la DB 320.

Le 6 juillet 1881, en présence de Mohamed Abd el-Rassoul, dans la chaleur écrasante des rochers de Deir el-Bahari, les pierres qui avaient été disposées pour masquer l'entrée sont enlevées. Au moyen d'une corde, ils descendent dans la tombe.

Plus de 50 momies de pharaons !
Onze mètres plus bas, dans la première pièce, à la lueur de leurs torches, 3 sarcophages apparaissent. L'un d'eux contient la momie de Sethi Ier (cette momie, Belzoni l'avait désespérément cherchée, en octobre 1817, lorsqu'il avait découvert la tombe du pharaon dans la Vallée des Rois). Offrandes funéraires, coffres, vases canopes, tout se trouve dans un désordre indescriptible. "Tout était rempli de sarcophages en bois, de momies, d'objets funèbres."

Fébrile, Brugsch poursuit vers une autre chambre. Dans cette pièce de 80 m, il décompte une quarantaine de momies dont celles des pharaons les plus célèbres : Ahmosis qui chassa les Hyksos, Thoutmosis III, Ramsès II qui régna pendant plus de 60 ans, Aménophis Ier dont la momie lui apparaît encore ornée des guirlandes de fleurs fanées, depuis plus de 3000 ans. Sans oublier celle d'Ahmès Nefertari, la grande reine, divinisée et adorée à Deir el Medineh. Là encore, des sarcophages, des paniers, des coffres de bois, des canopes, des offrandes, la tente funéraire de la reine Isistemkheb…

L'histoire des momies "errantes"

Bien longtemps auparavant, aux environs de 1100 av. J.-C. (XXIe dynastie), tout a été déposé là à la demande du grand prêtre Herihor qui dirigeait alors la région thébaine. L'époque était troublée et de nombreuses exactions étaient commises dans la Vallée des Rois. Respectant et vénérant les anciens pharaons, il voulait éviter le pillage et la profanation de leurs demeures d'éternité. C'est ainsi qu'il eut l'idée de les re-inhumer dans sa propre tombe. Des annotations ont été portées sur les cercueils ou les bandelettes des ses momies surnommées les "momies errantes". Sur les bandelettes de la momie de Ramsès II, on peut lire ce texte : "Année 15, 3e mois d'akhet, 6e jour - Jour où l'on a transféré l'Osiris du roi Usermaatre-setepenre (Ramsès II). Vie, Prospérité, Santé." On apprend également que certaines momies ont transité par d'autres tombes, dont celle de Sethi Ier.

marie grillot

Premier épisode
Deuxième épisode

Quatrième épisode

À suivre : le quatrième et dernier épisode

sources :
Maspero Gaston, “Les momies royales de Deir el-Bahari”
Maspero Gaston, “Rapport sur la trouvaille de Deir el-Bahari” - Institut Egyptien - bulletin n° 2 - 1881
Gaston Maspero, “Elisabeth David”, Pygmalion, 1999
Reeves Nicholas, Wilkinson Richard H., “The complete valley of the kings”
Rommer John, “La vallée des rois”
Carter Howard, “La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon”
Ceram C.W., “Des dieux, des tombes, des savants”
Dauber Maximilien, “Un village au bord du Nil”
Ehlebracht Peter, “Sauvez les pyramides”
Montet Pierre, “Isis ou à la recherche de l'Egype ensevelie”
Vercoutter Jean, “A la recherche de l'Egypte oubliée”
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Momie_(film,_1969)
https://archive.org/details/The_Night_of_Counting_the_Years

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